Le Comité de règlement des différends (CRD) de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public (ARMDS), statuant en formation contentieuse sur le recours non juridictionnel de l’Entreprise Khasso Construction (EKC) concernant la non-signature des contrats consécutifs aux lots 1 et 9 de l’appel d’offres national n°380/T-2020 relatif aux travaux de construction de l’Ecole normale supérieure (EN SUP) pour lesquels elle est attributaire provisoire, donne tort à la requérante pour (lisez bien la suite !) défaut de recours gracieux préalable. Inimaginable !!!
Si le contentieux n’était pas arrivé devant le Comité de Règlement des Différends, qui a tranché d’ailleurs, nul n’aurait cru, tant les faits, les discussions de forme et le verdict ont été banals. En ce 21e siècle, on peut certes toujours perdre des procès, mais certainement pas sur la base des fondamentaux de procédure. Pourtant, c’est ce qui est arrivé à l’Entreprise Khasso Construction (EKC), attributaire provisoire de deux lots dans un marché public, qui laisse lui filer sous la main près de 3 milliards de F CFA.
Que s’est-il passé ?
Le 16 septembre 2020, le directeur des finances et du matériel du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a notifié au directeur de l’Entreprise Khasso Construction (EKC) l’attribution provisoire de deux lots suite à un appel d’offres national. A savoir :
– Lot n°1: travaux de construction de bloc A administration (R+2) pour un montant de 1 810 292 693 F CFA TTC pour un délai d’exécution de vingt-quatre (24) mois ;
– Lot n°9 : travaux de construction de bloc H (amphithéâtre de 500 places) pour un montant de 900 037 043 F CFA TTC pour un délai d’exécution de vingt-quatre (24) mois. Le 29 janvier 2024, le directeur d’EKC a introduit un recours enregistré sous le numéro 002 devant le Comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public aux fins d’une demande de règlement des différends sur la non-signature des contrats consécutifs à ces deux lots.
Ce que disent les textes
Aujourd’hui, la première base juridique dans un marché devrait être connue de tous, à savoir les textes et l’interprétation des textes. Ainsi, dans le cas d’espèce, l’article 120.1 du décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015, modifié, portant code des marchés publics et des délégations de service public, modifié, prévoit que “tout candidat ou soumissionnaire s’estimant lésé au titre d’une procédure de passation d’un marché ou d’une délégation de service public est habilité à saisir l’autorité contractante ou l’autorité délégante d’un recours gracieux à l’encontre des procédures et décisions lui causant ou susceptibles de lui causer préjudice”.
L’article 120.2 de ce décret dispose que “l’exercice du recours gracieux préalable est obligatoire pour tout candidat ou soumissionnaire qui entend exercer une action en contestation devant le Comité de règlement des différends”.
L’article 120.4 du même décret dispose, en son dernier paragraphe, que l’autorité contractante est tenue de répondre à ce recours gracieux dans un délai de trois (3) jours ouvrables à compter de sa saisine, au-delà duquel le défaut de réponse sera constitutif d’un rejet implicite dudit recours.
Aussi, l’article 121.2 du décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015, modifié, dispose qu’en l’absence de décision rendue par l’autorité contractante le requérant peut saisir le CRD dans les deux (2) jours ouvrables à compter de l’expiration du délai de trois (3) jours. Ainsi, par lettre du 16 septembre 2020, le DFM du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a notifié l’attribution provisoire des lots n°1 et n°9 à EKC.
Il ressort des pièces fournies que l’entreprise requérante est toujours attributaire provisoire des lots, objet du présent recours.
Malheureusement, la requérante n’a pas exercé de recours gracieux préalable auprès du DFM avant sa saisine du Comité de Règlement des Différends.
Dès lors, dans le cadre de sa procédure de contestation auprès du CRD, la requérante a méconnu les dispositions des articles 120 et 121 du décret n°2015- 0604/P-RM du2 5 septembre 2015.
Donc, y-a-t-il lieu de déclarer le recours d’EKC irrecevable pour défaut d’exercice du recours gracieux préalable obligatoire devant l’Autorité contractante ?
Oui, oui, et oui tranche le CRD qui déclare le recours de l’Entreprise Khasso Construction irrecevable pour défaut d’exercice de recours gracieux préalable obligatoire auprès de la DFM du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Mieux, il mentionne dans la décision 24-002 du 7 février 2024 que le Secrétaire exécutif est chargé de notifier à l’Entreprise Khasso Construction, à la DFM du ministère de l’Enseignement supérieure et de la Recherche scientifique et à la direction générale des marchés publics et des délégations de service public, la présente décision qui sera, naturellement, publiée.
A titre de rappel, le lundi 5 février 2024, jour de délibération, le CRD, composé de Alassane Ba, président ; Mme Mariam Sénou, membre représentant l’administration ; Hammou Guindo, membre représentant le secteur privé ; Mme Traoré Koura Diagouraga, membre représentant la société civile, rapporteur.
Pour l’Entreprise Khasso Construction, il y avait Harouna Diallo, président directeur général et Karim Bouaré, agent.
Pour la DFM du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, on notait la présence d’Abdoulaye Moumoudou Cissé, directeur des finances et du matériel adjoint et Mme Diarra Elizabeth Diassana, chargée des approvisionnements.
El Hadj A.B. HAIDARA