Le premier ministre de la rectification et de la clarification renvoyé : Quel avenir pour la transition ?

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Le Président de la Transition, Général d’armée Assimi Goïta vient de limoger son Premier ministre, Dr Choguel Kokalla Maiga. Aucune explication officielle n’a été fournie sur cette décision lue à la télévision publique, par le Secrétaire Général de la Présidence. Tous les observateurs de la situation politique s’y attendaient à plus ou moins brève échéance, depuis la sortie assez osée du chef du gouvernement contre la gouvernance installée au sommet de l’Etat par le quarteron de colonels, depuis le 18 août 2020. On sentait une sorte de « crise de confiance » planée entre eux. Nommé à la primature en juin 2021, Dr Choguel Kokalla Maïga était apparu comme le représentant « légitime » de ces milliers de Maliens qui, en 2020, avaient battu le pavé sur le boulevard de l’indépendance et précipité la chute de l’ex-président démocratiquement élu, Ibrahim Boubacar Keïta.

Le premier ministre, en tout cas, dans ses propos tenus au cours de son meeting de clarification devant ce qui reste des militants de son M5-RFP a laissé entendre, sans ambages, que la confiance entre lui et les ex-colonels, ses employeurs s’est fortement « érodée » au cours de ces derniers mois de la transition, en raison du manque de concertation sur les grands dossiers de la nation : la prolongation sine die de la transition, la probable candidature des militaires de l’ex-Conseil National pour le Salut du Peuple (CNSP) à la présidentielle qui doit mettre fin à la Transition, la mise en mouvement de l’Autorité indépendante de la gestion des élections (AIGE), entre autres.

Avant le meeting de clarification, le premier ministre Choguel Kokala Maiga avait indiqué, au début de l’exacerbation de la crise énergétique, n’être au courant de rien, qu’il n’était pas associé à la gestion de ce secteur ; la question étant directement gérée par le Président de la transition. Aussi, à la suite de l’annonce de la probable fermeture des écoles catholiques, faute d’accord avec le gouvernement pour le paiement de leurs arriérés, à quelques semaines de la rentrée scolaire 2024-2025 et 2025-2026, le même premier ministre a-t-il rencontré les acteurs de ces écoles où il a fait observer que cette question était aussi directement gérée par le ministre de l’Education nationale et celui des finances. Ce qui prouve aux yeux de l’opinion nationale que le premier ministre était tenu à l’écart de la gestion des affaires importantes du pays…

On comprend alors que cette gestion « clanique » des affaires de l’Etat décriée aujourd’hui par Choguel, était malheureusement, la seule manière de collaboration possible entre les deux ennemis (CNSP-M5-RFP) devenus alliés de circonstances, avec chacun comme stratégie de se renforcer en vue d’être le premier et le plus rapide à dégainer et à neutraliser l’autre..

Pour rappel, il suffit d’analyser le contexte socio-politique de l’époque et le processus de mise en place des organes de la transition pour comprendre le déroulé de la transition et les secousses tectoniques qui émaillent son parcours. Les frustrations engendrées ont amené les alliés de circonstances à cheminer parallèlement, sans véritable projet de gouvernance patriotique mais, plutôt, dans le secret dessein de s’anéantir politiquement et intimement. Pour ce faire, des centrales syndicales, à commencer par l’UNTM, ont été mises à contribution pour affaiblir le M5-RFP, alors tout-puissant afin de réduire ses tentacules. Depuis, toutes les revendications syndicales ont été rangées dans les tiroirs, malgré la flambée exponentielle du coût de la vie et la détérioration des conditions de vie des travailleurs. Les militaires de l’ex-CNSP étant parvenus ainsi à neutraliser la capacité de nuisance des forces capables de les résister pendant l’exercice de leur pouvoir usurpé, se sont ouvert  un boulevard de permissivité sans bornes.

