Afin de garantir l’égalité des chances entre l’homme et la femme, booster la participation des femmes à la vie politique et publique et favoriser leur leadership, les défenseurs des droits de la femme ont fait de la loi n°2015- 052 relative à la promotion du genre, leur fer de lance. Malgré des progrès enregistrés ces dernières années en termes de représentation des femmes, les résultats restent en deçà des attentes. Et pour des militantes des droits des femmes, la loi 052 est à interroger…
L’Annuaire Statistique sur la Promotion du Genre, ASPG 2022 du CNDIFE(Centre National de Documentation et d’Information sur la Femme et l’Enfant) indique une faible représentativité des femmes dans les instances nominatives et électives au Mali. Selon ce rapport, les femmes représentent en moyenne 28,1% du personnel de la fonction publique.
Des données chiffrées qui montrent la faible présence des femmes dans la haute l’administration, dans les institutions politiques et même au niveau local, malgré que le Mali soit doté d’une Politique Nationale Genre (PNG).
Au total, 20% des postes nominatifs sont occupés par les femmes dans la haute sphère de l’administration dont 17% proviennent des décrets, 20% des arrêtés et un peu plus de 21% qui sont du fait des décisions. Par ailleurs la proportion des femmes dans les sphères de la haute fonction notamment celles nommées au niveau des directions est de 16,1% ; celles évoluant dans les commandements présentent un total 16,4% : gouverneur : 5%, préfet : 4,41%, sous-préfet : 13, 9%. Au niveau des affaires étrangères 11,1% d’ambassadrices ; 9,5% chef de cabinet, et 22% sont des Conseillères techniques.
Le rapport relève également qu’au niveau du secteur privé, les femmes représentent 21,8% du personnel sans compter que la majorité des unités économiques appartiennent ou sont dirigées par les hommes 86% contre 14% pour les femmes.
La même disparité est observée au niveau des Institutions politiques avec seulement 10,6% de femmes : 4,1% au niveau de la Présidence, 26,7% au CNT ; Gouvernement 16,5% ; Cour suprême 36,7% ; Cour constitutionnelle 31,8% ; Conseil régional 8,2% ; Haut conseil des collectivités 4,8% ; Conseil Economique, Social, Culturel et Environnemental 14,8%. Au niveau des Conseils Communaux, on compte 11 Mairesses sur 703 soit 1,6%.
A défaut d’une loi sur la parité, des défenseurs des droits des femmes jugent que l’application effective de la loi n°2015_052/PRM du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour la promotion du genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives pourrait apporter un réel changement en faveur de la participation des femmes aux postes de décisions.
Ramata B. Diallo, Coordinatrice VBG de Wildaf-Mali, trouve que l’adoption de la loi 052, constitue à elle seule une avancée majeure dans la reconnaissance des rôles que les femmes peuvent jouer dans la sphère publique.
La Directrice Exécutive de Femmes et Droits Humains, Djigaréyé Ibrahim Maïga, non moins Conseillère technique au Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, assure également qu’avec l’application de la loi sur le genre, on observe depuis 2019 une présence accrue des femmes dans les municipalités au titre de maire ou conseillère.
Cependant, poursuit-elle, « mais malgré ces progrès, on s’interroge sur les changements concrets dans la vie des femmes qui restent limités ».
Pour la Directrice Exécutive de Femmes et Droits Humains, « au-delà des simples nominations des femmes, on doit s’assurer qu’elles puissent apporter un changement positif en prenant en compte les réalités spécifiques des conditions des différentes catégories (femmes handicapées, rurales, etc.). Est-ce que les élues au cours de leur mandat s’investissent à adopter des mesures spécifiques en faveur des femmes, comme de contribuer à l’accès des femmes à la terre ? ou encore assurer aux femmes vivant avec un handicap une maternité paisible en mettant en place des infrastructures adaptés ? La représentativité ne doit pas se limiter au nombre mais elle doit être plutôt qualitative afin que les changements s’opèrent dans les intérêts spécifiques des femmes partout où des femmes occupent des postes décisionnels ».
Moussa Bakayoko, ancien Conseiller Communal en Commune IV du district de Bamako, abonde dans le même sens. A ses dires, les femmes doivent se montrer plus solidaires. « Lorsqu’une femme est élue, elle doit plus se consacrer à soutenir d’autres femmes qu’à la cause du parti, je pense que c’est à ce prix qu’on aura plus de femmes au devant de la scène », dira-t-il.
Nécessité d’une approche globale
Selon le Maire de la commune rurale du Wassoulou, Sidibé Rokia Diakité, la problématique de la participation des femmes aux affaires publiques ne se résume point à l’adoption ou non d’une loi favorable à la femme. Encore moins par la non application d’une loi sur le genre. Pour Mme Sidibé, il faut plutôt travailler sur les facteurs qui font barrage à la promotion des femmes.
Un avis qu’elle partage avec l’ensemble des intervenants, à l’unanimité ils affirment tous que la faible représentativité des femmes dans les hautes sphères, s’explique plus par le poids de certains facteurs socio-culturels et économiques qui freinent leur épanouissement. Parmi lesquels on cite le manque d’instruction, les pesanteurs socio-culturelles, le manque de ressources financières, les stéréotypes, l’insuffisance de leadership, le manque de confiance en soi.
Au-delà de ces facteurs, Dijagayé I. Maïga souligne que le décret d’application de la loi relative au genre comporte en son sein des points défavorables aux nominations des femmes à des postes décisionnels. « Dans le décret d’application de la loi 052 on parle de représentativité et de responsabilités. Selon moi, ces deux points font en sorte qu’on ne puisse plus avoir de voix pour réclamer la part des femmes. Outre les compétences et capacités exigées, en spécifiant la responsabilité, on freine d’une part la participation de la femme. Nous avons des coutumes, des traditions qui font que les femmes jouissent difficilement de leur temps que les hommes », défend-t-elle.
Pour Aïssata Bocoum, membre du Conseil National de la Transition (CNT), il est essentiel de sensibiliser les populations et les décideurs pour réduire les barrières qui obèrent la participation des femmes aux affaires publiques.
« L’État est le premier garant du respect et de l’application des textes qu’il a adopté. l’État et le reste de ces démembrements techniques doivent respecter à la lettre les dispositions de la loi 052 afin de favoriser la participation des femmes aux instances de prises de décision, conformément aux conventions internationales et régionales, signées et ratifiées par le Mali », soutiennent Ramata Diallo et Aïssata Bocoum, qui se joignent aux autres intervenants pour recommander l’intensification des plaidoyers et lobbying en vue d’une pleine participation des femmes à la vie publique.
Khadydiatou SANOGO/maliweb.net
« Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains au Mali( JDH) et NED »