Après la déclaration en grandes pompes et à grands renforts médiatiques, le 31 mars 2024 annonçant la fin de la transition, la classe politique est devenue subitement silencieuse. Et pourtant pour beaucoup d’ analystes son argumentaire tenait débout surtout qu’il avait comme fondement la constitution et la charte de la transition qui mettent un terme à la durée de la transition. Les désormais frondeurs se sont appuyés sur le vide juridique que cette fin provoquait pour engager le combat, mais le constat est que les ardeurs se sont fortement émoussées. Nombreux étaient les observateurs de la scène politique à penser que cette déclaration sonnait comme le top départ d’une guerre entre le pouvoir et l’opposition. Cette dernière constituée en grande majorité par des partis politiques et des associations à caractère politique, avait pourtant le vent en poupe avant d’observer le silence radio. Le recul du mouton chez les hommes politiques annonce-t-il la fin du combat ? Est-ce par peur d’aller en prison que les acteurs politiques ont cessé de se battre ? Le silence des partis politiques s’explique-t-il par le respect de la décision interdisant toutes les activités politiques, prise par les autorités ou attendent-ils le verdict de la Cour Suprême ? Les autorités doivent-elles jubiler après avoir « neutralisé » la classe politique ? Cette situation d’accalmie ne précède-t-elle pas une tempête si les autorités ne résolvent pas les questions cruciales ?
En effet, l’opposition à la transition du Colonel Assimi Goita par cette déclaration avait sifflé la fin de la récréation et annoncée une bataille féroce pour le retour à l’ordre constitutionnel. Plus d’un mois après cette déclaration c’est silence radio du côté des opposants. Après avoir fait l’objet des critiques acerbes d’une frange importante de l’opinion, la classe politique avait commencé à sortir la tête de l’eau. Elle avait commencé à mener, via sa frange juvénile, une campagne d’explication pour démentir les allégations fallacieuses tendant à lui faire porter le chapeau de tous les maux dont souffre le Mali. Les jeunes des partis politiques se battent, dans la mesure de leur possible, pour rétablir la vérité. L’on pourrait affirmer sans risque de se tromper que la déclaration du 31 Mars est l’une des résultantes du combat que les jeunes mènent actuellement pour réhabiliter l’action politique. Cet appel du 31 mars, qui est désormais historique, est l’œuvre des jeunes pour preuve il a été lu par un jeune en présence des caciques des partis et regroupements politiques. Quelques jours seulement après cette déclaration le gouvernement a pris une décision suspendant les activités des partis politiques et des associations à caractère politique jusqu’à nouvel ordre. Cette décision qui a sonné comme une provocation, a suscité une vive réaction et provoqué l’ire de la classe politique qui a condamné la décision qu’elle a qualifiée de liberticide et d’atteintes graves aux droits des partis, pourtant consacrés par la Constitution. Après quelques jours de réactions épidermiques la tension a baissé d’un cran et c’est silence radio jusqu’à présent.
Le silence des partis politiques s’explique-t-il par le respect de la décision interdisant toutes les activités politiques, prise par les autorités ou attendent-ils le verdict de la Cour Suprême ?
Après que la Cour Constitutionnelle ait rendu son arrêt dans lequel elle dit être incompétente pour lever la suspension des activités des partis politiques et d’associations à caractère politique, c’est maintenant vers la Cour Suprême que les acteurs politiques se sont tournés pour demander l’avis de cette haute juridiction. Certainement que le silence de la classe politique s’explique par cette plainte qui est pendante devant la Cour Suprême, ou probablement elle veut rester républicaine jusqu’au bout en se conformant à la décision prise par les autorités. Dans l’un comme dans l’autre cas elle a peu de chance d’avoir gain de cause. Pour la plainte, connaissant la justice malienne, un instrument à la disposition du prince du jour pour faire taire ses opposants, les chances d’une victoire sont maigres, pour ne pas dire quasi incertaine. Quant à la magnanimité des autorités à lever l’interdiction, elle est tout aussi impossible car aucune autorité ne veut avoir en face d’elle une opposition capable de mettre du bâton dans sa roue lui empêchant de marcher aisément. Que reste-t-il à l’opposition ? C’est de se battre comme le premier ministre Ousmane Sonko et le Président du Sénégal Diomaye Diakhar Faye, qui, au prix d’énormes sacrifices se sont battus, pour atteindre leurs objectifs
Les autorités doivent-elles jubiler après avoir « neutralisé » la classe politique ?
Tout porte à croire que cette accalmie dans le landerneau politique ne présage pas d’un lendemain tranquille pour le régime transitoire. C’est pourquoi il ne doit y avoir du triomphalisme ni d’arrogance, mais plutôt nouer le fil du dialogue afin de faire rentrer dans le rang les acteurs politiques sur la base d’un compromis. L’on ne cesse jamais de proposer aux autorités de privilégier le dialogue et la concertation, deux vertus cardinales dans notre pays. Pour décrisper la situation le gouvernement doit non seulement levée la suspension juste après le dialogue inter maliens qui débutera ce lundi 6 mai 2024, ensuite prendre l’initiative de dialoguer avec toutes les forces vives de la nation y compris la classe politique afin de convenir d’un programme minimal de collaboration pour enfin fixer le cap d’un retour à l’ordre constitutionnel. Ne pas reconnaitre que la situation est délétère, voir chaotique c’est faire preuve d’autisme et de fuite en avant. Le risque d’un embrasement est plus que plausible donc il convient aux autorités de parer au plus pressé pour anticiper sur toutes les actions concourant à déstabiliser les organes de la transition voir le pays.
Youssouf Sissoko