Dragage du fleuve Niger : La quête d’or à haut risque environnemental

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L’orpaillage dans le lit des cours d'eau est une sérieuse menace pour la santé et l'environnement au Mali. Ici, des machines utilisées pour l’extraction de l'or par dragage dans la Falémé

Depuis plusieurs années, le lit du fleuve Niger, troisième plus grand cours d’eau d’Afrique, est devenu le théâtre d’une ruée vers l’or qui soulève de nombreuses inquiétudes. Cette pratique, communément appelée dragage, consiste à extraire du gravier ou du sable aurifère du fond du fleuve à l’aide de bateaux motorisés artisanaux. Bien qu’elle offre des opportunités économiques pour des milliers de jeunes Maliens en quête de revenus, elle n’est pas sans conséquences graves pour l’environnement, la santé publique et les équilibres sociaux.

Interdit depuis 2019 par un arrêté interministériel et par les dispositions successives des Codes miniers y compris le dernier, promulgué en août 2023, le dragage continue pourtant d’être pratiqué en toute illégalité sur plusieurs portions du fleuve, notamment en amont de Bamako. Malgré les interdictions, la forte demande en or, les difficultés économiques et la crise sécuritaire ont poussé de nombreux jeunes à se reconvertir dans cette activité jugée plus rentable et accessible. Le dragage du fleuve Niger utilise des équipements rudimentaires mais puissants : des moteurs installés sur des barques aspirent les sédiments au fond du fleuve, qui sont ensuite traités avec du mercure pour capter l’or. Ce processus, souvent réalisé en plein air et sans aucune norme de sécurité ou de gestion des déchets, libère des substances toxiques dans l’eau. Le mercure, en particulier, est un polluant dangereux dont l’accumulation dans l’eau et les sédiments est connue pour affecter la santé humaine et détruire les écosystèmes aquatiques. Et les conséquences sont déjà visibles : pollution des eaux, disparition progressive de nombreuses espèces de poissons, dégradation des berges, prolifération de plantes toxiques et raréfaction des ressources halieutiques dont dépendent les communautés de pêcheurs. Sans vouloir attiser le feu, le fleuve Niger est aujourd’hui classé parmi les cinq cours d’eau les plus pollués, et cette pression environnementale ne cesse de croître. Le dragage ne menace pas seulement l’écosystème. Il représente également un danger pour les populations riveraines. Dans de nombreuses localités, les habitants utilisent directement l’eau du fleuve pour la boisson, la cuisine ou encore la lessive. L’ingestion de particules toxiques, même en faible quantité, peut avoir des conséquences sanitaires sur le long terme. En parallèle, le traitement de l’eau pour la rendre potable devient de plus en plus coûteux pour les sociétés de distribution, alourdissant ainsi la facture globale du secteur de l’eau.

Face à cette situation, les positions sont partagées. Tandis que les défenseurs de l’environnement réclament une application stricte de l’interdiction et une intensification des actions de sensibilisation, d’autres estiment que le dragage, bien qu’imparfait, constitue un moyen de survie pour des milliers de Maliens exclus du système économique formel. Pour ces derniers, la solution ne réside pas dans une interdiction brutale, mais dans une réglementation intelligente et un encadrement rigoureux de l’activité. Ils appellent à des mesures de formalisation, de formation et de contrôle qui permettraient de limiter les impacts négatifs tout en maintenant les bénéfices économiques. Des campagnes de plaidoyer ont été menées par la société civile depuis une dizaine d’années pour alerter sur la menace que fait peser le dragage sur le fleuve Niger. S’y ajoutent, des initiatives de reconversion de certains acteurs vers d’autres formes d’exploitation des ressources fluviales, comme l’extraction de sable ou de graviers, qui ont vu le jour. Mais les résultats restent limités en raison de la forte demande aurifère et de l’insuffisance des alternatives économiques viables pour les jeunes.

Quel avenir pour le fleuve Niger ?

La préservation du fleuve Niger, source de vie pour des millions de Maliens, constitue un défi de taille pour les autorités. Elle suppose une volonté politique forte, un engagement citoyen accru et surtout une vision de long terme conciliant impératifs économiques, justice sociale et préservation de l’environnement. Sans une action concertée et durable, le dragage continuera d’être une bombe écologique à retardement, menaçant l’une des ressources les plus précieuses du Mali. Le choix est clair : agir maintenant pour sauver le fleuve ou le laisser sombrer dans une pollution irréversible.

Adama Coulibaly

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