Enseignant-chercheur à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako (USJPB), Dr Boubacar Bocoum porte l’attention sur les innovations apportées au Code pénal, sans passer sous silence l’absence de certaines règles. Le professeur de droit pénal évoque également des défis dans le secteur de la justice
L’enseignant rappelle que l’histoire récente du Mali a été marquée par la guerre contre le terrorisme et la corruption galopante. Pour lui, la plupart des observateurs attribuent les causes sous-jacentes du conflit au Mali à des dizaines d’années de mauvaise gouvernance ayant engendré la répartition inéquitable des ressources, la corruption et les atteintes aux droits de l’Homme.
Toutes choses, estime le Dr Boubacar Bocoum, ayant provoqué le mécontentement de la population, la violence et l’instabilité. Il affirme qu’il ne fait aucun mystère que la corruption engendre un cercle vicieux d’injustice et d’inégalités, affectant le développement économique et social. « Elle fausse le jeu des marchés et nuit à la qualité de la vie.
Elle joue un rôle de catalyseur de la criminalité organisée et d’ingérences étrangères hostiles», souligne-t-il. Selon lui, ce mal endémique porte gravement atteinte à nos institutions dont nous dépendons et affaiblit leur crédibilité, ainsi que leur capacité à mettre en œuvre des politiques publiques et à fournir des services de qualité. Ce phénomène est une constatation flagrante dans le nombre de secteurs d’activité au Mali et un mal insidieux dont les effets sont aussi multiples que délétères, déplore le spécialiste du droit pénal.
Se prononçant sur la progression de l’offre de corruption, le chercheur précise que des exemples éloquents de corruption ont outré l’opinion publique et sérieusement ébranlé la confiance dans l’intégrité des institutions publiques et privées. Mais aussi dans la vie politique et les processus démocratiques.
S’agissant des postures normatives face à cette gangrène, notre expert juge que la corruption est un cancer. Si on la laisse se développer, argumente le Dr Bocoum, elle étouffera notre société démocratique et détruira ses institutions. D’après lui, en homme averti, nous devons améliorer la prévention. Il ajoute que c’est dans cette optique que le législateur a constitué un outil majeur, le Code pénal dont les dispositions réprimant la corruption révèlent une réelle volonté de lutter contre ce fléau.
NOUVEAU DISPOSITIF PÉNAL- Boubacar Bocoum soutient que le nouveau dispositif pénal a intégré les améliorations dans ce sens. Et pour preuve, insiste l’analyste, la loi n° 027 du 13 décembre 2024 a tout d’abord étendu le champ d’application «rationae personae» de l’infraction de corruption aux agents publics étrangers.
Puis, la récente loi a créé trois autres infractions : le délit d’apparence, le délit d’acceptation ou d’offre de cadeaux industriels et la simulation illicite, illustre le professeur de droit pénal. Et de poursuivre par l’extension de la responsabilité juridique aux personnes morales. Outre l’extension du champ d’application «rationae personae» de l’infraction de corruption, indique notre interlocuteur, aux agents publics et de justice, étrangers ou internationaux, le législateur a également consacré la responsabilité des personnes morales.
Il en est de même pour la protection des dénonciateurs, témoins et experts. Ce faisant, des mesures appropriées sont prises pour assurer une protection des dénonciateurs, témoins et experts contre des actes éventuels de représailles ou d’intimidation. Dans le cadre du renforcement de la saisie et de la confiscation pénale, le nouveau Code pénal, a profondément réformé le régime général de confiscation, notamment en créant des dispositifs de confiscation plus étendus, explique Boubacar Bocoum.
Ce dernier déclare que le législateur a introduit la possibilité d’ordonner des mesures conservatoires sur les biens d’une personne inculpée, notamment afin de garantir l’exécution de la confiscation. Dr Bocoum révèle que ce nouveau texte a également créé l’Agence de recouvrement et de gestion des avoirs saisis et confisqués (ARGASC) dont l’une des principales missions est d’assurer la gestion des biens saisis et confisqués nécessitant des actes d’administration. .
