Atteinte aux biens publics : L’ex-DG d’AZI-SA condamnée à 5 ans de prison

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Yacouba Traoré, ex-PDG de l’Agence nationale de l’aménagement des zones industrielles (AZI-SA),  Makoye Sissoko, ancienne directrice générale de l’Agence susnommée, Alpha Macky Tall, informaticien, Aïssatoun Mahamane Touré et Mariam Sangaré toutes deux agentes commerciales dans ladite agence ont comparu le lundi 8 juillet 2024 pour “atteinte aux biens publics”. Au terme de ce procès marathon de plus de 20 h, l’ancienne patronne de l’AZI-SA et les deux agentes commerciales ont été écrouées. Yacouba Traoré et Alpha Macky Tall acquittés.

Les faits : Yacouba Traoré, ex-PDG de l’Agence nationale de l’aménagement des zones industrielles (AZI-ZA), Makoye Sissoko, ancienne directrice, Alpha Macky Tall, informaticien, Aïssatoun Mahamane Touré, Madina Coulibaly et Mariam Sangaré agentes commerciales font l’objet d’une plainte le 24 décembre 2019 de Me Abdourahamane Boubacar Maïga, avocat au Barreau du Mali.

Me Maïga au nom et pour le compte de l’AZI-SA a saisi le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune III du district de Bamako, chargé du Pôle économique et financier, d’une plainte contre X pour “atteinte aux biens publics, soustraction des biens dans le secteur privé et abus de biens sociaux”.

Dans la plainte, il ressort qu’après un audit que depuis 2009, il existait des pratiques malsaines et qui ont conduit des clients à effectuer des paiements en espèces auprès de la direction commerciale au motif que les comptes de ladite agence font l’objet de saisie. Mais qu’en réalité, les acteurs de cette pratique se sont arrangés avec les clients floués à travers des faux reçus fabriqués avec l’en-tête de l’AZI-SA.

L’audit préliminaire a établi la somme détournée à 545 269 168 F CFA. Après une investigation de la Brigade économique et financière, le préjudice a été réévalué à 1 milliard F FCA.

A l’issue du procès-verbal du 30 juin 2020 suite à un réquisitoire introductif du 27 juillet 2020, le parquet du Pôle économique et financier a ouvert une information judicaire à l’encontre de Yacouba Traoré, Makoye Sissoko, Alpha Macky Tall, Aïssatoun Mahamane Touré, Madina Coulibaly et Mariam Sangaré.

Comparus le lundi 8 juillet devant la Cour d’assises spéciale sur les crimes économiques et financiers, les inculpés ont formellement nié les faits. Ils ont tous utilisé la négation “je ne sais pas. Je ne suis au courant de rien” pour répondre aux questions des magistrats et du parquet général.

Coincées entre les questions pièges des membres de la Cour, Aïssatoun Mahamane et Mariam Sangaré finiront par désigner Makoye Sissoko comme la seule responsable de ces détournements. Selon leurs narratifs, c’est Makoye Sissoko qui a proposé au PDG de faire quitter la caisse au niveau du comptable pour la ramener à la direction commerciale pour avoir une idée sur les sorties et rentrées d’argent. Ce que cette dernière n’a pas contesté.

Makoye Sissoko a reconnu qu’il y a des détournements. Toutefois, elle a reconnu sa responsabilité administrative en tant directrice commerciale dans ces malversations avant d’être nommée directrice générale de l’Agence.

“Jamais au grand jamais je n’ai pris part à cette malversation. C’est une chasse aux sorcières contre moi parce que j’ai eu des différends avec Yacouba Traoré au moment où il était le PDG”, s’est-elle défendue.

Elle a à son tour incriminé l’ex-PDG, Yacouba Traoré avant que celui-ci ne devienne le PCA de l’Agence d’être le seul responsable des agissements d’Aïssatoun Mahamane et de Mariam Sangaré.

