L’initiative a permis de discuter des préoccupations qui assaillent notre pays, surtout de quête de sécurité et de paix. Sans prendre de gants, des représentants des partis ont exprimé des appréhensions
Dans le cadre de ses consultations avec les forces vives de la nation, la Commission de rédaction de l’avant-projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale a rencontré, mardi dernier au Centre international de conférences de Bamako (CICB), les partis politiques et associations à caractère politique.
D’entrée de jeu, le président de la Commission, l’ancien Premier ministre, Ousmane Issoufi Maïga, s’est réjoui de la mobilisation massive des responsables politiques. Il a rappelé que dans son adresse à la nation le 31 décembre dernier, le président de la Transition a annoncé l’appropriation nationale du processus de paix et la tenue du Dialogue inter-Maliens (DIM) pour la paix et la réconciliation nationale.
Ce dernier a eu lieu sur l’ensemble du territoire et dans les missions diplomatiques et consulaires du Mali. Et l’une des résolutions principales a porté sur l’élaboration d’une Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Par décret n°2024-0384/PT-RM du 28 juin 2024, dira-t-il, le chef de l’État a mis en place la commission de rédaction de l’avant-projet de la Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale et a nommé comme membres un collège d’experts qu’il préside.
Au terme de l’article 2 de ce décret, Ousmane Issoufi Maïga a indiqué que cette commission est chargée d’élaborer l’avant-projet de texte de la Charte devant constituer le document de référence pour toutes initiatives, actions et activités qui concourent à la sécurité, à la paix, à la réconciliation nationale, la cohésion sociale et au vivre-ensemble. Dans ce sens, la commission de rédaction conformément à l’article 8 de son décret de création, a initié une série de rencontres avec les forces vives et envisage des entretiens individuels ou en groupes avec des personnalités et des personnes ressources.
Pour l’ancien Premier ministre, l’organisation de ces rencontres répond à l’exigence d’inclusivité du chef de l’État. D’après lui, tous les Maliens doivent se sentir concernés par la Charte nationale et doivent apporter leurs contributions à son élaboration. Il a aussi soutenu que les partis politiques sont en réalité les plus concernés par l’élaboration d’un tel document.
Avant de rappeler que la vocation constitutionnelle d’un parti politique est de conquérir et d’exercer le pouvoir. «En tant qu’acteurs politiques, vous êtes un des principaux piliers de l’éducation des masses et donc un complément de toutes les institutions chargées de formation et d’enseignement», a laissé entendre Ousmane Issoufi Maïga. Selon lui, notre pays s’est engagé dans une vaste entreprise de refondation et la Charte nationale doit y contribuer fortement. C’est pour toutes ces raisons qu’il a dit attendre fortement des partis politiques des propositions et des suggestions qui, sans doute, seront essentielles à la production de la Charte nationale pour la paix, la réconciliation, la cohésion sociale et le vivre-ensemble au Mali.
Au cours de la rencontre, de nombreux responsables politiques qui ont salué cette initiative des autorités de la Transition, ont posé des questions d’éclaircissement et fait des contributions pour l’avènement d’une paix durable au Mali. C’est le cas de Nouhoum Togo de l’Union pour la sauvegarde de la République (USR) qui a évoqué les assassinats de pauvres paysans en cours dans le pays Dogon. Selon lui, les populations n’arrivent plus à cultiver et demandent à pouvoir cultiver pour se nourrir, se déplacer en toute quiétude avant de s’asseoir pour parler de paix.
Moussa Koné de l’Alliance des forces démocratiques (AFD) a appelé les autorités à poser un premier acte dans le sens de la paix et de la réconciliation en libérant leurs camarades politiques détenus ou tous ceux qui le sont pour leurs opinions. Issa T. Dembélé a indiqué qu’on ne peut avoir la paix que sur la base du pardon. Il s’est demandé comment cette question va être traitée avec les obscurantistes et ceux qui sont considérés comme des sécessionnistes.
De son côté, Aboubacar Diallo du Parti démocrate malien (Padem) a demandé si les personnes déplacées ou refugiées seront associées à la rédaction de cette Charte. Il a exhorté la commission à tirer ce qui est positif du caduc accord pour la paix issu du processus d’Alger.
Djiguiba Keïta du Parti pour la renaissance nationale (Parena) a indiqué que le souci de tout patriote est de voir la nation réconciliée avec elle-même pour faire face aux épreuves qui l’assaillent. Pour lui, la paix et la réconciliation nationale rime aujourd’hui avec la libération des 11 responsables politiques détenus. Soumaïla Diakité estimera qu’il ne peut y avoir de paix et de réconciliation sans s’attaquer aux causes profondes de la crise que traverse le Mali. Pour lui, il y a trop d’injustice dans notre pays et il ne peut avoir de paix et de réconciliation sans la justice.
Younous Hamèye Dicko du Rassemblement pour le développement et la solidarité (RDS) s’est interrogé sur la suite de la Charte que produira la commission. Il dira aussi qu’il a des problèmes avec le vocable, car il y a eu beaucoup de chartes et d’ententes au Mali avec des résultats connus.
L’ancien ministre Oumarou Diarra du Mouvement patriotique pour la justice (MPJ Faso Yelen) a demandé si on peut décréter la paix ? Selon lui, ce qui se passe sur le terrain et les initiatives prises à Bamako pour ramener la paix sont diamétralement opposés.
Au cours de la rencontre, un questionnaire sur la paix, la sécurité, la réconciliation nationale, la cohésion sociale et le vivre-ensemble a été remis à tous les participants pour y mentionner leurs convictions. Ousmane Issoufi Maïga a indiqué que le Mali va mal et les Maliens se portent mal. Et il y a des difficultés qui ont été exprimées. Avant d’ajouter que c’est aux Maliens de se donner la main pour juguler toutes ces calamités qui nous assaillent.
Dieudonné DIAMA