Le projet de digitalisation des paiements dans les services publics au Mali, formalisé par un décret adopté en Conseil des ministres le 10 juillet 2024, vise à moderniser la gestion des finances publiques et à lutter contre la corruption. Cependant, cette réforme, bien qu’ambitieuse, semble poser de sérieux problèmes dans son application auprès de certains agents de la police nationale, suscitant de vives interrogations de la part des citoyens.
Malgré les efforts pour instaurer la transparence, la digitalisation des paiements s’avère être un véritable casse-tête pour certains agents de police. Loin d’adhérer à cette nouvelle mesure, ils continuent de s’adonner à des pratiques de corruption. Lorsqu’un usager est pris en faute par les agents de la circulation routière, ces derniers privilégient une méthode qu’ils appellent « arrangement » : un paiement informel où le montant est négocié. Par exemple, au lieu de payer 5000 FCFA via un transfert digital, l’usager se voit proposer de verser une somme inférieure, comme 2000 FCFA, directement aux agents. Ces montants, souvent collectés hors du cadre légal, sont ensuite partagés entre eux. En outre, certains agents prétendent ne pas disposer de code marchand ou donnent le numéro d’un collègue pour le transfert, récupérant ensuite l’argent en toute opacité.
Des abus flagrants sur le terrain !
Les témoignages des usagers révèlent l’ampleur du problème. Un motocycliste intercepté pour absence de vignette a déclaré : « Ils m’ont pris ma clé et refusé de me donner un code marchand pour le paiement. Ils prétendaient que la digitalisation coûtait plus cher et exigeaient 2500 FCFA. Lorsque j’ai proposé 1000 FCFA, ils ont refusé. J’ai dû contacter une connaissance au ministère pour débloquer la situation ». Ces pratiques sont d’autant plus fréquentes à l’approche de la fin d’année, période où de nombreux motocyclistes circulent sans vignette.
Selon nos sources à la mairie du District de Bamako, la police nationale ne devrait pas, à elle seule, contrôler les vignettes. Ce rôle revient aux agents municipaux, qui disposent des outils nécessaires pour distinguer les vraies des fausses. En théorie, la police devrait uniquement assister ces agents. Lorsque des infractions sont constatées, les véhicules concernés doivent être transférés au Groupement Mobile de Sécurité (GMS) en attendant que les propriétaires régularisent leur situation auprès des services municipaux.
Un appel à la responsabilité des autorités !
Ces dérives entachent l’image de la police nationale et sapent les efforts de modernisation entrepris par les autorités. Le ministère en charge de la Sécurité et de la Protection civile doit agir fermement pour mettre fin à ces pratiques. Des sanctions exemplaires contre les agents fautifs seraient un premier pas vers la restauration de la confiance entre les forces de l’ordre et la population.
Sur la situation, notre questionnaire, accompagné d’une demande d’enquête journalistique envoyé au Directeur Général de la Police Nationale a été répondu par un élément vidéo de l’interview du DGPN par son service de communication. Ce qui faisait de nous des poussins à picorer tout ce qu’on lui jette sous le bec. Sic !
La digitalisation des paiements, conçue comme un outil de transparence, un vœu cher au Président de la Transition, Général d’Armée Assimi Goïta ne peut atteindre ses objectifs si elle est écorchée par ceux-là mêmes qui doivent la faire respecter. Il est temps que les autorités maliennes assurent une mise en œuvre rigoureuse de cette réforme pour en garantir le succès.
Par Fatoumata Coulibaly