A la barre, Yacouba Traoré a reconnu avoir vendu deux parcelles de l’Agence pour mettre des clients dans leurs droits parce qu’Aïssatoun Mahamane et Mariam Sangaré ont détourné l’argent des clients.

“Excepté cet incident, je ne suis ni de près ou de loin impliqué dans cette malversation de fonds équivalent à 545 269 168 F CFA contrairement à ce qu’avance Makoye”, a-t-il répliqué.

Le paquet général, représenté par Koké Coulibaly, dans ses réquisitoires, a formellement expliqué à la Cour que tous les accusés se trouvant dans le box d’accuser sont coupables et que la responsabilité ne doit nullement être recherchée ailleurs.

“M. le président, la dernière instruction, c’est à la barre. Et à la barre ici il demeure constant et personne ne peut nier qu’il y a eu des malversations au sein de l’AZI-SA à ce jour le montant précis n’est pas connu. Makoye Sissoko, Aïssatoun Mahamane et Mariam Sangaré sont persuadées qu’il y a eu un double reçu et personne ne peut nier cela. Donc la culpabilité et la responsabilité de chacun des accusés sont établies. Si vous rentrez dans la salle de délibération, n’hésitez point qu’il y a bel et bien eu un détournement de derniers publics”, a rappelé le parquet général tout en exhortant les membres de la Cour d’être fermes au moment de la condamnation.

“M. le président il faut être ferme parce que ces gens-là n’ont eu aucune pitié à détourner et dilapider des fonds publics. La peine doit être à la hauteur de nos attentes. Nous, ministère public, on requiert 10 ans d’emprisonnement à tous les accusés et une amende de 500 000 F CFA”, a in extenso martelé le parquet général dans ses réquisitoires.

Les conseils des accusés ont balayé d’un revers de main les réquisitoires du ministère public les qualifiant d’ailleurs de “sentimentalisme” tout en demandant à la Cour de requalifier les faits.

“M. le président nous demandons une requalification des faits en ‘abus de confiance et atteinte aux biens sociaux’. Quelle que soit la part des actions de l’Etat, AZI-SA relève du droit des sociétés commerciales. Avec cette requalification, nous demandons à M. le président de condamner nos clients à 2 ans de prison avec sursis”, a plaidé Me Touré, l’un des avocats des accusés.

Cette proposition de requalification des faits a suscité des débats houleux et tumultueux entre le parquet général et la défense des accusés.

Alors que tout monde pensait que c’était fini, subitement la salle n°2 de la Cour d’appel où se tenait cette assise spéciale était devenue une véritable joute orale entre les deux parties. Les articles du code pénal et les lois régissant les sociétés à caractère public et parapublic ont été décortiqués de fond en comble par le ministère public et les avocats. C’est jusqu’aux environs de 2 h que les parties ont pu trouver un terrain d’entente.

Après une journée entière de marathon judiciaire, c’est jusqu’à 3 h du matin que la Cour, présidée par Salaria Konaté, a pu lire son arrêt de condamnation.

Elle a condamné Makoye Sissoko à 5 ans de réclusion et une amende de 500 000 F CFA. Aïssatoun Mahamane Touré et Mariam Sangaré écopent de 5 ans de prison avec sursis et d’une amende de 200 000 F CFA chacune. Yacouba Traoré et Alpha Macky Tall ont quant à eux été acquittés.

En outre Madina Coulibaly, absente à la barre, a été condamnée par contumace à perpétuité.

AZI-SA constituée en partie civile a demandé le remboursement intégral des 545 269 168 F CFA. A titre de dédommagement moral et matériel, elle a réclamé 200 millions de F CFA.

Le contentieux de l’Etat constitué aussi dans ce procès en partie civile exige une réparation de 500 millions F CFA.

D’ores et déjà toutes les accusées affirmaient qu’elles n’ont pas cette somme faramineuse.

Ousmane Mahamane

 

 

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