Vérités sur les prétendues factures sans fournitures
Présentée comme un bourreau d’EDM-SA, la société privée de production d’électricité, Albatros, est au contraire une victime d’EDM-SA qui est en train de l’asphyxier par non-respect de ses engagements contractuels, notamment en ce qui concerne la concession de production d’électricité. C’est ce qui ressort de la conférence de presse animée, mercredi 31 juillet, par les dirigeants de la société Albatros qui ont ainsi recentré le débat, suite à la publication du rapport du Bureau du vérificateur général qui a fait comprendre, selon le terme des stratèges en gestion d’entreprise, que la société Albatros cannibalise l’EDM-SA.
Point n’est besoin d’user de tournures adoucissantes pour constater que la société Albatros a été livrée en pâture à l’opinion nationale, suite au rapport du Bureau du Vérificateur Général (BVG) sur la gestion de l’EDM-SA. Dans ce document, la société Albatros y est décrite comme une entreprise dont “le maintien de la concession, sans contrepartie en fourniture d’énergie, met en péril la continuité de l’exploitation de EDM-SA à travers un déséquilibre financier profond”. Evidemment, puisque dans la presse sont repris des extraits des rapports du BVG et parfois avec des commentaires et des titres qui font de la structure citée un coupable sans jugement, tout juste bon pour le bucher, l’image de la société Albatros se trouve écornée par ce que ses dirigeants qualifient de contre-vérités, de nature à créer de la confusion, notamment en ce qui concerne le contrat “Take or pay” qui le lie à l’EDM-SA.
C’est dans ce cadre que, illico presto, les journalistes ont été conviés à une conférence de presse organisée par Albatros, mercredi dernier, à l’hôtel Maeva sis à Bamako. Une occasion bien mise à profit par les dirigeants de la société privée productrice d’électricité pour rétablir les faits en ce qui concerne ses relations avec EDM-SA et ainsi recentrer le débat. En effet, les dirigeants de le la société Albatros, avec force argumentaire dont une pile de documents officiels, ont démontré, au contraire, qu’Albatros est une victime de non-respect des engagements contractuels de la part d’EDM-SA.
Lors de cette conférence de presse, il a fallu remonter à la création de la société Albatros, notamment à la phase de développement du projet, pour faire ressortir les différentes étapes qui ont conduit à la signature du contrat de concession avec EDM-SA, après un accord du gouvernement malien matérialisé par un décret pris en conseil des ministres.
Albatros, rappelons-le, est un IPP, terme anglais pour désigner un producteur privé d’énergie. Un délai de seize (16) mois était accordé par les autorités du Mali pour la construction de sa centrale et les premiers kw ont été produits le 13 novembre 2018.
Il faut préciser que la centrale Albatros est construite sur fonds privés. Pourtant, il est prévu de transférer la propriété de la centrale à l’Etat du Mali au bout de vingt (20) ans. A l’heure actuelle, il ne reste que quatorze (14) ans pour ce transfert de propriété. En attendant, elle vend l’électricité produite à EDM6SA au prix de 24 FCFA le kw. Une précision s’impose à ce niveau : le prix fixé au départ était de 20FCFA, mais avec une production assurée par une centrale d’occasion. Cependant, pour mieux assurer la fourniture de courant et de façon régulière selon les termes du contrat qui fixe la quantité à 66 MW, Albatros a dû installer une centrale neuve. Cet investissement ayant un coût, notamment avec des engagements bancaires à honorer, Albatros a sollicité et obtenu, après respect de la procédure ayant abouti à un accord de la Commission de régulation de l’Eau et de l’Electricité (CREE) et du gouvernement, un réajustement du prix de cession du kw fixé à 24 FCFA. Les dirigeants d’Albatros s’étonnent que le BVG n’ait pas pris en compte ses éléments de réponse concernant cette hausse du prix de cession du kw de courant transmis avec la documentation nécessaire en réponse au pré-rapport envoyé par le BVG.De toute façon, Albatros a démontré que son non-fonctionnement est lié à la défaillance de EDM-SA qui ne parvient pas à honorer sa part de contrat, notamment en ce qui concerne la fourniture de fuel.
Par ailleurs, si dans le contrat dit “Take or pay” EDM-SA minore par ses commandes la quantité de courant à lui envoyer, malgré les dispositions du contrat qui précise une puissance de 66 MW par jour, la faute n’incombe pas à la société Albatros qui doit être payée à 66 MW, selon les termes du contrat sur la base duquel elle s’est aussi engagée au niveau des banques pour s’endetter. Concernant la question qui est parfois évoquée pour justifier la non-utilisation par EDM-SA de tout le courant à fournir par Albatros, notamment le problème du transport de l’énergie par manque de lignes, Albatros s’inscrit en faux, dans la mesure où une saturation n’est pas encore observée au niveau des infrastructures disponibles, selon les conférenciers du jour. En plus, avant le démarrage du projet, Albatros avait reçu l’assurance de la Direction Nationale de l’Energie qu’il n’y aurait aucun problème à ce niveau. Une réponse contenue dans une lettre brandie par les conférenciers du jour comme preuve qu’avant le démarrage du projet ce souci n’existait pas. Alors, à qui la faute si Albatros réclame son argent à EDM-SA sur la base du contrat qui les lie ? Il faut aussi, en contrepartie, qu’elle honore ses engagements bancaires ! Là, gît le différend entre EDM-SA et la société Albatros qui semble avoir le droit avec elle, si l’on en croit aux arguments de ses dirigeants lors de cette conférence de presse.De notre point de vue, comme sortie de crise, il faut envisager deux pistes de solution, l’une excluant l’autre. Soit lever le monopole qui pèse sur Albatros en lui permettant de vendre son énergie à des sociétés minières et cimenteries puisque la demande existe, ce qui lui permet de fonctionner et de renforcer en même temps la capacité de EDM-SA en prenant en charge cette demande importante des sociétés précitées, soit ouvrir des discussions pour la reprise de l’unité de production d’électricité dès à présent par l’Etat malien. Ce qui accroît directement les capacités de production d’EDM-SA. Naturellement, dans ce cas, il faut tenir compte des engagements bancaires en cours en plus du désintéressement des actionnaires.
Amadou Bamba NIANG
Journaliste et Consultant