Le revers de la médaille pour une vedette ou un athlète dans une région est parfois renversant. Sa notoriété est limitée dans le temps et prend même souvent les allures d’une étoile filante. Malheureusement la situation ou la fin tragique de beaucoup de joueurs confirment ce constat amer : feu Moussa Koné dit Diégo du Sigui de Kayes, Sory Cissé du Nianan de Koulikoro. A ceux-ci, nous ajoutons les arbitres feu Issiaka Diallo dit Makwasa de Kayes et Seydou Oumar Diarra de Mopti. Ils ont fait leur temps, sans atteindre le niveau escompté au vu de leur potentiel. Nous terminons ces exemples par le cas de l’artiste Ousmane Sacko, un griot bon teint de la première région qui, malheureusement, n’a pu vivre de son talent, de sa voix d’or. Pourtant dans la Cité des rails, sa notoriété jusqu’à preuve du contraire reste inégalée. Ce prologue combien émouvant justifie à coup sûr notre choix fait sur un homme qui est aussi dans cette situation, Bakary Dramane Traoré, ancien arbitre international. Il est natif et vit toujours à Niono, dans la région de Ségou. Comment il est devenu arbitre ? Quel fut son parcours ? Sa retraite ? Son regard sur l’arbitrage malien ? La corruption dans ce milieu. Le diplômé de l’IPR de Katibougou signe son passage dans la rubrique “Que sont-ils devenus ?”
Bakary Dramane soutient qu’il n’est pas venu dans l’arbitrage à cause de l’argent. Mais demeure reconnaissant vis-à-vis du métier. “C’est grâce à l’arbitrage que j’ai touché le million pour la première fois. Sinon au plan national nos per diem étaient de 2500 F CFA, puis 5000 F CFA. Malgré tout j’ai eu des retombées financières sur le plan international. Par conséquent, l’arbitrage a eu son pesant d’or dans ma situation financière”, témoigne-t-il.
Toutefois, son avis sur l’arbitrage malien sonne comme une déception. Comment ? Selon lui aujourd’hui les jeunes sont dans toutes les conditions, mais ils peinent à se hisser au niveau de leurs prédécesseurs. Ce qui met en évidence le manque de grands arbitres après la retraite des Magassa, Danté, Lefis, Koman.
Le déclic de sa carrière d’arbitre résulte d’un défi qu’il a lancé à son aîné Sidi Békaye Magassa. Lors d’un stage Futuro de la Fifa à la Maison des jeunes, Bakary Dramane Traoré n’a pas hésité à lui dire qu’il est aussi bon que ses collègues de Bamako. Est-ce une façon de dire à Magassa que l’on tient un faux procès à ceux-là qualifiés “d’arbitres de brousse” ?
Quoi qu’il en soit immédiatement après ce stage, il reçoit une désignation pour officier une rencontre de la première journée du championnat national : COB-Usfas. Au bout du compte, le président de la Commission des arbitres Souleymane Magassouba le félicite et lui révèle que ses nombreuses désignations pour des matches à Bamako, relèvent de ses instructions.
Parce qu’il a eu écho de ses prestations et de son amour pour la tenue noire. Aussi voulait-il s’assurer de ses performances et de sa personnalité. Pourquoi ne pas le mettre à l’œuvre ?
C’est par l’intermédiaire de son professeur d’anglais, Lassana Tangara qu’il embrasse le métier d’arbitre en 1980. A l’IPR de Katibougou Bakary Dramane Traoré étale ses qualités pour un avenir prometteur, à tel point que Banou Makadji s’en mêle et le sollicite pour les compétitions inter quartiers de la région de Koulikoro.
A sa sortie de cette école en 1986, il décide d’abandonner l’arbitrage à cause des violences. Mieux, il considère le sifflet comme un jeu d’enfant. Raison pour laquelle il s’est résolu à mettre un accent particulier sur ses études. Sinon il vient d’une famille de sportifs. A défaut d’emboiter le pas à ses frères, il décide de se rendre utile en optant pour l’arbitrage. Deux ans après, il se ressaisit pour passer aux grades d’arbitre de ligue, et fédéral en 1996.
