Notre invité de la semaine pour maintenir le cap de la rubrique “Que sont-ils devenus ?” s’appelle Djibril Sacko dit Bad, ancien international, ex-sociétaire de l’AS Sofa de la Commune IV, du COB et du Stade malien de Bamako. Il a fini sa carrière dans un club indonésien. Nous avons abordé avec lui les retombées financières de la Coupe Caf remportée par les Blancs de Sotuba en 2009, et dont il était l’un des éléments clés. Sa réponse cache mal tout le mystère qui entoure la répartition des primes et surtout le montant perçu par chaque joueur. Quelles étaient ses qualités ? Comment il a su s’imposer partout où il a passé ? Les raisons de sa retraite anticipée ? Comment il vit ce retrait footballistique ?
e distinguo de Bad par rapport à beaucoup de joueurs de sa génération est qu’il a incarné une valeur extraordinaire et des succès durant sa carrière : une Coupe Caf, quatre coupes du Mali, six titres de champion, deux doublés, des sélections en équipe nationale.
Evoluant au poste de latéral droit, il avait toutes les qualités du joueur complet. Très technique, il avait le don du marquage à la culotte. Autrement dit il empêchait l’adversaire de développer son jeu, en anticipant ses intentions.
Doté d’un bon sens pour les contrôles dirigés, il ne se faisait pas de soucis pour remonter le long de son couloir avant de délivrer des centres judicieux.
De taille moyenne, Bad demeure un latéral vivace, étincelant et toujours entreprenant pour des initiatives chaque fois que son équipe était en difficulté. Quel était son secret pour s’imposer partout comme titulaire ? Bad répond que le destin a fait que sa survie dépend du football, ce qui est tout à fait logique pour qu’il prenne cette discipline au sérieux en menant une vie sportive et être discipliné dans tout ce qu’il entreprend. Cependant, malgré sa vivacité et quelque soit sa forme dans un match, Bad n’a pourtant pas pu trouver une solution à Issa Traoré dit Djess du Djoliba. “Celui-ci m’a toujours défié et avec la manière”, reconnait-il.
Notre entretien avec lui s’est passé dans une atmosphère conviviale occasionnée par le pacte de cousinage entre Sacko et Sissoko. Il en a profité pour prendre en otage notre plan de travail. Il a commencé par où l’on devait terminer. Comment ?
“Avant de parler du début de ma carrière, je tiens à rendre hommage à mon coéquipier Ichiacka Eliassou. Il m’a rendu un service inoubliable. En 2014, je lui ai fait savoir que j’ai reçu l’invitation d’un club indonésien. Il s’est beaucoup réjoui de cette opportunité parce que nous avons toujours été des compagnons de chambre à l’internat. Une semaine après, il m’a appelé pour s’enquérir de l’évolution de ce dossier. Je lui ai parlé de mes difficultés pour payer un billet. Il m’a reproché de ne l’avoir pas informé.
Bref, il n’était pas content. Soixante douze heures après, il m’a remis la somme de 800 000 F CFA et m’a conseillé une agence de voyage dont les tarifs étaient plus abordables.
Voilà que je prends l’avion pour l’Indonésie. Mon cher ami Ichiacka, trouve ici à travers ces lignes l’expression de ma profonde gratitude”. Après cette reconnaissance, le petit est apparu plus en forme. Son cœur a parlé.
Bad est le fruit de l’AS Sofa, une équipe populaire de la Commune IV qui, malheureusement, n’a pu accéder à la première division. Avec ses amis d’enfance, il faisait office de spectateurs et de ramasseurs de balle quand les Bouramablen, Galadio Nango, Mamadou Kanté évoluaient dans ce club. A un moment donné, l’AS Sofa a connu une saigné liée au départ de ses ténors vers l’AS Mandé et le Stade malien. Un vide qui permit au groupe de Bad de prendre la relève en 1998 sous la forme d’une pépinière.
Il tiendra le flambeau pendant deux ans, mais sanctionné par l’échec pour monter en première division. Bad transfère au COB par le canal de son cousin Seydou Sacko. Au bout d’une semaine d’entrainement, le président Moussa Konaté trouve la bonne formule pour régulariser sa situation, vu qu’il évoluait dans un club de deuxième division.
Une constellation de trophées
Son premier match face à l’Usfas est tâché par un carton rouge. Quelle explication ? “Oh c’était la fougue de la jeunesse, l’inexpérience. Je voulais convaincre davantage. Certes j’ai gagné le pari, mais avant la mi-temps j’ai écopé de deux cartons jaunes. Cet incident n’a eu aucune influence sur la suite des événements”, soutient-il.
Bad est resté au COB pendant trois saisons et a remporté deux coupes du Mali (2000, 2002) avec les Daouda Diakité dit Darou, Amadou Niaré, Almamy Konaté dit Konan, Amadou Diamouténé, Mourtalah Diakité et autres. Cela ne l’a pas empêché de répondre à la sollicitation des dirigeants du Stade malien. Son séjour au COB n’a en rien diminué son amour pour l’équipe de Sotuba, surtout que ses idoles dans la Commune ont tous joué dans le club. Lors de la saison il rejoint la famille blanche contre une moto et une forte somme d’argent. Là aussi Bad s’impose comme un titulaire incontesté sur le couloir droit. Les différents entraineurs ont bâti leur système sur ses qualités offensives. Avec le Stade malien de Bamako, il remporte : deux coupes du Mali (2006,2013) six titres de champion ( 2005,2006,2007,2010,2011,2013) , deux doublés (2006,2013) .
La Coupe Caf se greffe à tous ces trophées locaux. Du début à la fin de cette compétition, Bad n’a raté qu’un seul match pour motif de suspension. Qu’est-ce qu’il peut dire des récompenses ? Chaque joueur a reçu combien ? L’on se rappelle que feu le président Amadou Toumani Touré avait aussi mis la main à la poche. Sur ces questions, Bad répond de façon évasive. Il n’a pas voulu se prononcer. Parce que selon lui les primes allouées différaient en fonction du prorata des matches joués par tel ou tel joueur. Donc difficile pour lui de s’aventurer sur un terrain glissant. Tout ce qu’il sait, chaque joueur a reçu un chèque et c’est tout.
Il passe par la suite une saison en Indonésie (2014-2016). La crise du football anticipe sa retraite comme ce fut le cas pour Cheick Oumar Batilly. Face à cette situation, il s’est résolu à collaborer avec son beau-frère spécialisé dans l’exportation des objets casses. En 2019 les deux créent une entreprise de transaction financière, et jusque-là tout va bien.
Djibril Sacko dit Bad est marié et père de cinq enfants dont deux filles.
Il retient comme bon souvenir de sa carrière la Coupe Caf de 2005. Quant aux mauvais souvenirs pour lui, ils sont au nombre de deux : la finale de la Coupe du Mali de 2011 où il a disputé toutes les phases avant d’être écarté lors de la finale face au COB. Mais aussi cette blessure qu’il a traînée et endurée durant tout le processus de la Coupe Caf. Ce riche palmarès justifie également sa sélection en équipe nationale en 2008.
Dans la vie, il aime le football, le sérieux dans le travail et la loyauté. Il déteste l’hypocrisie, la méchanceté et la malhonnêteté.
O. Roger