L’installation d’un pouvoir incestueux dont les tenants se mordent les queues

Installé au cœur du pouvoir d’Etat par les militaires de l’ex-CNSP, avec les énormes moyens de l’Etat pour produire des résultats pouvant leur servir de capital politique, à la fin de la transition, progressivement, le M5-RFP a été progressivement mis à l’écart des dossiers importants du pays, afin de le faire passer aux yeux de l’opinion pour un regroupement d’incapables et briser ainsi son capital sympathique et politique dans l’opinion.

Ainsi, il apparaît clairement que ni le partenaire militaire (CNSP) ni le M5-RFP, n’avaient un programme ni pour le Mali ni pour les Maliens. Si la priorité des militaires du CNSP était de réussir à écarter ou à contrôler tous les obstacles endogènes ( M5-RFP, Centrales syndicales, Partis politiques, organisations de la société civile, etc..) et exogènes (CEDEAO,  France, etc..), celle du M5-RFP était surtout de dompter et d’écarter les obstacles exclusivement endogènes (le CNSP, les Partis Politiques issus du mouvement démocratique, Imam Mahmoud Dicko, tous les anciens dignitaires, etc..).

Le promu Général d’armée Assimi Goïta et le « caporal » Choguel Kokala Maïga entretenaient depuis longtemps des relations de travail conflictuelles, surtout depuis la mise en selle de l’ex-colonel Abdoulaye Maïga comme ministre d’Etat en charge de l’administration territoriale et de la décentralisation et le renvoi de presque tous les ministres issus du M5-RFP sans consultation du Chef du gouvernement, porte-parole du même M5-RFP.  Il se rapporte qu’au cours de l’année écoulée, des altercations ont été signalées entre certains ministres, pas des moindres et le premier ministre au sujet de la coordination de l’action gouvernementale et du traitement de certains dossiers stratégiques et sensibles auxquels le PM était écarté. Le Pacte d’honneur scellé entre l’ex-CNSP et les civils mobilisés au sein du M5-RFP a été jeté aux poubelles dans la soirée du 24 mai 2021 à Kati. Stratégie militaire obligerait, selon des sources militaires. Les priorités n’ont pourtant jamais manqué telles la sempiternelle question de lutte contre l’insécurité, la reconquête de la souveraineté nationale, la fierté et la dignité du Malien….

C’est pourquoi, ni Dr Choguel, ni Gal Assimi, ne pourront, révéler publiquement, le contenu du fameux Pacte d’honneur signé entre l’ex-CNSP et le M5-RFP originel. Parce qu’il n’ y a rien d’honorable dans ce Pacte pour le salut du peuple malien. Sinon, à l’actif du régime élu d’IBK, les négociations entreprises avec le M5-RFP ont été, au début secrètes entre IBK et feu Soumaila Cissé de l’URD, mais, à la conclusion des négociations, le pacte est devenu l’accord politique de gouvernance et a été rendu public.

Tous les faits de gestion qualifiés aujourd’hui par le premier ministre, Dr. Choguel Kokala Maiga d’opaques, de solitaires, de claniques qui sont, à juste  raison, des dysfonctionnements des institutions, traduisent le degré du sens de l’Etat des militaires et du M5-RFP.

Je suis formel que les propos tenus par Choguel lors du meeting du samedi 16 Novembre 2024 n’ont  été, en réalité, pour son auteur et son camp qu’une stratégie de communication murement réfléchie en vue d’anticiper et de préparer l’opinion sur leur  nouvelle posture, à l effet de l’adhésion de celle ci à leur cause. Pour les militaires de l’ex-CNSP, ce meeting et les propos tenus par Choguel  furent l’occasion idoine d’acter, publiquement, la mise à l’écart formelle de leur colis encombrant, tout en pervertissant et utilisant les propos de ce dernier contre lui-même, afin d’anéantir toute possibilité de rebondir à nouveau dans l’opinion.

