Un phénomène religieux apparemment nouveau mais fort ancien, se répand de plus en plus dans nos grandes villes et qui s’appelle ziara. On ne connaît pas le genre de ce substantif mais des spécialistes des questions religieuses estiment que le mot peut être mis au féminin comme au masculin selon l’humeur de l’interlocuteur et, donc c’est selon. De la sorte, ziara au féminin comme au masculin, tout passe comme une lettre à l’ancienne poste.
Selon des érudits musulmans le mot serait d’origine arabe comme Maouloud qui est récent chez nous et qui serait mis en valeur pour imiter et concurrencer les chrétiens habitués à célébrer Noël depuis des siècles. Le prosélytisme a ainsi introduit chez nous des termes et des pratiques arabes qui n’existaient pas dans nos sociétés auparavant et parmi ceux-ci, le zikri qui est la musique religieuse destinée aux grands hommes musulmans connus pour leurs hauts faits sociaux ou religieux. Quant au terme ziara qui nous intéresse ici, il date seulement des 20 dernières années et fut initié par les grands leaders musulmans à la fois pour démontrer leur réussite sociale mais également pour faire connaître leurs parents disparus depuis des lustres et dont beaucoup d’ailleurs vécurent et moururent dans la misère crasse.
Que cette pratique émane de la hiérarchie musulmane, cela n’a rien d’étonnant dans la mesure où la préparation et la réussite d’un tel évènement demandent des moyens économiques énormes dont ne dispose pas le petit imam du quartier pour qui l’islam se résume à l’exécution des 5 prières quotidiennes. Qui a participé une fois ou même suivi les médias écrits ou audiovisuels sur cette cérémonie, est convaincu de son caractère mondain tout au moins en ce qui concerne le sommet de la hiérarchie musulmane.
Recevant des cadeaux en nature et en espèces par tonnes et venant aussi bien des gouvernants que des grands commerçants, l’organisateur de la fête religieuse peut tout se permettre y compris des dons financiers énormes aux petites amies du sous-sol. Pourtant à bien regarder de près les choses, le ziara sous sa forme nouvelle n’est que l’exhumation moderne de l’ancien culte des morts ou « su son » en langue bambara. Car nos ancêtres procédaient de la même manière pour rendre hommage aux leurs disparus et leur demander en même temps des faveurs pour le séjour terrestre. La forme en a changé par l’abondance des mets et l’étalage de la réussite du maître de cérémonie, mais le fond reste le même.
Facoh Donki Diarra
Ecrivain