Modelé démocratique sénégalais : Une référence nourrie par la vitalité du Conseil constitutionnel

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A travers l’élection présidentielle du 24 mars 2024, le peuple sénégalais a encore donné une leçon de maturité politique à l’Afrique. Comme en 2012 (victoire de Macky Sall sur Me Abdoulaye Wade), il a refusé de s’engager dans l’incertitude de la continuité pour donner la chance à une nouvelle génération afin qu’elle fasse ses preuves. A ce titre, le Sénégal reste une vitrine de la démocratie avec une constance qui repose sur le dynamisme des institutions, notamment du Conseil constitutionnel.

Le Sénégal est un modèle, une référence en matière de démocratie parce que chaque fois que la mégalomanie failli pousser le pays vers l’anarchie et le chaos, des hommes et des femmes se sont assumés à la tête d’institutions comme le Conseil constitutionnel, la plus haute instance du système judiciaire du pays. Et pourtant, les 7 membres de ce conseil sont nommés par le président de la République, dont deux sur une liste de quatre personnalités proposées par le président de l’Assemblée nationale. Mais, ils sont convaincus qu’ils tiennent leur légitimité des aspirations profondes des Sénégalais et des intérêts du Sénégal que de ceux qui les ont choisis.

Ainsi, face à l’histoire, Mamadou Badio Camara et son équipe ont privilégié leur pays et les textes en vigueur en invalidant la loi reportant la présidentielle à décembre 2024 (donc prorogeant le mandat du président Macky Sall à qui ils doivent leurs fauteuils). Ils se sont assumés contre vents et marées pour que le Sénégal reste ce modèle de démocratie pour le monde entier. Ce qui prouve que, comme l’ancien président américain Barack Obama le déclarait le 11 juillet  2009 devant le parlement ghanéen, «l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes». Même si, dans la plupart des cas, elles tirent cette force de la compétence, de la conscience professionnelle et patriotique, de l’intégrité morale et de la force de caractère des femmes et des hommes chargés de les animer.

Nous dirons plutôt que l’Afrique a besoin de femmes et d’hommes rigoureux et vertueux pour forger des institutions  puissantes car indépendantes. Toujours est-il que, quand elles restent intransigeantes sur la loi et la rigueur morale, elles font toujours plier la volonté individuelle ou l’ambition cynique d’un clan. Ce qui donne un corps à la séparation des pouvoirs en démocratie.

L’utopique séparation des pouvoirs au Mali

Au Mali, depuis l’avènement de la démocratie (période dont nous sommes témoin), la Cour constitutionnelle n’a presque jamais réussi à se hisser à hauteur de souhait en matière de gestion des élections, notamment des contentieux portés à son niveau. C’est d’ailleurs sa mauvaise gestion des législatives de 2020 (29 mars et 19 avril) qui a marqué le point de départ de la contestation qui a abouti aux événements du 18 août 2020. En effet, suite aux résultats qu’elle a publié le 30 avril 2020, les citoyens dépités ont bravé le couvre-feu pour manifester dans plusieurs villes du Mali.

Voulant coûte que coûte éviter au parti au pouvoir une cuisante défaite, la cour a presque tranché tous les contentieux en sa faveur. Et du coup le Rassemblement pour le Mali (RPM) s’est retrouvé avec 51 élus au lieu des 43 des résultats provisoires. Pis, le parti présidentiel a récupéré dans la capitale des sièges perdus par des ténors dont l’un sera d’ailleurs propulsé au perchoir à la surprise générale comme pour préparer une succession dynastique au Mali.

Aujourd’hui, cette même Cour constitutionnelle est encore interpellée par ceux qui s’accrochent à la date du 26 mars 2024 comme «la fin de la durée légale» de la transition (en référence au décret N° 2022-0335/PTRM du 06 juin 2022).  «En l’absence d’un nouveau décret relatif à une nouvelle prorogation de la transition, que va dire la Cour constitutionnelle à partir de maintenant ?», s’interrogent-ils.  Va-t-elle s’assumer ? Cela surprendrait la majorité des observateurs.

Peut-être que le législateur aurait dû limiter leur mandat à 7 ans non-renouvelables pour leur assurer une indépendance vis-à-vis de la pression et de la manipulation de ceux qui les désignent (9 membres dont trois nommés par le président de la République ; trois par le président de l’Assemblée nationale et trois magistrats désignés par le Conseil supérieur de la magistrature). Nous pensons que la révision constitutionnelle nous offrait en tout cas une bonne opportunité de revoir en profondeur le fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

Pour le moment, le constat amère que la séparation des pouvoirs n’est que théorique au Mali. Une pure illusion avec notamment une justice toujours aux ordres de l’exécutif et une assemblée nationale qui demeure une caisse de résonance !

Moussa Bolly

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