Cela se justifie pour la simple raison que, connaissant la puissance de l’Etat, rien n’a été entrepris par le Président de la Transition pour dissuader son premier d’organiser un tel meeting dans un tel contexte.  Plus indicatif aussi est, d’après Choguel, le refus de Gal Assimi et ses compagnons d’accéder à sa demande d’échange qu’il a formulée depuis deux ans pour préciser la suite de la Transition. C’est comme si, en autorisant Choguel à tenir son meeting, à mettant les forces de l’ordre à disposition pour la sécurité du meeting, on l’encourageait quelque part, à commettre la faute fatale pour l’abattre. En homme politique avisé, Choguel est-il tombé dans le piège ? Je n’en suis pas très sûr. Attendons de voir la suite du feuilleton qui n’a pas fini de révéler tous ses moments de suspense.

Le limogeage soudain de Choguel, un politique qui a aussi apporté sa touche personnelle à l’embellie de la transition, suscitera, à n’en pas douter, des protestations sur les réseaux sociaux, à travers « ses activistes », probablement dans les rues de Bamako et ailleurs à l’intérieur du pays, et dans certains états-majors politiques et associatives, en raison de la situation délétère du pays, qui pourraient se retrouver dans des alliances circonstancielles pour appeler à des manifestations publiques de plus grande ampleur. Cela, pour tester la capacité de réaction des militaires au pouvoir confrontés pour la première fois à une véritable opposition politique. Les heures, les jours ou les semaines à venir nous édifieront davantage. Plus rien ne se fera plus comme avant dans cette transition. Elle ne pourra plus être gérée avec la même désinvolture, car les nouvelles alliances, si elles devraient se faire, se feront avec beaucoup de circonspection. Le choix est laissé aux jeunes militaires : opter pour l’inclusivité ouvrant ainsi le pays à de meilleures perspectives ou choisir la trajectoire clivante en excluant les partis politiques en condamnant le pays dans le chaos certain voire le plongé dans le scénario des « factions rivales du Soudan ». Il ne faudrait pas que le départ de Choguel soit interprété plus tard comme celui d’un homme qui a décidé de se repentir et de dire enfin la vérité sur la gouvernance du pays, en voulant se racheter avant la fin, laissant ainsi les autres s’accrocher à une illusion. Chacun doit rester vigilant, car la surprise pourrait venir de là où on s’attend le moins. Que la sagesse prévale et que l’amour pour le Mali transcende les ambitions et les calculs particuliers.

La quadrature du cercle

La leçon que le peuple doit tirer de cet incident nauséabond qui était en téléchargement depuis fort longtemps est, que pendant quatre ans de transition, le peuple n’a été que la victime expiatoire d’une guerre de clans, de positionnement opposant des gens d’intérêts sordides.

Les opérations de marches et de meeting dits spontanés, à travers le pays et la partition jouée par l’ORTM (télévision publique) dans cette mise à mort de l’adversaire politique, Dr Choguel Kokala Maiga, Chef du gouvernement en poste, ne sont, malheureusement, qu’une étape franchie pour les militaires de l’ex-CNSP dans leur projet de confiscation du pouvoir d’Etat. À observer de près les initiateurs et animateurs desdits rassemblements, ils ne sont autres, pour la plupart, que d’anciens terroristes et rebelles repentis qui avaient martyrisé et violé en 2012 les populations du nord du Mali, des repris de Justice, des opportunistes de tout acabit, des ignorants de tous ordres ne sachant même pas les raisons de leurs rassemblements, des enfants distraits aux forceps des établissements scolaires, des parents de certaines personnes exerçant au sein des Autorités de la Transition. Nulle part, il ne ressort, dans les discours des initiateurs ou des animateurs de ces rassemblements publics, d’arguments ou des raisons politiques objectives pour soutenir une telle hostilité envers l’ex-PM Dr. Choguel Maiga. Tous parlent de deloyauté de sa part envers les autorités militaires en place qui lui ont offert cette position de chef de gouvernement. Rien plus ! Dans le jargon des bandits, Choguel passerait pour une balance. Au sein de la classe politique et de la société civile crédule, la nouvelle campagne de diatribes contre Choguel est accueillie avec joie, en réaction à la posture de Choguel lui-même et, non comme une joie d’adhésion à la politique et à la gouvernance en cours des militaires au pouvoir.

La joie des politiques et des démocrates à l’exacerbation de cette tension entre les auteurs du coup d’état est dirigée contre la posture qui fut celle prise par Choguel, le nostalgique du régime CMLN-UDPM de GMT contre la démocratie et la République, en acceptant de transformer en bras armés des putschistes pour tirer sur, et emprisonner les porteurs de voix discordantes, les patriotes opposants à leur projet, à leur pacte dit d’honneur.

Le renvoi de Choguel par ses employeurs militaires, son humiliation et celle de son M5-RFP par le Général d’armée Assimi et ses compagnons de l’ex-CNSP, ouvre une étape à deux options pour le pays, à court terme.

La première, serait que, maintenant que l’un des partenaires, en l’occurrence les militaires de l’ex-CNSP, a pu, après 3 ans de collaboration et 4 ans de pouvoir, mettre hors d’état de nuire les deux principales forces( UNTM et M5-RFP), qui le menaçaient de déstabilisation au début de son pouvoir, passe maintenant, à un vrai projet et un vrai programme de normalisation de l’ordre constitutionnel, de pacification de l’espace socio-politique par l’inclusion, le rassemblement de tous autour du Mali : l’union sacrée !

La deuxième option serait, de savoir avoir réussi à écarter et mis à mort politiquement Choguel et son M5-RFP, et poursuivre le déroulé de la même gestion « opaque » des affaires publiques et de l’utilisation clanique des moyens de l’Etat pour le renforcement, la protection et la sauvegarde de son pouvoir, par le clan et pour le clan… La balle est au milieu : toute erreur d’appréciation peut être préjudiciable pour un camp comme pour l’autre. Nous sommes dans une compétition à élimination directe dans laquelle aucun faux-pas n’est permis : soit les démocrates regroupés dans les formations politiques disparaissent, soit les partisans aux raccourcis en vue d’accéder au pouvoir par des voies non démocratiques sont asphyxiés à jamais. Alors, notre pays renoncera définitivement et de façon irréversible aux coups d’état militaires quelque soit la forme ou la nature, ou encore les auteurs.

Mais, au milieu d’une transition aussi tumultueuse, plus que jamais, une confiance totale est nécessaire entre les acteurs de la transition, qu’ils soient civils ou militaires, « moné bô denw » ou « faso den juguw ». Cette confiance a été fortement ébranlée au cours des derniers mois, au regard de l’actualité, surtout entre d’une part le premier ministre et ses partisans et d’autre part entre le premier ministre et « la junte militaire » au pouvoir. Des lacunes et des dysfonctionnements profonds sont apparus dans la gestion de la transition et qui ont mis en mal la collaboration au sommet de l’Etat. Des lacunes accompagnées de déclarations et d’actions qui contredisaient le processus de prise de décisions du gouvernement. En fin de compte, les ex-colonels sont entrés en conflit ouvert avec Choguel, leur mandarin, pour avoir eu le « courage » de dénoncer publiquement les tares de leur gouvernance. Ce qui doit logiquement interpeller chacun de nous : aujourd’hui, c’est à Choguel, « leur fabrique » à qui ils s’attaquent de façon ignominieuse, mais à qui le tour demain ? Une chose est sûre, un pouvoir « dictatorial » n’a pas d’amis, il n’a que des soumis. Enfin le Nil est arrivé au Caire ! Le Mali éternel poursuit sa marche sans se soucier des pouvoirs temporels… Allons seulement !

 

   Morydian Samaké

Militant Adema-PASJ à la retraite,

Moribabougou, route de Koulikoro

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