Socle de la démocratie et de l’Etat de droits, la justice est également le fondement de toute société, c’est elle qui définit le présent et jette les bases d’un futur prometteur et radieux. Elle est enfin le soubassement d’une société qui aspire aller de l’avant. Celle du Mali peine souvent à comprendre cet état d’esprit et se fourvoie dans des considérations obsolètes. Saisie par deux syndicats de la magistrature aux fins de constater la vacance de la Présidence de la République, la Cour Constitutionnelle du Mali est attendue pour se prononcer sur un sujet extrêmement sensible, car il concerne la première institution de la République et que cette institution se trouve être occupée par un homme possédant l’arme. Le Mali est certes dans une situation exceptionnelle après le coup d’Etat qui a renversé un Président élu, mais les institutions marchent à merveille et la justice n’a nullement été amputée d’aucune de ses prérogatives. Les neuf sages de la Cour Constitutionnelle vont-ils s’inspirer du cas du Conseil Constitutionnel du Sénégal pour dire le droit, rien que le droit même à l’encontre du prince? Les deux Syndicats de magistrats qui ont saisi la CC sont-ils habilités à le faire ?
Depuis le 18 Août 2020, le Mali a mis entre parenthèses sa démocratie et est gouverné par trois textes, une constitution datant de 1992, une charte de la transition et une nouvelle Constitution adoptée en 2023. La combinaison de tous ces trois textes prête à confusion et crée une situation juridique sans commune mesure dans le monde. C’est dans ce tohu- bohu indescriptible que vient de prendre fin officiellement la transition créant ainsi un vide juridique. C’est fort de ce constat de vide juridique que deux syndicats de magistrats, à savoir la Référence Syndicale des Magistrats, REFSYMA et L’Association Malienne des procureurs et poursuivants, AMPP, ont décidé de saisir la Cour Constitutionnelle afin qu’elle constate le vide juridique et décider par la suite la dissolution des organes de la transition. En d’autres termes, : « la Référence syndicale des magistrats et l’association malienne des procureurs et poursuivants, toutes deux légalement constituées comme relevant de la société civile et libres d’exercer leurs activités conformément à la loi, ont l’honneur de vous solliciter à l’effet de constater la vacance de la Présidence de la transition ainsi que la déchéance de tous les organes de la transition et ordonner l’ouverture et la mise en place d’une nouvelle transition avec comme mission l’organisation des élections inclusives et véritablement démocratiques en vue du retour à l’ordre constitutionnel. ». La question que beaucoup de maliens se posent est celle de savoir si ces deux entités de la société civile sont habilitées à prendre une telle initiative ? Si oui il revient en ce moment à la Cour Constitutionnelle de donner suite à leur requête. D’abord en accusant bonne réception et en l’examinant conformément à la législation en vigueur au Mali. Les plaignants disent s’être fondé sur les articles 37, 40, 144 et 188 de la Constitution, ainsi que de la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle et d’autre part sur les dispositions pertinentes de la loi organique modifiée, déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, ainsi que la procédure suivie devant elle.
La Cour Constitutionnelle sur la base de ces éléments et d’autres non cités, constitutifs du dossier des plaignants, pourrait-elle se prononcer sur leur requête ? Qu’elle comprenne qu’elle a la lourde responsabilité de rééquilibrer les pouvoirs, elle a la lourde mission de redorer le blason de la justice. Elle n’a pas le droit de fouler aux pieds les principes qui régissent le bon fonctionnement du pays que sont ceux de la loi. Qu’elle sache que l’avenir et la paix sociale dépendent dans une large mesure de la justice, mais particulièrement de la Cour Constitutionnelle. Les neuf sages ont la lourde responsabilité d’écrire une page glorieuse de l’histoire récente du Mali en disant le droit.
Mais si ces deux entités ne sont pas habilitées à prendre une telle initiative, à savoir saisir la Cour Constitutionnelle aux fins de constater la vacance de la présidence de la transition, elle pourra rejeter en avançant des arguments juridiquement convaincant. Dans tous les cas de figure son avis est attendu par les démocrates qui ne veulent pas s’accommoder d’une telle situation.
En Définitive, le Mali est véritablement à la croisée des chemins ; car ses institutions tout comme sa démocratie se portent très mal. Elles ont besoin d’une thérapie de choc, qui ne pourrait venir que d’un peuple éveillé et conscient de son rôle. En attendant la situation de mi fugue mi-raisin continue au grand dam du peuple.
Youssouf Sissoko