Lundi s’est ouverte devant la Cour d’appel de Bamako les assises sur les “crimes économiques et financiers”. Pour ce premier lot, 51 affaires sont à l’ordre du jour. Parmi la cinquantaine de dossiers, les plus scrutés sont ceux de l’EDM et de l’Apcam du célèbre agriculteur Bakary Togola. D’anciens ministres et hauts cadres de l’Etat sont concernés.
aPour cette première session spéciale uniquement dédiée aux “crimes économiques et financiers”, 51 affaires sont inscrites au rôle avec un nombre de 181 accusés dont 15 femmes. Il y a18 cas d’atteintes aux biens publics, 3 cas de blanchiments des capitaux et 30 d’infractions de faux usage de faux, escroquerie et abus de confiance.
Parmi les 51 affaires on peut noter également celles relatives aux dossiers de l’EDM connu sous le nom “d’Edmgate”, des aéroports du Mali; des mairies (Sitakily, Commune II du district de Bamako…); du Centre international de conférence de Bamako (CICB); de l’hôpital du “Point G” ; de l’INPS ; de la Somagep, etc.
Plusieurs anciens ministres et hauts cadres de l’administration comparaîtront devant cette Cour. Mais le dossier qui sera sans nul doute suivi par plusieurs Maliens est celui relatif à l’Assemblée permanente des Chambres d’Agriculture du Mali (Apcam) en la personne de son président Bakary Togola. Ce dernier est inculpé de faux et usage de faux, complicité dans l’affaire dite des ristournes de coton, pour un mont de plus de 9 milliards de F CFA. Il avait comparu devant une précédente Cour d’assises dite de crimes économiques en 2020 qui l’avait acquitté. Le ministre de la Justice Garde des Sceaux avait demandé une ouverture d’enquête sur la moralité du jugement. La Cour suprême a fini par casser son arrêt d’acquittement en 2022. Ce qui le fait comparaître devant cette Cour d’assises spéciale. M. Togola sera fixé sur son sort lors de cette session spéciale de la Cour d’assises. Vu la complexité de l’affaire, son dossier est placé en dernière position.
Dans son discours d’ouverture, le Procureur général près de la Cour d’appel de Bamako, Aboubacar Guindo a rappelé que cette session spéciale de la Cour d’assises vise à lutter efficacement contre le terrorisme économique et financier que certains font subir à l’Etat et à la population.
“M. le président, le détournement des milliards de nos francs au détriment de l’Etat constitue une forme de terrorisme économique et financier contre lequel nous devrons ouvrir le front. Durant ces deux mois de session, nous sommes en droit d’attendre des décisions persuasives et dissuasives qui permettront de maintenir l’ordre public, économique et financier. De sanctionner convenablement les délinquants et de recouvrer les fonds illégaux détenus par ces malfaiteurs au col blanc au profit de l’Etat”, a dit le chef du parquet général tout en incitant les membres de cette Cour spéciale à faire une application rigoureuse et efficiente du principe de la proportionnalité des peines par rapport à la gravité des faits.
La représentante du Bâtonnier n’a pas manqué aussi d’évoquer dans son allocution, le principe de l’indépendance des juges et les a exhorté à dire le droit, dans le respect des repères éthiques et la déontologie.
Selon le premier président de la Cour d’appel de Bamako, le magistrat Faradji Baba, la lutte contre la délinquance économique et financière ne doit pas être menée uniquement pour des raisons morales. Il a également rappelé aux membres de cette Cour spéciale les principes sur lesquels un magistrat assermenté doit se baser pour rendre une décision de justice dans le plus grand respect de l’éthique et la déontologie.
“Malgré la gravité des infractions inscrites au rôle, les affaires doivent être examinées dans le stricte respect des principes légaux qui sont : la présomption d’innocence reconnue à tout accusé aussi longtemps qu’il n’aura pas été déclaré coupable. Le droit pour chaque accusé d’être assisté par un avocat. L’indépendance qui permet au juge de ne se décider qu’en âme et conscience et aussi en fonction du dossier. L’impartialité qui permet d’instruire à charge et à décharge. La publicité des débats qui permet aux citoyens de savoir comment la justice est rendue. Il est difficile de juger son semblable. Votre mission est tout simplement un sacerdoce et vos décisions doivent porter le sceau de la sincérité”, a fait remémorer M. Faradji.
Ousmane Mahamane