Le président du Réseau des associations maliennes de lutte contre la corruption et la délinquance financière (Ramlcdf), Moussa Ousmane Touré a animé, la semaine derrière une conférence de presse pour dénoncer des faits susceptibles de constituer des infractions d’atteinte aux biens publics ayant occasionné des pertes pour le Trésor public à l’occasion des marchés de cartes Amo, de cartes biométriques.
Selon le conférencier, cette volonté de dénonciation rentre plus globalement dans le cadre de l’obligation faite à tout citoyen de dénoncer aux autorités compétentes de tout fait délictuel dont ils ont connaissance. Avant d’ajouter que son organisation a été davantage ravivée par le dernier discours du président de la Transition, en fin d’année, dans lequel celui-ci encourageait les citoyens à la dénonciation des cas de corruption dont ils auraient connaissance, tout en en promettant un traitement diligent, sans complaisance. A l’en croire, l’affaire débute le 29 avril 2016, par l’adoption en conseil des ministres du décret n°0253/P-RM portant institution et règlement de la carte d’identité nationale sécurisée Cédéao couplée aux cartes de l’Assurance maladie obligatoire (Amo). “Cette carte si importante devrait servir à la fois de carte d’identité sécurisée, de carte médicale, de carte d’électeur et même de carte bancaire parce qu’ayant une sécurisation garantie par des éléments de sécurité, notamment de biométrie”, a-t-il ajouté. Dans un premier, précisera-t-il, les deux parties s’étaient mises définitivement d’accord depuis le 27 janvier 2017 sur un prix unitaire de 9000 F CFA avant que les mêmes représentants de l’Etat ne remettent en cause les montants convenus par PV, pour l’attribution définitive du marché à la société Cissé Technologies pour exiger un coût unitaire de 6000 F CFA. En dépit de l’accord définitif sus-indiqué, indiquera-t-il, la société Cissé Technologies a accepté ce nouveau prix imposé, par courrier, en date du 29 août 2017, pour lever le dernier blocage à la “deuxième finalisation définitive” du marché de production des cartes biométriques sécurisées couplés aux cartes Amo, en acceptant le énième prix imposé par l’Etat lui-même qui était de 6000 F CFA l’unité. Et de poursuivre que la société Cissé Technologie avait même été retenue par une commission technique au cours de laquelle le représentant de la Commission de la Cédéao confirmé la conformité des spécimens proposés par ladite société aux exigences de l’organisation sous-régionale en vue d’assurer la sécurité de niveau 1 et 2. Ainsi, dira-t-il, en application du décret n°2016-0253/P-RM du 29 avril 2016 portant institution et réglementation de la carte d’identité nationale sécurisée Cédéao couplée à la carte Amo et services associés, le marché a été attribué en toute conformité avec les textes nationaux et ceux de la Cédéao.
Aux dires du conférencier, en dépit de l’acceptation formelle des prix proposés par le gouvernement lui-même, celui-ci a trouvé le moyen d’annuler ledit marché dont l’attribution formelle avait été déjà notifiée à Cissé Technologies, pour des raisons qu’il ignore. Avant de préciser qu’au cours de cette procédure, le Comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public avait rendu la décision n°043/ARMDS-CRD du 23 août 2016 qui déclare la demande de la DGMP-DSP mal fondée et ordonne la continuation de la procédure de passation de l’appel d’offres.
Cependant, déplorera-t-il, avant même la fin des négociations, la Canam a, parallèlement, lancé un appel d’offres, pour la confection de nouvelles cartes Amo, approuvé par le directeur général des marchés publics, Ben Haidara, pourtant président de la commission de négociation de prix, pendant que ces négociations continuaient, certainement une astuce pour découpler et casser le marché, au mépris du décret qui prônait le couplage de la carte d’identité biométrique et de la carte de l’assurance maladie. Or, le couplage permettait au Mali de payer le prix d’une seule carte, en mutualisant plusieurs éléments (cartes, matériel d’enrôlement, lecteurs…). Pour le conférencier, l’attributaire floué avait affirmé que toutes les cartes finalement produites, prises une à une, en dépit de leur coût élevé, ne sont pas à la hauteur de celles qu’il proposait et qui permettaient, en même temps d’économiser sur le coût de fabrication (cartes Amo, cartes d’identité biométriques sécurisées) et de proposer des services associés, comme le transfert d’argent. Suivant ses affirmations, celles-ci ne répondent pas non plus aux normes et spécificités exigées par la Cédéao. Pourtant, a-t-il poursuivi, tout laisse à croire que les responsables de la Canam de l’époque ont procédé à un fractionnement pour pouvoir produire lesdites cartes, à travers les marchés suivants, en lien avec le marché annulé à des sociétés qui venaient juste d’être créées, apparemment pour les besoins de la cause. