Le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, garde des Sceaux, Mamoudou Kassogué a présidé, le lundi 9 décembre, au Centre international de conférence de Bamako, la cérémonie de lancement de la Semaine nationale de lutte contre la corruption, édition 2024.
Dans son intervention, il a rappelé que l’Assemblée générale des Nations unies a, par la résolution 58/4 en date du 31 octobre 2003, adopté la Convention Ades Nations unies contre la corruption (Cnucc).
Et d’ajouter que par la même résolution, elle a décidé de déclarer le 9 décembre, Journée internationale de la lutte contre la corruption afin de sensibiliser au problème de la corruption et faire connaître le rôle de la Convention dans la lutte contre celle-ci et sa prévention.
Selon lui, la corruption est l’une des principales sources des déséquilibres économiques et sociaux aux lourdes conséquences pour la paix, la stabilité et la cohésion sociale, facteurs essentiels pour le développement socio-économique de tout pays.
A ses dires, cette cérémonie de lancement de la semaine de lutte contre la corruption est l’expression éloquente de la volonté politique et de l’attachement des plus hautes autorités de la Transition à la lutte implacable et irréversible contre la corruption dans notre pays. Avant de préciser que la Semaine nationale de lutte contre la corruption a été instituée par le décret n°10-624/P-RM du 26 novembre 2010 avec pour objectif d’informer l’opinion publique sur les actions entreprises dans le cadre de la lutte contre la corruption et la délinquance économique et financière en République du Mali et contribuer par la sensibilisation sur le phénomène en vue de restaurer un climat de confiance entre les pouvoirs publics et les citoyens.
A l’en croire, conformément aux objectifs visés par la semaine de la lutte contre la corruption, il est heureux de constater la mobilisation enthousiaste à l’occasion de cette cérémonie de lancement laissant envisager, avec plein d’optimisme, un franc succès des activités qui seront menées, tout au long de la semaine, par différentes structures et organisations intervenant dans le domaine de la lutte contre la corruption.
La corruption affecte davantage les jeunes
Il a saisi l’occasion pour souligner que la corruption affecte davantage les jeunes, en raison de leur implication dans tous les aspects de la vie sociale, en tant qu’étudiants, militants, citoyens, travailleurs, consommateurs et électeurs. Car, selon lui, les jeunes sont, par leur nombre, la variété de leurs rôles et les transactions qu’ils concluent, exposés, plus que d’autres groupes, au risque d’avoir à payer des pots-de-vin.
“A l’occasion de leurs relations avec l’administration et les entreprises, ils se trouvent souvent en première ligne sur le front de la corruption. Il arrive qu’ils soient obligés de payer pour aller en classe, passer un examen ou obtenir un emploi”, a-t-il ajouté.
Dans bien des cas, a-t-il poursuivi, payer indument et regretter durant toute sa vie avec des conséquences inimaginables peut devenir une étape obligée pour décrocher un premier emploi ou le seul moyen de remporter les rares postes proposés face à une concurrence de plus en plus forte.
Pour le garde des Sceaux, il faut toujours avoir à l’esprit que seul le travail honnête et sérieux paye avec la gratification et la reconnaissance de ses concitoyens. Ainsi, martèlera-t-il, en tant que groupe, les jeunes forment une part importante des communautés et des sociétés au sein desquels ils vivent. Selon les chiffres les plus récents, dira-t-il, les jeunes de 15 à 24 ans représentent un cinquième de la population mondiale, et vivent, dans leur majorité, dans la précarité et si l’on ajoute ceux de moins de 15 ans, ils représentent 60 % de la population du Mali.
Toutes choses qui font que les jeunes constituent le poids numérique nécessaire pour susciter des changements sociaux et constituent une force sans égale, capable de faire basculer l’équilibre des forces dans le combat mondial contre la corruption. Et de poursuivre qu’il sera donc difficile de réaliser de nouveaux progrès sans faire jouer aux jeunes un rôle de premier plan.
“C’est tout l’intérêt du thème de cette année. Engager les jeunes à dire non à la corruption, aujourd’hui et dans l’avenir, est une étape essentielle pour progresser, de manière effective, dans la lutte contre les abus de toute sorte pots-de vin, fraude, collusion et clientélisme.
