Violence domestique contre les aide- ménagères : Des victimes silencieuses !

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Les aides ménagères dans les grandes villes : Quand le service devient de la servitude !

A Bamako, on les retrouve dans de nombreux foyers. Les aide-ménagères, encore appelées « bonnes » ou « 52 », elles sont généralement celles sur qui reposent les tâches ménagères ou domestiques. Mais aussi, celles qui se réveillent tôt et qui se couchent après tout le monde pour un salaire qui varie entre 10 000 F CFA, 12 500 F CFA et 15 000 F CFA. Pas d’heure de travail, pas de jour de repos. Pour couronner le tout, beaucoup subissent en plus, de pires formes de violences domestiques, sans recours.

 « Je suis fatiguée de cette vie ou j’ai l’impression au quotidien qu’on finira par me tuer. Je suis moi aussi l’enfant de quelqu’un. Je dors à peine. Je suis seule à faire toutes les tâches domestiques : la vaisselle, la cuisine, le linge, le ménage et ce pour un salaire de 11 000 F CFA le mois sans un seul jour de repos. Même malade je n‘ai pas de répit. En plus de tout cela, je suis plus que martyrisée. Si ce n’est pas la patronne qui me frappe, ce sont ses filles qui m’insultent ou me donnent des coups. Pour ne rien arranger encore, son garçon abuse de moi quand ça lui chante. Quand je le dis à ma patronne, elle a de nouveau une occasion de me frapper. Être aide-ménagère n’est quand même pas synonyme de misère ou de violences. Ma vie ici se résume à subir. Quand je pense à mes parents qui sont dans le besoin, je baisse les bras et j’encaisse », nous livre cette adolescente de 19 ans en larmes que nous allons nommer Fatoumata.

« C’est difficile de croire, ajoute notre interlocutrice, mais tel est mon vécu depuis plus d’un an. Mon calvaire a commencé le jour où j’ai mis les pieds à Bamako. Ma seule parente à Bamako, qui m’a placée chez ma patronne a été claire : ‘considère là comme ta fille et corrige là proprement en cas de besoin’. Ma patronne ne s’en est pas privée. Et pire, ma parente qui perçoit mon salaire, a mangé mon salaire de 8 mois. Depuis, je garde moi-même le reste ».

Fatoumata dit avoir appris de cette douloureuse expérience. Elle a finalement quitté son ancienne patronne et a été embauchée par une nouvelle avec qui tout semble marcher pour l’instant. « Aujourd’hui, j’ai pris de nouvelles résolutions pour ne plus me laisser faire. Car j’estime que je ne suis pas un robot à tout faire. Désormais, je demande quelles sont les taches pour lesquelles on m’a employé ».

A l’apparence mal entretenu, les traits du visage tirés sous le poids de la fatigue et du désespoir dû aux activités qu’elle mène en longueur de journée, Mariama, nom donné à notre seconde intervenante, une jeune fille de 14 ans, explique : « J’étais une bonne élève dans mon village et j’ai été primée plusieurs fois pour mes bons résultats scolaires. Mais à cause de l’insécurité, l’école a été fermée et les habitants ont dû se déplacer pour trouver refuge à Sévaré. Ainsi, je me suis enfuie avec des amies pour venir travailler à Bamako. Ici, je me lève à partir de 4 heures du matin et ma journée prend fin à 22 heures ou 23 heures. Au cours de la journée, je fais tout ce qu’on me dit de faire, en plus des travaux ménagers, je porte au dos la petite fille de ma patronne et je n’oublie pas de prendre soin des autres enfants de la patronne. Je me couche avec des douleurs musculaires et souvent avec des maux de tête. Présentement, je suis très découragée de la vie et je souhaite retourner chez mes parents pour aller de nouveau à l’école. Quand on m’embauchait, c’était juste pour m’occuper du bébé, mais, je fais tout ».

Pendant que certains se battent pour mettre fin à ces injustices contre les aide-ménagères, d’autres femmes s’acharnent sur elles.

On retrouve les violences contre les aide-ménagères à différents niveaux : verbales ou physiques. Les violences domestiques réduisent ces jeunes filles à un état de sans droit.

Au Mali, des filles quittent leurs villages en quette d’un emploi saisonnier afin de pouvoir subvenir aux besoins des familles ou pour préparer leur trousseau de mariage. Le phénomène s’accroit malheureusement avec les enfants qui sont contraints de quitter les villages pour leur survie avec les conflits armés.

