La lutte contre la gabegie et la corruption est devenue une rengaine depuis l’arrivée du Malikura sous la transition rectifiée. Les autorités maliennes le proclament sur tous les toits. Elles ont mis en place des instruments juridiques pour combattre ce cancer qui gangrène le pays.
En effet, le contrôle réalisé au Projet Régional d’Appui au Pastoralisme au Sahel (PRAPS) par le Bureau du Vérificateur Général est sans appel : non-retenue de la TVA sur les prestations de services réalisées par des prestataires nationaux non identifiés au Service des Impôts pour un montant de 202 894 385 FCFA ; utilisation des fausses pièces justificatives de dépenses pour un montant de 54 308 500 FCFA et la non mise en concurrence de fournisseurs. Autant de pratiques qui selon une enquête financière du vérificateur ont précipité le PRAPS dans l’abîme. Avec à la clé, plus de 257 millions FCFA (257 202 885F) qui ont pris une destination, jusque-là, encore inconnue pendant les exercices 2019, 2020, 2021, 2022 et 2023 (30 juin). Au même moment, la gestion du Projet d’Appui au Développement du Secteur de l’Elevage au Mali (PADEL-M) au titre des exercices 2019, 2020, 2021, 2022 et 2023 (1er semestre) a estomaqué plus d’un : 402 millions FCFA (402 425 866F) d’irrégularités financières relevées par le vérificateur.
Le PRAPS et le PADEL-Mali sont deux projets mutualisés, financés par le Gouvernement du Mali et la Banque mondiale qui interviennent en synergie sur toute l’étendue du territoire malien dans le cadre du Programme Regional d’Appui à l’Amélioration des Systèmes d’Elevage au Mali (PRAASEM) Placé sous la Tutelle du Ministère de l’Elevage et de la Pêche.
De l’ancien coordinateur du PRAPS et PADEL-MALI, feu Modibo Issa Traoré (décédé le 18 décembre 2020) au Coordinateur rentrant, Dr Moussa Coulibaly, nommé le 8 septembre 2021, tous deux sont liées à la gestion des fonds pendant les exercices 2019, 2020, 2021, 2022 et 2023 (premiers semestre). Et les irrégularités financières engendrées au niveau des deux projets dépassent l’entendement. D’où leur paralysie à tous les niveaux. Ou presque.
En clair, le PRAPS et le PADEL-M ont été sacrifiés sur l’autel d’intérêts égoïstes. Pendant 4 ans, les caisses ont coulé. Comme le fleuve Niger dans son lit. Les irrégularités financières sont comptabilisées en plusieurs centaines de millions : 257 millions de francs CFA pour le PRAPS et 402 millions pour le PADEL-Mali, soit un total de 659 millions de nos francs (659 628 751F) pour les deux projets pendant les exercices 2019, 2020, 2021, 2022 et 2023 (premier semestre).
Les projets PRAPS et PADEL-Mali n’ont pas seulement perdu de leur superbe. Ils ont été vidés de leurs âmes, vendus au diable. Et jusqu’aujourd’hui, les responsables, n’affichent qu’une image de ruine et de désolation. Et pour cause : jamais, la mauvaise gouvernance au sein de ces projets n’a atteint un tel degré.
Jugés, pourtant, stratégique dans la politique agro-pastoral de l’Etat malien, le PRAPS et le PADEL-Mali n’ont pas échappé à l’appétit vorace de leurs responsables pendant les exercices 2019, 2020, 2021, 2022 et 2023 (30 juin). Par petite touche, ils ont « sucé » les caisses, érigés le népotisme en mode de gestion. L’espoir tant suscité auprès du gouvernement, a viré au cauchemar. Un flop magistral.
Le PRAPS à vau-l’eau
La vérification financière de la gestion du Projet Régional d’Appui au Pastoralisme au Sahel (PRAPS) a permis à l’équipe de vérification de constater un manque de rigueur de la part des acteurs impliqués à cet effet. Les constatations relevées par l’équipe de vérification portent sur des irrégularités administratives et des irrégularités financières.
