Valse de sélectionneurs a la tête des aigles du Mali : Des boucs émissaires sacrifiés pour masquer les carences managériales des dirigeants du football malien

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Dans un communiqué publié le 13 juin 2024, le Comité exécutif (COMEX) de la Fédération malienne de football (FEMAFOOT) a annoncé avoir mis fin à sa collaboration avec l’entraîneur de l’Équipe nationale senior (Les Aigles), en la personne d’Eric Sékou Chelle néanmoins remercié pour «les efforts consentis à la tête des Aigles». Une décision prise en consultation avec le ministère de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne. Si elle était attendue et souhaitée, cette rupture est loin de consoler le public sportif de plus en plus conscient que les coaches ne sont en réalité que des boucs émissaires sacrifiés pour masquer les carences managériales de notre football.

Après la douche froide du 3 février 2024 à Bouaké (1/4 de finale Can 2023 face aux Éléphants archi dominés), nous étions de ceux qui ont plaidé pour qu’une seconde chance lui soit donnée. Mais, la défaite contre le Ghana au ​Stade du 26 Mars le 6 juin 2024 a prouvé que nous avions tort. Et cela d’autant plus qu’Eric Sékou Chelle n’a visiblement tiré aucune leçon de cette très amère défaite contre les Éléphants (devenus champions d’Afrique par la suite) parce qu’il a reproduit les mêmes erreurs. Il a péché dans la gestion du temps et de l’effectif. Bref, son coaching s’est révélé très insuffisant pour atteindre les résultats escomptés.

Il est vrai que Eric Sékou Chelle c’est 14 victoires, 5 nuls et 3 défaites (pas les moindre) pour 42 buts marqués et 14 encaissés lors de 25 matchs toutes compétitions confondues entre le 7 mai 2022 et le 13 juin 2024. Mais, au finish, il a perdu les matches qu’il ne fallait pas, des rencontres pourtant à sa portée, mais perdues à cause des erreurs de coaching.

Un coach est un manager, donc un meneur d’hommes. Ce qui suppose de savoir gérer le mental et les egos de ses protégés​ sans jamais céder à la complaisance. Dans la vie, on ne peut tirer son épingle du jeu dans aucune activité en voulant faire plaisir à tout le monde, en cédant à la pression des uns et aux caprices des autres. Pas surtout de ceux à qui on est supposé montrer la voie à suivre. Un coach se doit de s’affirmer en assumant ces choix de l’effectif, du schéma tactique… Avec Eric, on avait l’impression qu’il n’y avait pas de différence entre les matches amicaux et les rencontres officielles car il était en perpétuel test des joueurs, des schémas tactiques pour rendre son «losange» assez performant. Peut-être aussi qu’il ne fallait pas attendre de lui un miracle en si peu de temps !

 

Eric, un fusible sauté pour sauver un système défaillant dans son ensemble

On le dit souvent, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Les errements du sélectionneur national ne constituent que la partie visible de l’iceberg du malaise qui handicape les Aigles, notre football d’une manière générale. Comme l’a si pertinemment analysé un jeune confrère, «ils se sont sauvés (ministère de la Jeunesse et des Sports/Fédération malienne de football) sans notre football». En effet, après le déplacement chaotique en Afrique du Sud, les récriminations du capitaine Hamari Traoré (d’ordinaire discret pondéré) ne sont pas sans fondements. «Encore une nouvelle situation chaotique pour notre sélection malienne… Nous avons de fortes ambitions pour la Coupe du monde, mais ces conditions ne nous mettent pas, nous les joueurs​ ainsi que le staff, dans les meilleures dispositions pour jouer des matchs aussi cruciaux pour notre nation. Nos dirigeants doivent prendre leurs responsabilités, nous écouter et comprendre l’enjeu capital de la préparation de ces matchs, ô combien important pour notre peuple», a-t-il déploré. C’est un coup de gueule qui traduit le dépit longtemps contenu d’un leader.

Le ministre et la fédération ont beau se jeter des fleurs par rapport à leur collaboration, nous savons que tout est loin d’être rose au niveau de l’intendance. Personnellement, nous ne pouvons pas juger Eric Sékou Chelle et ses joueurs sur le nul (vraiment nul dans tous les sens du terme) contre Madagascar à Johannesburg à cause des conditions dans lesquelles ce déplacement a eu lieu. Du stress et de l’angoisse des jours d’attente à Bamako à la fatigue du voyage, difficile de se retrouver psychologiquement et physiquement sur un terrain de football.

Ce qui n’est pas la faute de l’encadrement technique. Ce voyage a remis en relief le sempiternel problème d’intendance des Équipes nationales de notre pays. «Nous ne savons pas voyager et cela peut​ être un sérieux handicap pour nos sportifs», avait reconnu un ministre des Sports en instruisant son cabinet de mener la réflexion pour changer la donne. Ce qui s’est passé pour le voyage en Afrique du Sud prouve que le problème est toujours entier. Et pourtant, il ne s’agit pas d’inventer la roue, mais d’essayer de voir comment font ceux qui s’en sortent, de faire preuve d’imagination et d’esprit d’anticipation au lieu de toujours jouer aux pompiers. Le football professionnel demande une bonne organisation qui est un facteur essentiel de performance.

