Cette situation est due a plusieurs facteurs. Les marchands dénoncent le prix élevé des aliments bétail, les tracasseries au niveau des postes de contrôle et les frais élevés du transport des bêtes
Les marchés à bétail de la capitale souffrent d’une maigre affluence des clients. Mercredi matin, aux alentours de 10 heures, le marché à bétail de Sabalibougou, niché en plein cœur de la Commune V du District de Bamako, était en effervescence. Les marchands de bétail, nous invitent à nous accueillir dès l’arrivée de notre véhicule de reportage, témoignaient d’une activité intense mais contrastée. Ici, les moutons sont nombreux, mais les clients se font rares, créant une atmosphère de désir et d’attente palpable sur le marché.
Dans une ambiance étouffante, imprégnée d’une odeur nauséabonde, des rangées de moutons de toutes les tailles et de toutes les couleurs s’étirent à perte de vue. Les prix des bêtes fluctuent selon leur taille, leur poids et leur qualité, reflétant les conditions du marché et les préoccupations financières des acheteurs. Un sentiment de désarroi se lit déjà sur les visages de certains marchands de bétail. Ils expriment leur inquiétude quant à la difficulté d’obtenir des moutons cette année, en raison des défis posés dans le fin fond des brousses d’approvisionnement en bétail.
Malgré l’accessibilité relative des prix, la concurrence reste féroce sur le marché, exacerbée par la cherté de l’alimentation du bétail et les coûts de transport élevés. Du marché à bétail de Sabalibougou à celui de Lafiabougou en passant par Djikoroni Kôda, le constat est le même : l’abondance d’animaux cohabite avec une pénurie de clients. Sur ces marchés, les marchands de bétail sont plus nombreux que les acheteurs potentiels. Ces derniers attendent soit à cause du manque de liquidités, d’espace pour garder les moutons ou des dépenses excessives liées à l’achat d’aliments bétail. C’est le cas de l’enseignant Fousséni Traoré qui espère s’approvisionner à la veille de la fête.
Contrairement à l’année précédente, les prix des moutons sont relativement stables cette année, assure Moussa Diallo, l’un des marchands de bétail de Sabalibougou. Sur ce marché la plupart des moutons proviennent essentiellement des Régions de Mopti, Douentza, San, Koutiala et Ségou, souvent dans des conditions de transport difficiles. Cependant, la situation sécuritaire dans ces zones semble s’être stabilisée. Ce qui a contribué à une légère baisse des prix, explique Amadou Coulibaly, un autre marchand de bétail. Les prix de ses montons varient entre 75.000 et 300.000 Fcfa.
Pour le moment, le marché n’est pas florissant pour Sidiki Coulibaly. Ce revendeur d’animaux a quitté la Région de Bla avec 70 têtes dans l’espoir de les écouler rapidement au marché de Sabalibougou avant de retourner chercher d’autres moutons. «Depuis hier (mardi dernier), je suis arrivé ici avec les moutons et j’ai du mal à les écouler faute de clients. Le même cas s’est produit l’année dernière où la plupart des revendeurs sont retournés avec des moutons invendus», se souvient le commerçant.
Il appelle les clients à venir et à ne pas avoir peur des prix. Ces moutons sont cédés entre 80.000 et 300.000 Fcfa. Comme la plupart des revendeurs, le commerçant se plaint également de la cherté de l’aliment bétail dont le prix du sac varie entre 13.000 et 15.000 Fcfa. C’est ce qui a d’ailleurs, selon lui, fait grimper le prix des moutons.
TRACASSERIES ROUTIÈRES- Certains éleveurs doivent faire face à des voyages longs et difficiles, parfois jusqu’au niveau des frontières pour l’obtention du bétail. Le président du marché à bétail de Sabalibougou, Habibou Dénon, explique que cette année, le marché des moutons n’est pas abordable à cause de l’accès difficile dans les zones d’approvisionnement des moutons. «Quand les marchands à bétail se font dans les brousses pour chercher des animaux, ils sont souvent confrontés aux tracasseries routières avant leur retour. À chaque poste de contrôle, ils sont parfois obligés de débrousser la somme de 500 Fcfa pour chaque bête», fait savoir Habibou Dénon.
Ces facteurs, selon le commerçant, jouent considérablement sur le prix des animaux. Il exige le soutien des autorités pour faciliter le transport des animaux afin que les prix des moutons connaissent une baisse. «Le marché sera suffisamment ravitailler. Et d’autres moutons sont en cours de route. Beaucoup d’éleveurs gardent les moutons en brousse par peur de l’achat d’aliments bétail», explique le président du marché à bétail de Sabalibougou.
Le patriarche indique que les prix des moutons varient sur le marché entre 60.000 et 250.000 Fcfa en fonction des moyens de chaque client. Il explique la faible affluence des clients par le manque d’argent ou d’endroits pour garder les animaux. Sans oublier l’achat d’aliments du bétail et les maladies d’animaux. Pourtant, la situation semble angoissante pour les marchands malgré leur optimisme avant la fête. Par ailleurs, Habibou Dénon se réjouit de dire que pour le moment, aucun marchand de son groupement n’a été victime d’attaques terroristes. Sauf que, les coûts de transport du bétail ont augmenté, cette année passant de 1.000 à 1.500 Fcfa et même parfois à 2.000 Fcfa pour chaque tête.
PROBLÈME D’INSÉCURITÉ- Depuis plus de 15 ans, Younouss Maïga revend des animaux sur le marché à bétail de Djicoroni Kôda. De son côté, il déplore le ralentissement du marché et le prix exorbitant des montants à la vente. En outre, le commerçant prévient que cette année, les moutons ne seront pas autant nombreux sur le marché à cause de l’insécurité dans certaines zones d’approvisionnement dont les marchands villageois sont régulièrement agressés ou assassinés en cette période par des bandits armés. «Cette année, pour avoir un bon bélier pour la Tabaski, il faut débourser au minimum la somme de 100.000 Fcfa», laisse-t-il entendre.
Malgré les rumeurs d’attaques dans certaines zones de ravitaillement, Aly Diallo, marchand au marché à bétail de Djikoroni Kôda reste optimiste. «Nous continuons notre travail car c’est notre gagne-pain. Cette année, certains d’entre nous ont été volés à plusieurs reprises, mais nous restons déterminés à faire face à ces défis pour espérer des jours meilleurs», affirme-t-il.
Malgré la méfiance, avec le peu de mouton qu’ils disposent sur le marché, l’esprit de camaraderie et d’espoir persistant parmi les éleveurs et revendeurs. Chacun est déterminé à tirer le meilleur parti de cette période festive.
Makan SISSOKO