La taille du métier
Contrairement à nombre de ses collègues arbitres, nous n’avons pas connu Bakary Dramane Traoré au domicile de Sidi Békaye Magassa, sis au Badialan III Kodabougou. Il ne venait pas en ces lieux, parce que pas trop fréquent à Bamako. Et il logeait à la Maison des jeunes pendant ses séjours dans la capitale. Cependant nous retenons deux souvenirs de lui :
– En 2002, il est désigné pour officier le choc Djoliba-Stade malien en championnat national. C’était juste après la Can. L’enjeu et la tension étaient palpables. La saison d’avant avait été perturbée et seule la Coupe du Mali fût programmée. Nous n’avions aucune connaissance de cet arbitre. Nous téléphonions à Koman Coulibaly en posant la problématique d’une erreur de la Commission des arbitres de la Femafoot. Comment peut-on confier un tel match à un arbitre de la brousse ? Koman reconnu pour sa sincérité nous rassurera et fit ses éloges. Bakary Dramane Traoré dirige ce derby avec brio et regagne tranquillement ses pénates.
– Deuxième souvenir : c’était au lendemain d’une rencontre des Aigles aux Seychelles pour les éliminatoires de la Can-2004. Il était le délégué fédéral pour ce déplacement de l’équipe nationale. Nous le croisions à la Fédération dans le bureau de Sidi Békaye Magassa, à l’époque chargé des compétitions internationales. L’occasion était bonne pour lui poser la question de savoir si le doyen Djibril Traoré de l’ORTM n’exagérait pas les commentaires par rapport aux interventions du portier malien Mahamadou Sidibé dit Maha. Bakary Dramane confirmera que les cris et la passion du doyen étaient justifiés. Vraiment ce jour le confrère avait failli arrêter notre cœur. Il assaisonnait les interventions de Maha par des commentaires à couper le souffle. Celui-ci était dans ses beaux jours, soutient le délégué fédéral.
Bakary Dramane Traoré à partir du moment où nous l’avons connu est apparu comme un arbitre dont la prestation et le sérieux sur le terrain déterminaient son ambition pour le métier. Et cela pour apporter un démenti au mauvais jugement ou procès qu’on fait des arbitres régionaux par rapport à leurs qualités.
Très confiant et ferme dans ses prises de décision, il valorisait sa personnalité sur le terrain. L’enfant de Niono devint arbitre international en 2000. En son temps, le Mali regorgeait de grands arbitres et les compétitions n’étaient pas aussi nombreuses. Donc les jeunes évoluaient à l’ombre des aînés. Surtout le trio Sidi Békaye Magassa-Dramane Danté-Seydou Traoré dit Lefis était beaucoup plus sollicité sur le plan international.
A la retraite de l’actuel secrétaire général de la Fémafoot en 2000, Bakary Dramane a pris la relève et de façon alternative avec Koman Coulibaly, il a tenu le flambeau durant sept ans avec pratiquement tous les arbitres assistants, notamment les deux expérimentés Danté et Lefis.
Une constance qui lui conféra l’insigne honneur d’officier la finale de la Coupe du Mali en 2003, remportée par le Djoliba face au Tata de Sikasso. En 2007, Bakary Dramane prit à son tour sa retraite et ira s’occuper de la gestion du football à Niono. Parce qu’il est convaincu que la discipline tomberait s’il croisait les bras.
Au niveau de la Fémafoot, il devint inspecteur d’arbitre de 2007 à 2019. Suite au soutien manifesté de la Ligue de Ségou au candidat Sahala Baby, il a perdu ce titre. Cela fait cinq ans qu’il n’est pas désigné pour inspecter les arbitres. Et c’est dommage !!!
Quand il atteignait le sommet de l’arbitrage, Bakary Dramane avait déjà fini ses études. Sorti de l’Institut polytechnique rural de Katibougou en 1986, il se lance dans le libéralisme et crée sa propre entreprise de production de plants avec de vastes superficies pour la riziculture et la foresterie. C’est par convenances personnelles qu’il n’a pas voulu être cadre des eaux et forêts.
Qu’est-ce que Bakary Dramane retient de sa carrière en termes de bons et mauvais souvenirs ? “Ma première désignation pour un match de championnat Djoliba-CSK en 1999, la finale de la Coupe du Mali de 2003, et le dernier match qualificatif pour la Ligue des champions entre le Raja de Casablanca et la Jeanne d’Arc de Dakar sont mes bons souvenirs. A mon avis, il n’est pas bon de retenir les mauvais souvenirs pour ne pas en pâtir. Ce qui fait que je ne parle pas de côté négatif”.
L’homme est marié et père de trois enfants. Dans la vie, il aime le football et la nature. Il déteste la méchanceté et l’injustice.
O. Roger Sissoko