 

Vingt «boucs émissaires» sacrifiés en 24 ans

En 24 ans, 20 sélectionneurs seraient passés à la tête des Aigles du Mali. «Pensez-vous alors que le problème c’est le sélectionneur ?», nous interroge un confrère de la place. Cette valse d’entraîneurs est révélatrice du manque de vision et de leadership dans le management de notre foot. D’abord cela peut être lié au manque de rigueur ou d’objectivité voire d’ambition réelle dans le casting. Ce n’est pas aussi forcément que tous ces entraîneurs sont mauvais, mais ils sont des fusibles, des agneaux qu’on a sacrifié (le plus souvent sous la pression des supporters et des mercenaires de la plume et du crachoir comme ce fut le cas de Mohamed Magassouba) pour se sauver. C’est quand on est sûr de travailler sur la base d’une vraie vision managériale que l’on peut se permettre de faire la sourde oreille à certaines récriminations car rassuré de rapidement parvenir à des résultats pouvant mettre tout le monde d’accord. Mais, comme le dirait l’autre, lorsqu’on est incapable d’atteindre ses objectifs, on trouve toujours des parades pour sauver la face

Ces limogeages constituent en tout cas une fuite en avant, une politique d’autruche pour ne pas aborder les vrais problèmes. En fait, nous voulons nous hisser au même niveau que les meilleurs sans fournir l’effort nécessaire et investir les moyens conséquents comme eux. Le hasard a peu de place dans le sport car la performance est planifiée sur plusieurs étapes à franchir sans en brûler une. Mais, ici on recrute un coach pour lui fixer l’objectif de non seulement nous qualifier, mais aussi de remporter le trophée d’une compétition comme la CAN par exemple dans un laps de temps.  Et sans jamais se préoccuper du respect de nos engagements en faveur des ces techniciens. En effet, le pays doit encore de arriérés de salaire à des coaches comme Mohamed Magassouba qui garder le silence  par patriotisme, pour ne pas écorner l’image du pays.

Comme si les autres venaient aux phases finales juste pour nous admirer et nous applaudir. Déjà, il y a deux obstacles qui se dressent pour contrarier un tel rêve (cela en est vraiment un). Primo, comme l’a dit un doyen et journaliste sportif émérite lors du symposium national sur le football (du 5 au 7 mars 2024), nos «Pro» (professionnels) sont surestimés voire surévalués alors qu’ils ne sont pas aussi bien côtés dans les meilleurs championnats du monde, principalement en Europe. Depuis les Seydoublen, Djilla, Freddy… combien de nos joueurs ont joué dans de «Grands clubs» en Espagne, Angleterre ou en Italie ? Combien d’expatriés commencent et terminent une saison avec la même forme pour rester des titulaires indiscutables dans leurs clubs ?

En dehors des blessures, c’est l’une des raisons de l’instabilité chronique de notre effectif (difficile de compter sur les mêmes joueurs lors de deux regroupements de suite). Ce qui ne facilite pas la tâche pour tactiquement constituer une équipe homogène et performante. C’est une équation que des sélectionneurs comme Mohamed Magassouba ont toujours dû résoudre. Sans compter la pression de certains responsables fédéraux et des confères pour leur imposer des joueurs sans tenir compte de leur forme ou de leur utilité aux schémas tactiques du sélectionneur. D’une manière générale, nous sommes du même avis que cet observateur et fan des Aigles qui (après le limogeage d’Eric Sékou Chelle) a rappelé que «la Femafoot n’est pas réaliste dans ses objectifs vu notre effectif».

L’autre obstacle, c’est qu’on a un encadrement technique obsolète par rapport aux sélections nationales auxquelles nous voulons nous comparer.  Cela a été déploré lors du symposium national sur le football par le sélectionneur national, le staff médical… Il faut plus de médecine, plus de kinés, plus de préparateurs physiques, au moins un psy pour la préparation mentale (cela manque cruellement à nos sportifs, particulièrement aux footballeurs alors que nous savons tous que si le mental n’est pas bon rien ne va), un expert en vidéo… Bref, il ne s’agit plus de recruter un technicien de haut niveau, mais aussi de lui permettre de s’appuyer sur un staff digne de ce nom comme cela a été recommandé par les participants du symposium.

Il faudra ensuite lui donner le temps de travailler pour combler la longue attente du public sportif malien. Le sacre continental est souvent au bout d’un travail de longue haleine, donc de la patience et de la persévérance. Ce ne sont pas les Sénégalais qui vont certainement me contredire !

Moussa Bolly

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