De mal en pis

De 2012 à 2024, le phénomène du travail des enfants s’est encore accentué par les conséquences des différentes crises sécuritaires et sanitaires. Des filles, à peine âgées de 10 à 14 ans sont employées par les ménages pour des travaux rudes. Elles sont utilisées dans toute la chaine de consommation des ménages : cuisine, vaisselle, lessive, nurse, nettoyage…

Bien que la loi soit claire sur l’interdiction de toutes formes de violences humaines, des enfants sont et continuent d’être employés et maltraitées dans des familles.

La déclaration universelle des droits de l’homme fait ressortir clairement que tous les êtres humains naissent libres et égaux sans aucune forme de discrimination et qu’ils ont droit de choisir un travail et d’accepter un travail, qu’ils ont droit à des conditions de travail justes et favorables ainsi qu’à la sécurité sociale.

Les aides ménagères, pour la plupart ne bénéficient d’aucun de ces droits pourtant elles sont souvent de véritables appuis pour les familles. Bien qu’elles occupent cette place importante, elles subissent certaines violences ou maltraitances au sein de certaines familles.

Heureusement, qu’il y’a encore de nombreuses structures qui appuient et interviennent dans la protection sociale des travailleuses domestiques.

Accompagner les victimes de violences domestiques fait partie de la mission de certaines organisations et associations depuis de nombreuses années comme le groupe de recherche action droit de l’enfant Mali (Gradem). L’ONG dispose d’un centre d’accueil et de protection des filles mères en détresse qui accueillie des jeunes filles travailleuses domestiques en situation de détresse. La quasi-totalité de celles-ci étaient et sont soumises à de longues heures de travail et très mal payées.

Ainsi, elles se retrouvent en réelle situation d’exploitation économique et privée de plusieurs de leurs droits tels que le droit à l’alimentation saine, le droit à l’éducation, le droit à la santé, le droit aux loisirs, le droit au respect de la vie privée, etc.

Au Mali, de nombreuses aide-ménagères sont confrontées à l’exploitation, aux abus et au travail forcé. L’ampleur du travail des enfants est difficile à mesurer précisément en raison de sa nature clandestine et variée. Cependant, selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), on estime qu’environ 152 millions d’enfants dans le monde sont exploités et la moitié exposée à des formes de travail dangereux.

Au Mali, selon Soli-AM et le consortium Jofa-acte, le phénomène des jeunes filles aide-ménagères (JFAM) est lié à la pauvreté, aux inégalités de genre et à l’absence d’opportunités éducatives pour les filles dans de nombreuses sociétés. Les familles dans des situations économiques difficiles conçoivent le recours au travail domestique pour contribuer à leurs besoins financiers. Selon une enquête menée par le Mouvement Malien des travailleurs Croyants (MMTC), 75% des JFAM n’ont pas de jour de repos, leur temps de travail n’est pas limité et le contenu de leur travail n’est pas défini.

Educo, une ONG spécialisée sur l’éducation affirme qu’il existe très peu de données statistiques sur les enfants travailleurs, vu que la grande majorité évolue dans l’économie informelle.

La volonté politique du gouvernement de promouvoir les droits de l’enfant s’est traduite, entre autres, par la ratification et l’adoption de certains nombres de documents en relation avec les droits de l’enfant tels que la « Convention relative aux Droits de l’Enfant » (CDE) ; la « Charte Africaine des Droits et du Bien Être de l’Enfant » (CADBE) ; le Code de Protection de l’Enfant (CPE).

Dans son article 32, la CDE et l’article 15 de la CADBE résume le travail d’enfant à « un Travail léger et limité ». L’article 26 de la CDE renvoie au droit à la sécurité sociale et rappelle que les enfants ont le droit à l’éducation et à l’épanouissement.

Sus aux pires formes de travail

L’article 1 incite à un engagement de l’Etat à mettre fin au travail des enfants. Ces textes s’appliquent ou peuvent s’appliquer au niveau formel dans les entreprises et autres cadres professionnels. Sauf que la plupart des enfants travailleurs sont employés dans les familles et de surcroit dans l’informel. Pas de contrat pour beaucoup, pas de règlements que celui édicté par l’employeur, pas de jour de repos, avec un salaire n’atteignant pas le Smig.

Malgré cet arsenal juridique, la protection effective des JFAM demeure une préoccupation au Mali et pour la communauté internationale. C’est pourquoi en 2011, la Convention 189 des Nations-Unies fait du travail domestique un travail comme les autres. Elle affirme que les travailleurs domestiques ont les mêmes droits que tous les autres travailleurs.

Le Mouvement des Travailleurs Croyants du Mali est une association, crée en 1985 et a pour mission de défendre les couches défavorisées pour un monde juste.

Selon Klédiouma Jean Dembélé, coordinateur technique du MTC, il y’a des cas qui nécessitent l’aide de certaines organisations ou l’appui de l’Etat « Le MTC en termes d’accompagnement des aides ménagères qui subissent les violences physiques, fait remonter les informations aux structures habilitées pour la gestion des cas (promotion féminine, Mairie, la Gendarmerie Wildaf ou encore le tribunal. »

En cas de violence verbale, explique le coordinateur, que nous faisons la médiation pour trouver une solution et souvent en procédant au remplacement voire le retrait de l’aide-ménagère. En tant que Mouvement, nous n’avons pas enregistré de cas grave. Cependant, nous signalons des rétentions d’argent de la part des employeurs des cas de privations de nourritures et de négligence.

Pour sa part, Soli-AM est spécialisée sur toutes les questions qui concernent la protection et l’aide des aides ménagères. Créée depuis 2004, avec pour seul but l’appel à la solidarité aux aides ménagères au Mali.

Mme Samaké Berthe Bagayogo, directrice de la Soli- AM informe qu’elle travaille avec les aides ménagères en les alphabétisant, en les formant à différents métiers.

« Avant, on faisait la porte à porte afin de mobiliser les ménagères à faire l’alphabétisation. Maintenant, on a évolué avec la teinture, la savonnerie, l’agro-alimentaire. On a installé trois groupements avec les anciennes aides ménagères formées dans leurs villages d’origine. »

En matière d’injustice envers ces aides ménagères la structure, d’après sa directrice, se donne les moyens de chercher des solutions pour les mettre dans leur droit et les accompagner dans l’alphabétisation et l’apprentissage des métiers.

« On gère aussi des cas sociaux. Par exemple, si elles sont privées de leurs salaires au niveau des foyers, ou tout autre acte de violence, on les met dans leur droit en les insérant dans la formation. Quand nous faisons toutes activités en faveur des aides ménagères, on se rend compte qu’il n’y a vraiment pas de loi concrète pour les aides ménagères au Mali. On a travaillé pendant 16 ans avec un seul partenaire qui nous soutenait dans toutes nos activités. Mais après le départ de ce partenaire suite à la crise en 2018, on travaille maintenant avec les consortiums, qui sont dédiés à sensibiliser, informer la population de Bamako et la protection des filles migrantes à travers le programme The Voice. Après 3 ans, on a reconduit le même programme The Voice en formant un groupe d’ambassadrice de 30 aides ménagères en Empowerment féminine, à faire le plaidoyer, et à parler en public », a-t-elle ajouté.

Il y’a des conventions ratifiées par le Mali qui protègent les aides ménagères notamment la convention 138 qui stipulent qu’aucun enfant ne doit travailler avant l’âge de 15 ans, et la convention 182 déclare la lutte contre les pires formes du travail des enfants.

Mais selon Mme Samaké l’application de ces normes est minime au Mali. « Nous faisons du plaidoyer au niveau du gouvernement pour l’application de ces conventions. Mais il existe une convention qui réunit et garantit toutes les formes de protection envers les aides ménagères, il s’agit de la convention 189. Le Mali malheureusement n’a pas ratifié cette convention, nous sommes à pied d’œuvre pour la ratification de cette convention. »

Aminata Agaly Yattara

Enquête réalisée dans le cadre du projet « Renforcer l’espace civique et promouvoir les Droits Humains au Mali (ECDH) », mis en œuvre par le consortium Institut Panos, Avocats sans Frontières Mali, Article 19, Fondation Tuwindi et avec l’appui financier de l’Union Européenne

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1 COMMENT

  1. It is stories like these of Negroids abuse of Negroids less fortunate that make me certain there is very serious degree of mental illness in Negroid community that center around self hate plus need to find someone perceived to be inferior in order to elevate ego in belief it is higher self esteem when in fact it is Colonialist like arrogance making that individual unworthy of being within civilized community being like person is subtle forms of barbarian.
    There will come day Ubuntu Beliefs Religion UBR will help victims these referred to become best citizens they are able to be. I will use my existing financial assets plus majority of many times more I will earn once I am home to alter conditions like those spoken of in article to conditions that make Africa great place for all Africans to live plus those who were then once victims will be irreplaceable in fulfilling foregoing goal.
    People of Books!
    Henry Author Price Jr aka Kankan

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