Rapport 2023 de l’Oclei : Les irrégularités financières se chiffrent à plus de 230 milliards de Fcfa

1

Le document, remis vendredi dernier au Président de la Transition, a été élaboré sur la base de 27 enquêtes. Six dossiers ont été transmis à la justice, avec des preuves solides

La cérémonie solennelle de remise du rapport 2023 de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (Oclei) au Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta, s’est tenue vendredi à Koulouba en présence du Premier ministre, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le Général de division Abdoulaye Maïga, du président du Conseil national de Transition (CNT), le Général de corps d’armée Malick Diaw et des membres du gouvernement.

Avec 27 enquêtes menées courant l’année 2023, l’Office a transmis six dossiers à la justice, basés sur des preuves solides, tandis que six autres ont été écartés faute de preuves suffisantes. Cependant, les 15 enquêtes restantes sont toujours en cours et devraient aboutir avant la fin de l’année.

En s’appuyant sur les audits de 2022 réalisés par des structures de contrôle sectorielles, l’Oclei a enrichi ses investigations. En 2023, l’organisme a exploité 18 rapports, incluant diverses missions de contrôle et de suivi, renforçant ainsi ses capacités à détecter et à prévenir les irrégularités.

Selon son président, les irrégularités financières s’élèvent à plus de 230 milliards de Fcfa, soulèvent des préoccupations majeures quant à la gestion financière et à la transparence dans les structures concernées. L’Oclei a constaté que seulement 58,81% des 940 irrégularités et 36 dysfonctionnements identifiés ont été corrigés par les structures de contrôle. « Ce taux de mise en œuvre indique un besoin d’améliorer les systèmes de contrôle pour garantir une gestion plus rigoureuse dans l’avenir », a insisté Moumouni Guindo.

CAS ALARMANTS- L’Oclei étale également des cas alarmants d’enrichissement illicite impliquant six agents dont le train de vie dépasse largement leurs revenus légitimes. Selon son président, les enquêtes ont révélé que ces agents ont géré, via leurs comptes bancaires, un total de 1.877.080 560 Fcfa. Cependant, leurs revenus déclarés pour la même période s’élèvent à seulement 335.375.781 Fcfa, créant ainsi un écart inexpliqué de 1.541.704.779 Fcfa. Moumouni Guindo soutient que ce décalage significatif entre les ressources perçues et les fonds dépensés a conduit à la transmission des dossiers à la justice pour un examen plus approfondi et, probablement, des poursuites judiciaires.

En 2023, bien que 95,84% des déclarations reçues ont été traitées par l’Office, le président note néanmoins une baisse continue du nombre de dépôts depuis 2018. «Cette diminution est préoccupante, d’autant plus que l’Oclei ne dispose pas de pouvoirs nécessaires pour effectuer les relances qui pourraient encourager davantage de déclarations», déplore Moumouni Guindo. Avant de souligner que ce manque de pouvoir limite la capacité de l’Office à renforcer la transparence au sein des institutions.

«En intégrant des mesures contraignantes, l’Oclei cherche à accroître la conformité et à dissuader les retards ou les omissions volontaires», dit-il. Pour le président, ces mesures pourraient inclure des rappels réguliers, des pénalités en cas de non-respect ou un suivi rigoureux des déclarations. Surtout que l’objectif est de garantir une meilleure reddition de comptes et de lutter efficacement contre la corruption et l’enrichissement illicite. Pour le président Guindo, l’ampleur des efforts déployés pour lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite demeure considérable. Il dira que le nombre de dossiers traités entre 2019 et 2023 s’élève à 29 impliquant un montant total évalué à 25,5 milliards de FCFA.

136 MAISONS ET 368 TERRAINS- L’enquête menée par l’Oclei a permis, selon Moumouni Guindo, de découvrir et d’identifier 136 maisons et 368 terrains non bâtis, mettant en exergue des actifs considérables acquis de manière illégale. Le rapport révèle qu’entre 2019 et 2023, une série de 40 dossiers d’enquête ont été finalisés, impliquant divers professionnels et fonctionnaires de l’État. Parmi eux, cinq inspecteurs des Finances.

Les douanes et les impôts ont également été scrutés, avec quatre inspecteurs des douanes et deux inspecteurs des impôts concernés. Le spectre des enquêtes s’étend aussi à d’autres secteurs, y compris un inspecteur du Trésor, un contrôleur des Finances et même des figures politiques et judiciaires comme quatre ministres et anciens ministres, ainsi que trois magistrats. De plus, les enquêtes ont touché des membres du corps préfectoral, des cadres des collectivités territoriales, des diplomates et d’autres acteurs clés comme deux maires et un membre du Parlement.

Malgré ces performances, l’Oclei fait face à plusieurs défis depuis sa création nuisant à son efficacité. Afin de surmonter ces obstacles, le président Guindo suggère une révision des textes législatifs et réglementaires qui régissent son fonctionnement. Cette relecture permettra de renforcer les pouvoirs de l’Office, de clarifier ses missions et de lever les ambiguïtés qui pourraient entraîner son action dans la lutte contre la corruption.

APPROCHE PROACTIVE – Le Président de la Transition a, au cours de la cérémonie, réitéré son engagement résolu à combattre l’enrichissement illicite ainsi que toutes les formes de délinquance économique et financière dans le pays. Le Général d’armée Assimi Goïta a souligné que cette détermination est au cœur du programme d’action du gouvernement, qui repose sur la lutte contre la corruption et l’impunité. Cette approche, selon lui, vise non seulement à attaquer l’environnement économique, mais aussi à renforcer la confiance des citoyens et des investisseurs dans les institutions publiques. En attaquant ces fléaux, le gouvernement espère promouvoir une gouvernance transparente et équitable, essentielle pour le développement durable et la justice sociale.

En insistant sur la prévention, le contrôle et la lutte contre l’enrichissement illicite, le Président Goïta a mis l’accent sur la nécessité d’une approche proactive. Selon lui, les actions de sensibilisation jouent un rôle central dans cette stratégie, car elles visent à éduquer et à informer le public sur les dangers et les conséquences de l’acquisition de biens de manière illicite. «J’insiste particulièrement sur la nécessité d’intensifier les actions de sensibilisation afin de prévenir l’acquisition des biens illicites», dit le Chef de l’État. En mettant l’accent sur ces initiatives, le Président de la Transition vise à instaurer une culture d’intégrité et de transparence, essentielle pour un développement durable et équitable. Il soutiendra que la résolution des défis liés à la bonne gouvernance nécessite impérativement une modernisation de l’administration.

Pour le Chef de l’État, la numérisation des services publics permet de simplifier les prestations de l’État au bénéfice des citoyens tout en améliorant leur efficacité. Il a également insisté sur le fait que l’adoption des nouveaux Codes pénaux et de procédure pénale renforce de manière significative les dispositifs de lutte contre la corruption. Par ailleurs, le Président Goïta a exprimé son attention particulière aux préoccupations soulevées par l’Oclei, en ce qui concerne notamment la diminution significative des déclarations de patrimoine. Cette tendance à la baisse pourrait soulever des inquiétudes quant à la transparence et à la lutte contre la corruption, a indiqué le Général Goïta, qui a également exprimé son intérêt pour la demande de construction d’un siège pour l’Office. La construction d’un siège dédié pourrait offrir à l’Oclei, les ressources et l’infrastructure nécessaires pour mener sa mission de manière plus efficace.

Amara Ben Yaya TRAORE

Commentaires via Facebook :

1 commentaire

REPONDRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

Leave the field below empty!