Lutte syndicale : L’UNTM a-t-elle abdiqué ?

0

Un syndicat, dit-on, est un groupement constitué pour la défense d’intérêts professionnels ou catégoriels communs. Le syndicalisme est un mouvement ayant pour objet de grouper les personnes exerçant une même profession, en vue de la défense de leurs intérêts. Le premier syndicat, crée, lors du congrès constitutif de juillet 1963 par les travailleurs, est l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM). Quelques années plus tard, d’autres syndicats s’ajoutèrent. Diversité syndicale oblige !

De sa création à nos, l’UNTM eut successivement comme secrétaires généraux: Mamadi Famadi Sissoko, Bougouri Diarra, Soumana Mamadou Maïga, Seydou Diallo, Mamadou Kane, Bakary Karambé, Issa dit Issé Doucouré, Hamadoun Amion Guindo, Siaka Diakité, Yacouba Katilé. Parmi eux, certains ont bien rempli leur mission. Il s’agit entre autres de Bakary Karambé qui a joué un rôle prépondérant dans la lutte contre le régime du général Moussa Traoré (GMT). Siaka Diakité qui a véritablement amené l’État à concevoir une nouvelle grille indiciaire, faisant par exemple passer la catégorie A de l’indice 750 à l’indice 900. (Puisse Allah leur réserver le paradis !)

Le lendemain du renversement du général Moussa Traoré, le 26 mars 1991, au matin, le Comité de réconciliation nationale (CRN) qui comportait en effet les officiers plus compromis avec le régime défunt, reconnaît qu’il s’agit là, de la victoire du peuple et décide d’aller voir les responsables des associations et organisations démocratiques qui ont mené la lutte. Hommage de l’armée au peuple ! Il paraît que cela ne s’est pas passé sans hésitations. Normal quand on regarde de près la composition du CRN. Mais la réaction des leaders du mouvement démocratique m’a laissé perplexe: aucune allusion au rôle que l’armée a joué dans la chute du régime et, pour mieux monter la suspicion qui frappe l’armée, notre porte-parole insiste lourdement sur la victoire du peuple et sur le fait que le pouvoir serait tombé même sans l’intervention de l’armée. Mieux, les jours qui ont suivi, plusieurs leaders se sont adonnés à une surenchère sur le danger que représente l’armée.

L’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) a eu beaucoup de mal à trouver une juste mesure sous un pouvoir antidémocratique, pour lequel finalement tout contre- pouvoir était assimilé à l’opposition Bakary Karambé, secrétaire général de l’UNTM, pendant les heures sombres, a eu des défaillances, cela est compréhensible. Il est même possible que Karambé ait commis des actes répréhensibles sur le plan déontologie syndicale. On peut lui pardonner beaucoup de choses à cause du rôle que l’UNTM, sous sa direction, a joué pour le renversement du régime du général Moussa Traoré.

Le Mouvement démocratique plus que toute autre structure peut témoigner que sans le soutien décisif des travailleurs, tout au plus nous aurions eu droit en mars 1991, à un coup d’État, sans plus. Et du reste, le mouvement démocratique l’a reconnu en nommant le secrétaire général de l’UNTM, vice-président du Comité transitoire pour le salut du peuple (CTSP), organe suprême pendant la transition.

Dans un contexte de multipartisme, le rôle de médiateur, parfois d’arbitre, en tout cas de moralisateur de la vie publique, peut apparaître de façon très nette concernant des contrepouvoirs de la dimension de l’UNTM. L’existence de syndicats forts, circonscrit à la violence dans les limites qui excluent l’assassinat politique pour s’emparer du pouvoir. On prend le pouvoir pour administrer des hommes et des biens et en tirer un certain profit et si cela n’est pas possible ? À quoi bon s’emparer de ce pouvoir. Les militaires de Sao Tomé et Principe l’ont appris à leur dépens en août 1995.

Dans un autre sens et aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’affaiblissement des contrepouvoirs peut entraîner une plus grande violence dans la conquête et l’exercice du pouvoir politique. Un pouvoir trop centralisé et même individualisé crée des situations, où le changement de détenteur du pouvoir se passe dans la violence (royaume bambara de Ségou, assassinats de princes). Le syndicat le plus puissant est celui du Burkina Faso. Il a été affaibli entre 1986 et 1987, ce qui explique que le changement à la tête de l’État se soit fait dans un véritable bain de sang (Sankara, Lingani et d’autres). Les autres coups d’État qui ont lieu dans ce pays, se sont déroulés sans effusion de sang.

Sur un autre plan qu’est-ce qui a manqué aux «acteurs du Mouvement démocratique» pour réussir ? C’est de nous avoir servi une démocratie chiffonnée, où des épouses sortent du gouvernement pour faire la place à leurs époux, ou vice-versa. Une démocratie, où rien n’était interdit, où on pouvait tout faire et son contraire.

Le pouvoir a-t-il intérêt à affaiblir les syndicats ?

Non ! Nous savons que les trois (03) coups d’État: 1991-2012-2020 émanent de groupements bien organisés (1991, UNTM; 2012, les femmes de militaires; 2020, les religieux. Un pouvoir démocratique a besoin d’un syndicat fort, ayant à sa tête des hommes solides et sérieux. Un syndicat fort suppose: des militants bien formés, des règles institutionnelles respectées par tous, des locaux qui peuvent servir de sanctuaire, de symbole même aux yeux du pouvoir, au plus fort d’une crise. Une gestion transparente. Une des faiblesses majeures de l’UNTM: elle n’a jamais eu une gestion transparente et le pouvoir attend véritablement les contrepouvoirs à ce niveau.

L’État n’hésite pas à pousser les leaders du contrepouvoir à la tentation, pour ensuite élaborer des dossiers sur eux et les soumettre le moment venu à de véritables chantages. Tout cela rend l’UNTM aujourd’hui bien peu crédible au grand dam des travailleurs qui sont les plus grands perdants dans l’affaire.

L’actuel secrétaire général de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), président d’une Institution de la République, est Président du conseil d’administration (PCA) de l’Institut national de Prévoyance sociale (INPS). Des mouvements de grèves sont en gestation dans l’administration publique. Que peut faire Yacouba Katilé, secrétaire général de l’Union des travailleurs du Mali après avoir posé sa signature sur le pacte de stabilité sociale et de croissance ?

Safounè KOUMBA

 

Commentaires via Facebook :

REPONDRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

Leave the field below empty!