Si l’engagement des jeunes n’est pas suffisant à lui tout seul, c’est toutefois un élément complémentaire indispensable du combat contre la corruption”, a-t-il fait savoir.
Plusieurs mesures adoptées
Pour le ministre Kassogué, élever et éduquer une nouvelle génération dans le respect de l’intégrité, de la démocratie et de la transparence est l’un des moyens les plus efficaces de s’assurer d’un futur où la corruption ne sera pas dans l’ordre naturel des choses. Car, l’éducation formelle et informelle peut contribuer à atteindre cet objectif, d’une façon importante, et doit être utilisée pour modifier les perceptions et les pratiques en matière de corruption, renforcer l’intérêt des jeunes et les pousser à prendre une plus grande part dans le combat contre la corruption.
Notons que dans le cadre de la lutte contre la corruption, le Mali a adopté plusieurs mesures à la fois normative, structurelle et organisationnelle, dont l’impact positif est de plus en plus perceptible notamment la Stratégie nationale de lutte contre la corruption (SNLCC) et son Plan d’actions (2023-2027), approuvée par le décret n°2023-0546/PT-RM du 21 septembre 2023, un document qui constitue désormais la référence pour toutes les mesures et les actions à entreprendre dans le cadre de la lutte contre la corruption dans notre pays.
Au plan institutionnel, il a précisé qu’en seulement trois ans, notre pays a créé et rendu opérationnelles plusieurs structures aussi importantes que stratégiques pour faire face, efficacement, au phénomène de la corruption et la délinquance économique et financière, à savoir : le Pôle national économique et financier avec une compétence nationale, composé de magistrats spécialisés, d’enquêteurs de la police et de la gendarmerie et d’assistants spécialisés en investigations financières ; l’Agence de recouvrement et de gestion des avoirs saisis ou confisqués (Argasc), chargée de gérer les biens dont la saisie ou la confiscation est ordonnée par les autorités judiciaires ; le Pôle national de lutte contre la cybercriminalité, composé de magistrats spécialisés, d’enquêteurs de la police et de la gendarmerie et d’assistants spécialisés en investigation d’infraction de cybercriminalité cette juridiction est une première dans notre sous-région, voire au niveau continental ; la direction nationale des droits de l’Homme alliant la lutte contre la corruption et les exigences de respect des droits de l’homme.
Coexistence entre les structures impliquées dans la lutte contre la corruption
Il ajoutera que ces organes coexistent avec d’autres structures impliquées dans la lutte contre la corruption comme l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite, le Bureau du Vérificateur général, la Cellule de traitement des informations financières, l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public, la Section des comptes de la Cour suprême qui vient d’être érigée en Cour des comptes avec l’adoption de la Constitution du 22 juillet 2023.
Pour finir, il a salué l’adoption, le 31 octobre 2024, par le Conseil national de transition du nouveau Code Pénal et du nouveau Code de Procédure Pénale qui sont porteurs d’un immense espoir pour la transformation positive de la justice pénale de notre pays. Aussi, l’adoption de ces textes va contribuer à améliorer, considérablement, l’arsenal juridique de lutte contre la corruption et l’impunité en ce qu’ils prévoient d’importantes innovations, notamment : l’imprescriptibilité des infractions en matière de délinquance économique et financière en lien avec les biens publics, lorsqu’elles sont de nature criminelle ; l’introduction de techniques d’enquête spéciales ; la protection des dénonciateurs, des témoins, des experts et des victimes ; la suppression des privilèges et immunités des parlementaires qui constituaient un terreau favorable pour l’impunité de certains agents publics et élus ; la suppression des cours d’assises au profit des chambres criminelles instituées au niveau des tribunaux de grande instance afin d’aboutir à la célérité dans le traitement des dossiers ; l’institution des chambres criminelles au niveau des tribunaux de grande instance pour plus de célérité dans le traitement des dossiers ; la prise en charge de plusieurs nouvelles incriminations et l’intégration de différents textes pénaux dans différentes matières de la vie économique, politique et sociale.
Boubacar Païtao