Notre pays est, par excellence, celui d’élevage et surtout d’exportation du bétail sur pied à destination de nos voisins notamment côtiers. Il est le premier producteur de bétail dans l’espace de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Pour valoriser ce potentiel productif, les acteurs de la filière bétail-viande sont unanimes que nos autorités devraient mettre à jour sur la diminution de l’exportation massive du bétail sur pied en intensifiant la transformation industrielle. Cela pourrait, soutenir-ils, nous permettre de mieux nous adapter à la conjoncture lorsque notre retrait de la Cedeao, sera effectif.
Le Mali pourrait en tirer des revenus substantiels, s’il arrive à initier et faire appliquer une bonne politique de négociation commerciale et de transformation industrielle au profit de cette filière. Les pas sont déjà emboîtés par les autorités à travers l’engagement du processus de labellisation en cours de la viande rouge et ses dérivés pour la filière sans oublier la volonté perceptible de modernisation de nos abattoirs. L’évolution de la situation est suivie de près du côté de nos acteurs qui entraînent cette décision comme un point de départ pour le développement de la chaîne de valeur de la filière bétail/viande.
Toute chose qui pourrait contribuer à la réduction de l’exportation massive de nos animaux sur pied qui a commencé bien avant les indépendances, entre le Mali et ses voisins immédiats. Cette pratique qui gangrène, représente de nos jours, un manque à gagner énorme pour notre pays, déplore le président de l’Interprofession de la filière bétail et viande du Mali. Mamoudou Abdoulaye Diallo explique qu’en exportant du bétail sur pied, il y a beaucoup de sous-produits et autres matières essentielles que nous perdons. Il cite notamment les sabots, les peaux et les résidus des estomacs qui peuvent être transformés pour obtenir du biogaz.
En cette période d’insuffisance d’électricité, estime-t-il, cette matière, si elle est développée, peut fournir de l’électricité à de grandes agglomérations grâce à des groupes électrogènes qui fonctionnent avec le gaz. Perspective qu’il faut, selon lui, explorer afin de faire de notre sortie de la Cedeao un atout réel pour le développement de notre pays. «Aujourd’hui, si le Mali décide de sortir de la Cedeao, cela veut dire que nous allons aussi sortir de certaines conventions où les bétails par exemple, en partant à l’intérieur de ces États comme la Côte d’Ivoire ou le Sénégal vont être taxés. Si le bétail est taxé, nos marchands seront plus enclins à transformer sur place et nous allons vendre la viande au lieu du bétail», martèle-t-il.
SÉCURITÉ ALIMENTAIRE- «Quand nous abattons nos animaux sur place, les sous-produits dérivés (les estomacs, les sabots, les cœurs, les reins, les poumons et tous autres viscères) peuvent également être transformés pour servir de repas pour approvisionner nos différents restaurants », assure-t-il, avant d’ajouter que cela permettra aux moins nantis, de pouvoir acheter aussi de la viande de qualité pour pouvoir assurer leur alimentation en viande.
En la matière, explique Mamoudou Abdoulaye Diallo, l’interprofession est en train de discuter avec les partenaires techniques et financiers mais aussi avec le département en charge de l’Élevage et de la Pêche, pour pouvoir doter le Mali d’abattoirs modernes en vue de transformer nos produits sur place au lieu de continuer à vendre du bétail sur pied. «Il faut qu’on sorte de cette pratique très ancienne pour valoriser nos produits en créant des unités de transformations modernes et des abattoirs de pointe certifiés pour que la viande du Mali soit vendue à l’international», développe-t-il.
Concernant la mesure du Mali de sortie de la Cedeao, il faut reconnaître que nos acteurs de la filière bétail sont habitués à certaines facilitées à l’intérieur de ces États membres. Selon Mamoudou Abdoulaye Diallo, ces facilités vont naturellement changer. « Si notre bétail n’était pas taxé dans ces États, une fois que nous sortons de la convention de la Cedeao, c’est sûr que quand nos animaux vont rentrer dans ces pays, la douane et les systèmes commerciaux vont appliquer des taxes sur les bétails», dévoile-t-il.
Contrairement à ce qu’on peut croire, Mamoudou Abdoulaye Diallo soutient que cette situation doit davantage encourager notre pays à transformer sur place son bétail au lieu de l’exportateur. «En ce moment, les gens vont acheter ceux dont ils ont besoin. Par exemple, si le Sénégal ou la Côte d’Ivoire ou la Guinée ont besoin de la viande, ils vont commander la viande et non du bétail», explique Mamoudou Abdoulaye Diallo.
Parlant du chiffre d’exportation de notre bétail, le président de l’interprofession estime que seulement par semaine, ce sont des milliers de têtes qui sortent du Mali à travers les différentes frontières. «Au moins, c’est des dizaines de camions qui sortent par jour à travers la frontière Sénégal vers Keniéba et de Kayes vers Diboli. De même que par les frontières de la Guinée et de la Côte d’Ivoire en raison de 40 à 50 têtes par camion. À travers toutes ces frontières, les animaux maliens sortent au quotidien par centaine», fait-il savoir.
VALEUR AJOUTÉE- Ce qui n’est pas sans difficultés pour les acteurs de la filière. Le président de l’Interprofession de la filière bétail-viande souligne que tout le bétail est exporté soit sur pied soit par camion. «Ce bétail perd beaucoup de poids avant d’atteindre les zones de destination. Avantage économique-Cela est un manque à gagner pour le pays et pour les commerçants», révèle-t-il. Avant de souligner que l’absence de bétaillères fait que les animaux sont transportés dans des conditions difficiles qui font que certains se bénissent et d’autres meurent.
Le président de l’Association nationale des transformateurs bétail-viande du Mali (Anatrabevim), Mahamadou Doucouré, soutient qu’essentiellement, c’est les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), qui assurent les pays côtiers en bétail . Pour lui, le retrait de ces États de la Cedeao amène aujourd’hui, les acteurs de la filière bétail et viande à réfléchir comment aborder ce retrait. « Les pays de l’AES sont les pays de départ des animaux, et les pays côtiers sont les pays de destination.
Le Mali est le premier partenaire de la Côte d’Ivoire à travers le Port autonome d’Abidjan. Et nous avons besoin des pays côtiers pour exporter nos bétails, car c’est là-bas qu’il y a une forte demande. Si notre pays décide de sortir de la Cedeao, dans les jours à venir, à travers des accords bilatéraux entre les États et les professionnels, nous allons nous adapter à la nouvelle situation et chaque État va défendre ses intérêts», révèle-t-il. .
Mahamadou Doucouré annonce le projet en cours de labellisation de la viande du Mali, appelé « Mali Sogo », dont l’objectif est d’exporter une partie du bétail en viande. «Nous n’allons pas nous soustraire d’exportateur, car le bétail a toujours été commercialisé depuis bien avant l’indépendance de nos États.
Mais, on peut diminuer le quota d’exportation sur pied en réduisant sur place, la transformation d’une partie du bétail en viande pour gagner de la valeur ajoutée notamment les peaux, les déchets, le sang pour créer de l’emploi et aussi faire tourner nos abattoirs», suggère le président de l’Anatrebevim. Et de souligner qu’aujourd’hui, le Mali ne dispose pas assez d’abattoirs qui répondent aux normes internationales. Mahamadou Doucouré appelle les autorités à renforcer la sécurité des éleveurs et des animaux ainsi que des tronçons d’approvisionnement des grands marchés.
Makan SISSOKO