Les défis actuels auxquels le Mali est confronté en matière de droits humains, d’espace civique et de gouvernance démocratique étaient au centre des discussions, le mercredi 15 mai 2024 au mémorial Modibo Kéita. Prenant part aux échanges, le président des jeunes avocats du Mali, Amadou Diallo, a donné son avis sur l’accès à la justice en disant que « le baromètre de l’Etat de droit, c’est l’accès à la justice »
Depuis 2012, le Mali vit une triple crise sécuritaire, politique et humanitaire marquée par la rébellion dans le nord du pays, une transition politique avec un régime militaire au sommet de l’Etat, et les effets néfastes du changement climatique et l’insécurité alimentaire. L’extension des zones touchées par les conflits et l’extrémisme violent, principalement au centre du pays, a porté atteinte à la stabilité politique et institutionnelle du Mali entrainant du coup un recul de l’exercice du rôle régalien de l’Etat dans les zones en crise. Cette défiance du rôle de l’Etat protecteur a été durement ressentie par les populations dans certaines zones comme témoignent les massacres interethniques perpétrés en 2018, 2019 et 2020 dans le Centre du Mali et qui n’ont pas jusqu’ici connu de suites judiciaires, exacerbant le sentiment d’impunité auprès des populations envers les autorités étatiques. Face à ces menaces, les populations font parfois appel à des milices, des groupes d’autodéfenses ou à des formes de justice traditionnelle assez éloignée du respect du droit commun. C’est dans ce contexte que le président des jeunes avocats du Mali est intervenu, le 15 mai dernier au mémorial Modibo Kéita lors du lancement du projet intitulé « Renforcer l’espace civique et promouvoir les droits humains au Mali : vers une société démocratique et inclusive ».
Le jeune avocat, Amadou dit Bogoba Diallo, a porté son regard sur la justice malienne en disant « le baromètre de mesure d’un Etat de droit c’est l’accès à la justice ». Ce défenseur des droits humains a fait quelques remarques sur les défis qui doivent être relevés par notre administration judiciaire. Maître Diallo estime que les justiciables sont très éloignés des juridictions. Cet éloignement géographique, dit-il, est un handicap qui s’ajoute à l’éloignement linguistique. « La justice est rendue en langue française. Cette langue n’est pas maitrisée par bon nombre de citoyens, les textes de lois écrits en français ne sont pas traduits en d’autres langues nationales et ne font l’objet de larges diffusions. C’est un handicap par rapport à l’accès à la justice », a-t-il déclaré.
Le problème de la corruption n’a pas été occulté par cet éminent jeune avocat du barreau du Mali. Ce phénomène désastreux sape les fondements de nos sociétés. La corruption détourne les ressources des services publics essentiels, creuse les inégalités et entrave le développement économique. « Le problème de la corruption de la justice se vit tous les jours. C’est un aspect réel dans notre espace judiciaire qui a enlevé la confiance des justiciables à la justice. La corruption a créé la méfiance du citoyen à la justice », a indiqué Maître Diallo.
L’absence des moyens, d’infrastructures, de matériels adéquats a été souligné par l’orateur qui a tout de même reconnu les efforts des Gouvernements successifs pour pallier ces problèmes au niveau de l’appareil judiciaire.
Selon Maître Amadou dit Bogoba Diallo, l’arsenal judiciaire malien fait face à d’autres contraintes dont le manque de formation des juges, le nombre insuffisant des magistrats, la lenteur et les coûts élevés des procédures judiciaires. « Le rapprochement de la justice passe par un maillage adapté au territoire. La justice est un impératif pour un Etat de droit et on ne doit pas lésiner sur les moyens pour saisir la justice », a-t-il affirmé.
Sidiki Adama Dembélé