Sans Tabou: insulter les autorités est-elle désormais légalisée ?

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Contre les autorités de la transition tout est-il permis ? La Constitution du 22 juillet 2023 a-t-elle bien fait de reconduire systématiquement les dispositions des articles 14 et 15 qui posent le principe des libertés de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion, d’expression et de presse ?

On peut difficilement reprocher à la légistique constitutionnelle qui a posé les pendants de ces libertés, ‘‘reconnues et garanties’’ qui ne peuvent s’exercer que ‘‘dans le respect de la loi…, dans les conditions déterminées par la loi’’.

Notre pays s’est doté de loi n°2019-056 du 05 décembre 2019 portant répression de la Cybercriminalité dont le champ d’application est d’une part ‘‘toute infraction commise au moyen des technologies de l’information et de la communication en tout ou partie sur le territoire de la République du Mali’’ et, d’autre part, ‘‘toute infraction commise dans le cyberespace et dont les effets se produisent sur le territoire national’’.

S’étonne-t-on que le Procureur Coulibaly mette systématiquement les gens en prison pour leurs dérives ou ‘‘peccadilles’’ selon les vidéomens (ni ma se kaso don na sa…). Le Procureur n’est contre personne, il ne fait qu’appliquer la loi. Mais chacun sait que la loi, c’est loi qui s’applique tout en temps et tout lieu suivant le principe : Dura lex, sed lex. Et l’article 21 de la loi portant répression de la Cybercriminalité dit clairement et distinctement (Injures commises par le biais d’un système d’information) que ‘‘Quiconque profère une injure par le biais d’un système d’information envers une personne est puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 1.000.000 à 10.000.000 de francs CFA ou de l’une de ces deux peines’’.

Dans le dessein de ‘‘broudia’’, les autorités de la transition qui ne font pas leur politique ou leurs affaires, de temps en temps, des politiciens mal inspirés, des syndicalistes égarés, des activistes en mission, ou des vidéomans zélés se permettent, dans les espaces complaisamment prêtés dans les médias ou sur les réseaux sociaux de ‘‘descendre’’ sur eux. Leur cible de choix Choguel Kokalla Maïga, le Premier ministre qui est devenu la courte échelle (Kogo yoro surun) depuis qu’il a déclaré qu’il ne porterait jamais plainte contre un journaliste ou un politicien. Alors on s’en donne à cœur joie…

Après son meeting du M5-RFP du 17 août 2024 qui a été une réussite contrairement aux prédictions et aux manipulations, certains ont juré, sans l’avoir écouté, que le Premier ministre a insulté tous les hommes politiques et injurié le président de la transition le colonel Assimi Goïta. Cerise sur gâteaux : un responsable syndical national de premier plan s’en prend ouvertement au Premier ministre. Dans sa diatribe affligeante, il soutient qu’au regard des antécédents de Choguel Kokalla Maïga, le colonel Assimi Goïta n’aurait pas dû le nommer Premier ministre. Autrement dit, Assimi n’a pas fait d’enquête de moralité avant de nommer Choguel ; qu’il a nommé et maintenu à la tête du Gouvernement quelqu’un qui n’aurait pas dû y être.

Pense-t-il trouver une parade pour opposer le président de la Transition et le Premier ministre ? En tout cas, sa sortie est de loin un éloge pour le président de la transition qu’on fait passer pour un homme d’Etat qui choisit ses collaborateurs au hasard sans enquête. Bon, comme au Mali, être syndicaliste c’est être une sainte nitouche, et être au-dessus de la loi… alors à l’occasion, on peut prendre la défense des politiques incapables de répondre à Choguel, dont le discours a été publié dans ses grandes lignes dans nos colonnes et qui nulle part ne s’en prendre à tous les chefs des partis politiques.

Le président du Comité stratégique du M5-RFP a stigmatisé des hommes politiques qui, au lieu d’être des agitateurs d’idées, font des réalisations populistes comme des forages, puits, routes, ponts. Pour lui, c’est une forme de corruption (investir matériellement pour récolter plus tard des dividendes électorales). Ça n’a rien à voir avec le président de la Transition (le colonel Assimi Goïta n’est pas un homme politique mais un soldat) ou le Premier ministre qui font des réalisations (forages) au nom de l’Etat.

La question est : où sont les hommes politiques de cette catégorie pour répondre ? Quand on mène un combat personnel dans les syndicats, on parle à la place des partis politiques décriés et de tous les voleurs, délinquants à col-blanc et autres corrompus ayant fui le Mali et qui se sont mis personnellement en exil en attendant…

Constitutionnalisée à travers l’article 14, la liberté d’expression est une liberté fondamentale qui permet et conditionne l’exercice d’autres droits et libertés tels que la liberté d’opinion, la liberté de la presse, la liberté de manifestation ou le droit de grève. Au regard de ses dérives, de l’escroquerie avec laquelle on n’en abuse et du détournement de son objet dans notre pays, peut-on et doit la restreindre ? Pas besoin. La liberté d’expression est encadrée par ses restrictions constitutionnelles et légales.

En effet, l’article 14 de la Constitution en pose les limites : ‘‘toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion et d’expression, dans le respect de la loi’’. En d’autres termes, sous cette transition et au-delà, tout Malien peut continuer de parler, écrire, imprimer librement, tout sauf de rependre l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

Il est admis par ceux qui nous servent de référence et continuent de nous donner des leçons (Cour européenne des droits de l’Homme) que, la liberté d’expression peut être limitée pour des motifs :

-d’intérêt général, comme la sécurité nationale, la sûreté publique ou encore l’intégrité du territoire ;

-relatifs au devoir de réserve qui pèse sur les agents publics (exigence d’un certain niveau de neutralité des agents de la fonction publique dans l’expression de leurs opinions) ;

-de protection de droits de la personnalité visant à éviter toute diffamation, discrimination ou atteinte excessive à la vie privée d’autrui ;

-de protection de certains documents, notamment ceux relatifs au secret de la défense nationale ou encore certains documents confidentiels sur des affaires judiciaires en cours.
Puissent les lois nous inspirer pour un Mali de justice, de respect et de liberté.

PAR ABDOULAYE OUATTARA

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