AUTRES AVANCÉES – L’instauration d’un système visant à renforcer la lutte contre les conflits d’intérêts. De l’avis de l’enseignant du supérieur, la lutte contre les conflits d’intérêts est devenue une nécessité devant la confusion de plus en plus fréquente des intérêts publics et privés. Le législateur décide, apprécie notre consultant, de renforcer les mesures destinées à lutter contre les conflits d’intérêts et à restaurer le lien de confiance. La suppression également du principe d’opportunité des poursuites ne dispose pas du parquet en matière de corruption.
Désormais, en matière de corruption, fait remarquer l’universitaire, le procureur de la République financière qui reçoit des rapports à connotation pénale d’un organisme spécifiquement désigné par la loi est tenu d’informer les responsables de ces structures des suites données à ces les transmissions qui ne peuvent être classées sans suite pour raison d’opportunité conformément aux dispositions de l’article 56 nouveau du Code de procédure pénale.
La réforme de la prescription en matière de corruption, explicite l’expert, allonge le délai de prescription de l’action civile (jusqu’à 20 ans) en même temps qu’elle consacre la jurisprudence prévoyante, pour les délits occultes et dissimulés, le rapport du point de départ du délai de prescription de l’action publique au jour de leur découverte.
Dans cette, l’on retient aussi le renforcement de la participation de la société civile à la lutte contre la corruption, se réjouit l’enseignant, rapportant que la loi confère le droit pour toute association reconnue d’utilité publique et régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans qui se proposent, par ses statuts, de lutter contre la corruption, de se constituer partie civile à l’audience. En outre, approuve Boubacar Bocoum, l’adoption de mesures permettant d’identifier les sociétés fictives ou sociétés écrans.
À ce niveau, défendez le Dr Bocoum, une disposition de la nouvelle loi qui mérite ici de retenir l’attention, est celle qui instaure des mesures permettant d’éviter le recours à des sociétés écrans aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
En somme, le bilan sur les lois adoptées récemment est «globalement positif, mais si la lutte contre la corruption semble enfin devenue une priorité politique, beaucoup reste à faire», commente le professeur de droit pénal. Il a évoqué les nombreux éléments qui n’ont pas encore été pris en compte dans les dernières réformes législatives. Parmi lesquels, l’absence de véritables mécanismes permettant de responsabiliser les sociétés en obligeant celles-ci à se doter de mécanismes internes de lutte contre la corruption, l’absence de réforme du système judiciaire visant une parfaite indépendance du parquet.
À ce propos, notre expert fait connaître la nécessité d’une justice pénale suffisamment forte et indépendante pour garantir l’égalité de tous devant la loi, gage d’un État de droit. Sur ce point, «le visage du parquet malien est donc paradoxal avec des actions traduisant une capacité de modernisation tout en conservant un statut hiérarchisé en lien avec le politique», souligne le Dr Bocoum.
S’y ajoutent des attentes croissantes de la part du grand public, une justice rapide et efficace ainsi que des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux. «De toute évidence, le Pôle national économique et financier, malgré ses succès, doit donc sans cesser s’adapter pour conserver son efficacité face à des adversaires toujours plus innovants», conclut le spécialiste du droit pénal.
Namory KOUYATE
Les magistrats mouillent vraiment le maillot en se donnant de la peine à donner un contenu national aux différents codes régissant l’exercice de la profession et cela sans complexe. Ce qui dénote de la qualité de la ressource humaine, corroborée par la qualité de la version finale de la constitution qui serait devenue contagieuse, poussant beaucoup de pays africains à s’affranchir d’une certaine assimilation, par la rédaction sans interférence de leur loi fondamentale. Sachons que la qualité paye toujours. Bravo et merci pour votre sens de la responsabilité, garant de la stabilité du pays….
En dehors des lois, la verite est que les Maliens se disent a 90% de Musulmans et la corruption et le vol du denier public est a 90% alors qu’Allah SWT interdit le vol et hait les voleurs. Revenant a nos valeurs traditionnelles encore nous condamnons le vol et la corruption! Alors c’est quel Malien que nous avons? celui qui ne respect pas Allah SWT, et pas Dieu des Chrétiens, et pas nos valeurs traditionnelles?