“La cravate douloureuse que tu portes et qui t’orne, O civilisé, ôte-la si tu veux respirer”
Le 27 mars 1981, il y a exactement 43 ans, j’ai prêté serment comme avocat stagiaire devant la Cour d’appel de Dakar présidée par Gilbert André, éminent magistrat, qui s’est adressé aux jeunes postulants que nous étions dans une mémorable intervention en vers. Belle littérature passée à la postérité.
Mais avant la prestation de serment proprement dite, notre promotion, qui comptait deux maliens (Me Binké Kamité et moi-même) eût le privilège d’avoir, pour guider nos premiers pas, Me Boubacar Guèye, ministre de la Justice de la Fédération du Mali, proche de Cheikh Anta Diop avec qui il créa le Bloc des masses sénégalaises (BMS) en 1961.
Strict en déontologie, vieille école, Me Boubacar Gueye n’a jamais apposé de plaque devant son Cabinet d’avocat. J’ai fait comme lui : il n’y a jamais eu de plaque devant mon cabinet. Je sais que cela changera avec Me Aïssata Tall Diarra car la règle qui assimilait la plaque à une forme de publicité n’existe plus depuis plusieurs décennies.
Autre privilège : c’est au Premier président de la Cour suprême du Sénégal, le juge Kéba M’Baye que nous avons rendu notre dernière visite avant notre prestation de serment du lendemain. Après avoir écouté ses sages conseils, nous primes congés de lui. Pendant que nous longions le long couloir qui mène à son bureau, il nous lança haut et fort “Les avocats en jeans et les magistrats aux manches retroussés, moi, je n’y crois pas”. Nous ne comprenions pas.
C’est encore le doyen Boubacar Gueye, lui-même toujours en costume trois pièces et bretelles, qui nous décrypta le message : “Celui qui viendra demain en tenue débraillée ne sera pas autorisée à prêter serment”. En clair, il fallait être en costume-cravate.
J’avais un gros souci car je ne portai pratiquement jamais ni costume, ni cravate ; je n’en avais même pas et je les détestais. Dans ma chambre d’étudiant, j’avais reproduit et collé au mur cette citation de Guillaume Apollinaire “La cravate douloureuse que tu portes et qui t’orne, o civilisé, ôte-la si tu veux respirer”.
Nous étions en fin d’après-midi. Je dirais dans mes Mémoires (Inch’Allah) comment, mais le lendemain, à 8 heures du matin, j’étais avec les autres en costume cravate dans la salle des Avocats du Palais de justice de Dakar. Avant de prêter solennellement serment à 9 h.
Trois années après, j’étais Avocat plein. Au Sénégal. Avec le plein droit d’être inscrit au Grand tableau du Mali. Automatiquement ! De plein droit ! C’est ce qui arriva.
Ce Cabinet a formé d’éminents avocats dont feus Mountaga Diallo, président de l’Ajam, et Brahima Koné, président de l’AMDH, Mes Harouna Toureh, Samba Bah, Cheick Oumar Konaré, Lamissa Coulibaly, etc.
Et, avant de plonger dans le marigot politique, j’ai eu l’honneur et le privilège d’assumer les responsabilités suivantes :
– Secrétaire général de l’Association des jeunes avocats du Mali (Ajam),
– Secrétaire général de l’Union des barreaux ouest-africains (Ubao),
– Vice-président national de l’Association Internationale des jeunes avocats (Aija),
– Secrétaire général de l’Ordre des avocats du Mali,
– Vice-président de l’Association des avocats de l’espace Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa-AAEU),
Et parrain de la première promotion de la Faculté des sciences juridiques et économiques de l’Université de Bamako, qui, d’ailleurs porte mon nom.
Eux sont des chefs de juridiction, avocats, notaires, officiers supérieurs, députés, professeurs d’université
Mountaga Tall chante Janjo pour Mountaga Tall!