Suite à la décision du gouvernement de transition de suspendre les activités des partis politiques et des activités à caractère politique des associations reprochant à ceux-ci “des actions de subversion”, la Convention nationale pour une Afrique solidaire (Cnas/Faso-Hèrè) a, dans un communiqué, qualifié cette décision d’attentatoire aux principes démocratiques et aux libertés publiques. Et d’ajouter que les raisons avancées relèvent manifestement de la diffamation et de la calomnie.
A l’entame, le parti dit avoir pris note avec stupéfaction mais sans surprise de la décision des pouvoirs publics de suspendre les activités politiques des partis politiques, regroupements et associations au motif, selon le communiqué du conseil des ministres du 10 avril 2024, de prétendues “actions de subversion” entamées par lesdits acteurs politiques et sociaux.
Et de poursuivre qu’une telle mesure attentatoire aux principes démocratiques et aux libertés publiques illustre, une fois de plus, la tendance troublante du régime issu du double coup de force militaire du 18 août 2020 et du 25 mai 2021 à succomber aux chants de sirène des nostalgiques de la dictature CMLN/UDPM de triste mémoire soucieux de piétiner la révolution démocratique et populaire du 26 mars 1991 et ses acquis politiques et institutionnels dans une vaine tentative de faire faire marche arrière à la roue de l’histoire. Selon le parti, la mesure adoptée par le conseil des ministres du 10 avril 2024 reproche aux partis politiques des actions de subversion. “Une si grave accusation est d’autant moins tolérable qu’elle met tous les partis politiques dans le même sac et ne donne aucune indication quant à la nature de la présumée subversion, toute chose qui, en ce qui concerne spécifiquement la Cnas/Faso-Hèrè, relève manifestement de la diffamation et de la calomnie”, peut-on lire dans le communiqué. Et d’ajouter que la décision liberticide du 11 avril 2024 rappelle à s’y méprendre les errements des autorités de la dictature CMLN/UDPM qui, près de 23 longues années durant, ont imposé une Chappe de plomb au peuple malien. “D’une part, dès les premières heures du coup d’Etat néocolonialiste, les putschistes du 19 novembre 1968 ont décrété l’interdiction de toute activité politique sur l’ensemble du territoire national”, mentionne le communiqué.
Une mesure draconienne
Une telle mesure draconienne d’inspiration fasciste, précise le communiqué, n’a pas réussi à empêcher le déclenchement en mars 1969 d’une grève générale des écoles secondaires et supérieures qui a duré près de 45 jours, ni la contestation ouverte du coup d’Etat par les cadres lors de la conférence convoquée en juin 1969 par la junte pour “expliquer les motifs justifiant le coup de force”, encore moins les résolutions du congrès de l’UNTM de juillet 1970 appelant au retour du président Modibo Kéita au pouvoir et à la réaffirmation de l’option socialiste du Mali. D’autre part, poursuit le communiqué, en signe de raidissement de la dictature en basin et à la suite du remaniement ministériel de début janvier 1991 marqué par la nomination de faucons du régime à des postes-clé (Intérieur et Justice, notamment), le pouvoir agonisant de l’UDPM ne trouva mieux à faire face à la vague déferlante des revendications démocratiques élémentaires et au succès populaire de la marche unitaire du 30 décembre 1990 que d’inviter “les Associations à mettre fin immédiatement à leurs activités politiques et à se consacrer uniquement au domaine de l’humanitaire”, au prétexte juridiquement fallacieux que la Constitution accordait à l’UDPM le monopole de l’activité politique. “La suite appartient à l’histoire. Or, il est bien connu que ceux qui ne tirent pas les leçons des erreurs du passé se condamnent à les répéter”.
Au demeurant, ajoute la Cnas/Faso-Hèrè, la mesure illégale prise lors du conseil des ministres du 10 avril 2024 n’est que la suite logique d’une campagne tous azimuts contre les partis politiques, la politique et les politiques. Ainsi, en plus de la tentative d’asphyxie financière des acteurs politiques en gelant illégalement l’aide publique aux partis, les autorités en place ont engagé une campagne frénétique tendant à présenter le 26 mars 1991 et les partis politiques comme responsables de la crise multidimensionnelle dont souffre le Mali, y compris la grave crise énergétique dont les conséquences économiques, sociales et politiques se passent de tout commentaire. A en croire les thuriféraires du régime issu du double coup de force militaire du 18 août 2020 et du 25 mai 2021, il y a pléthore de partis politiques et la solution résiderait dans leur dissolution et leur remplacement par pas plus de trois partis. “Nul besoin d’être marxiste pour comprendre que l’émiettement de la classe politique, mesuré par le grand nombre de partis politiques, n’est que le reflet de l’émiettement de la société (éclatement des grandes familles et de la famille élargie, etc., etc.) et de l’économie (petite paysannerie familiale, petites boutiques, petits étals sur les trottoirs voire sur la voie publique”, précise le parti.
En tout état de cause, poursuit le communiqué, toute velléité de réduction ou de limitation arbitraire du nombre de partis politiques par fiat politico-administratif est nouée à l’échec, comme l’a clairement indiqué l’expérience d’un pays francophone voisin dans les années 1970. Au lieu de donner une réplique juridique convaincante aux arguments juridiques et institutionnels rattachant la fin de la Transition au délai prescrit par le décret n°2022-0335/PT-RM du 6 juin 2022, déplore Cnas/Faso-Hèrè, le régime en place entame une sorte de fuite en avant en s’engageant dans une voie sans issue aux dépens de l’ordre républicain et démocratique que le peuple malien a instauré au prix de la sueur, des larmes et du sang de plusieurs générations successives de combattants de l’indépendance, de la démocratie et du progrès dans la Justice sociale. “Fidèle aux idéaux et aux valeurs du 31 mars 1957, du 22 septembre 1960, du 20 janvier 1961, du 25 mai 1963, du 26 mars 1991 et du 12 janvier 1992, la Cnas/Faso-Hèrè, le parti de l’Avant-garde militante et révolutionnaire du peuple malien, reste confiant dans la capacité des forces patriotiques, progressistes, républicaines, démocratiques et véritablement panafricanistes à défendre victorieusement les acquis de la révolution démocratique et populaire du 26 mars 1991”, conclut le communiqué de la Cnas/Faso-Hèrè.
Boubacar Païtao