Concernant les irrégularités financières, il s’agit notamment du non reversement des produits issus des ventes de Dossiers d’Appel d’Offres, la non mise en concurrence de fournisseurs, la non-retenue de la TVA sur des prestations réalisées par des contractants non identifiés au service des impôts, l’utilisation de fausses pièces pour justifier des dépenses. Le montant total des irrégularités financières s’élève à 257 202 885 FCFA
Pendant les exercices 2019, 2020, 2021, 2022 et 2023 (30 juin), l’ancien Coordinateur National ; son successeur, Dr Moussa Coulibaly et le RAF (Responsable administratif et financier) n’ont pas procédé au reversement des produits issus de la vente des Dossiers d’Appel d’Offres au Trésor. Afin de s’assurer du respect de ces dispositions, l’équipe de vérification a examiné les contrats de prestation et les pièces justificatives de paiements y afférentes de la période sous revues. Elle a également procédé au calcul de la TVA due. A l’issue de ces travaux, elle a constaté que le Coordinateur rentrant et sortant ainsi que le RAF ne procèdent pas à la retenue de la TVA sur des contrats de prestation conclus avec des prestataires n’ayant pas de NIF. Le montant de la TVA non retenue s’élève à 202 894 385 FCFA.
Pendant ce temps, le Responsable Administratif et Financier et des Assistants Comptables et Financiers ont utilisé des fausses pièces pour justifier des dépenses. A l’issue des enquêtes, la mission de vérification a constaté que, le Responsable Administratif et Financier a admis des fausses pièces fournies par des Assistants Comptables dans la justification des dépenses.
Il s’agit des fausses factures suivantes : – Pièce n°1 : Facture sans numéro du Gouvernorat de Koulikoro datant du 09/12/2022 pour un montant de 400 000 FCFA ; – Pièce n°2 : Facture sans numéro du Gouvernorat de Koulikoro datant du 03/10/2022 pour un montant de 500 000 FCFA ; – Pièce n°3 : Facture sans numéro du Gouvernorat de Koulikoro datant du 06/12/2022 pour un montant de 400 000 FCFA ; – Pièce n°4 : Facture sans numéro du Gouvernorat de Koulikoro datant du 08/12/2022 pour un montant de 100 000 FCFA ; – Pièce n°5 : Facture n°08 du restaurant SOUTOURA de Koutiala, datant du 16/02/2019, relative à la fourniture de pause-café et déjeuner pour le compte du PRAPS-Mali, pour un montant de 1 950 000 FCFA ; Pièce n°6 : Facture n° 0017/RRM-kkro de la Radio Meguetan de Koulikoro, datant 24/01/2019, relative à la diffusion d’information dans 240 radios rurales pour le compte du PRAPS pour un montant de 6 000 000 FCFA ; – Pièce n°7 : Facture n° 001 de SILCA CLES MINUTE du 28/02/2019, relative à la confection des panneaux métalliques d’affichage et montage, et de banderoles grand format et de balle de tissu du forum pour le décor et montage pour un montant de 3 428 500 FCFA ; – Pièce n°8 : Facture sans numéro de l’Espace Vétérinaire – Pharmacie Vétérinaire – Distribution de Produits Vétérinaires, datant du 23/12/2022, relative à la fourniture d’Aliquotes, de Tube vaccunaitaire, d’Aiguilles de prélèvement, d’Embout, de Gants et Kit Elisa, pour le compte du PRAPS, pour un montant de 16 000 000 FCFA ; – Pièce n°9 : Facture sans numéro de l’Espace Vétérinaire – Pharmacie Vétérinaire – Distribution de Produits Vétérinaires, datant du 23/12/2022, relative à la fourniture d’Analyse d’Echantillons, pour le compte du PRAPS, pour un montant de 14 910 000 FCFA ; – Pièce n°10 : Facture sans numéro de l’Espace Vétérinaire – Pharmacie Vétérinaire – Distribution de Produits Vétérinaires, datant du 22/12/2022, relative à la fourniture d’Analyse d’Echantillons, pour le compte du PRAPS, pour un montant de 4 140 000 FCFA ; – Pièce n°11 : Facture sans numéro de l’Espace Vétérinaire – Pharmacie Vétérinaire – Distribution de Produits Vétérinaires, datant du 10/11/2022, relative à la fourniture d’Albendazole, pour le compte du PRAPS, pour un montant de 155 000 FCFA ; – Pièce n°12 : Facture sans numéro de l’Espace Vétérinaire – Pharmacie Vétérinaire – Distribution de Produits Vétérinaires, datant du 12/11/2022, relative à la fourniture d’Albendazole, pour le compte du PRAPS, pour un montant de 95 000 FCFA ; – Pièce n°13 : Facture sans numéro de l’Espace Vétérinaire – Pharmacie Vétérinaire – Distribution de Produits Vétérinaires, datant du 10/11/2022, relative à la fourniture d’Albendazole, pour le compte du PRAPS, pour un montant de 105 000 FCFA ; – Pièce n°14 : Facture sans numéro de l’Espace Vétérinaire – Pharmacie Vétérinaire – Distribution de Produits Vétérinaires, datant du 10/11/2022, relative à la fourniture d’Albendazole, pour le compte du PRAPS, pour un montant de 6 125 000 FCFA. Les personnes dont les références figurent sur les sept (7) premières factures (Pièces n°1 à 7) ont toutes confirmé par écrit à l’équipe de vérification, que lesdites factures ne proviennent pas de leur entreprise et ignorent les signatures et cachets apposés sur lesdites factures.
Pour les sept (7) dernières factures, elles émanent d’une entreprise fictive dénommée « l’Espace Vétérinaire – Pharmacie Vétérinaire – Distribution de Produits Vétérinaires ». En effet, le NIF mentionné (0854107534K) sur l’entête des sept (7) dernières factures (Pièces n°8 à 14) comporte 11 caractères alphanumériques au lieu de 10. La dénomination mentionnée sur lesdites factures (Espace Vétérinaire – Pharmacie Vétérinaire) correspond à une autre entreprise détenue par la société SIPROVET dont le NIF est le 087800072D. Le montant total de ces fausses factures utilisées pour justifier des dépenses s’élève à 54 308 500 FCFA.
Par ailleurs, le Responsable Administratif et Financier ne procède pas systématiquement à la mise en concurrence des fournisseurs dans les cas requis. En effet, l’examen des dossiers a révélé que pour plusieurs achats effectués, Il consulte les mêmes fournisseurs de manière récurrente parmi lesquels un seul est constamment retenu. Elle a également constaté que pour un marché, la date du bon de commande est antérieure à celle des factures proforma. Aussi, pour deux (2) autres marchés, il n’y a pas de factures proforma, ce qui atteste l’absence de mise en concurrence.
Pourboires au PADEL-Mali
Le PADEL-M est une initiative majeure de développement de l’élevage au regard de sa couverture géographique, de l’importance de son financement, de la diversité de ses acteurs et de sa complémentarité avec d’autres projets et programmes de développement.
En effet, les irrégularités financières commises en son sein se chiffrent à plus de 402 millions de francs CFA. Ces irrégularités ont trait à la non-application des pénalités sur des marchés dont l’exécution a accusé du retard pour un montant de 54 165 881 FCFA ; à la réception sans réserve d’un marché non entièrement exécuté pour un montant de 20 025 000 FCFA ; au paiement de la totalité de marchés partiellement exécutés pour un montant de 65 260 667 FCFA ; à la non-retenue de l’Impôt sur les Bénéfices Industriels et Commerciaux pour un montant de 7 122 977 FCFA ; à la conclusion de marchés avec des Taxes sur la Valeur Ajoutée indues pour un montant de 168 599 498 FCFA ; – au paiement irrégulier d’un marché pour un montant de 21 750 000 FCFA ; au paiement de droits d’enregistrement et de redevances de régulation indus à des titulaires de marché pour un montant total de 3 558 520 FCFA ; au non-paiement de la redevance régulation pour un montant de 1 684 425 FCFA ; à l’autorisation de l’augmentation irrégulière de l’offre d’un soumissionnaire pour un montant de 4 725 000 FCFA ; au paiement d’un marché non-enregistré pour un montant de 833 898 FCFA ; et au paiement de missions irrégulières pour un montant de 54 700 000 FCFA. En bloc, la gestion des projets PRAPS et PADEL-M est comparable à celle d’une épicerie. D’où des irrégularités financières cumulées de 659 millions de nos francs (659 628 751 FCFA) pour les deux projets pendant les exercices 2019, 2020, 2021, 2022 et 2023 (30 juin).
Bref, les projets PRAPS et PADEL-M ont été sacrifiés sur l’autel d’intérêts égoïstes. Autrement dit, les caisses des deux projets ont subi une saignée financière de plusieurs centaines de millions de francs CFA.
En réalité, cette mauvaise gestion est le fruit d’un système bien huilé, mis en place par les « princes » du PRAPS et du PADEL-M.
Selon ce système, les responsables de l’unité de coordination des projets veillent aux « bons soins » de leurs pots et de leur propre personne: enveloppes de fin du mois, marchés de gré à gré, bons de carburant à gogo, voyages à l’étranger et autres cadeaux en nature. Du moins, s’ils veulent éviter les « ennuis ».
Face à de telles pratiques qui ont occasionné une saignée financière cumulée de 659 millions de francs CFA dans la caisse du PRAPS et du PADEL-M, pendant les périodes 2019, 2020, 2021, 2022 et 2023 (30 juin), le Vérificateur a transmis une dénonciation de faits au Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême et au Procureur de la République chargé du Pôle National Economique et Financier. Depuis, les responsables du PRAPS et du PADEL-Mali ne dorment plus que d’un œil. Nous y reviendrons !
Jean Pierre James
Donc ces deux projets étaient dirigés ar l même équipe ?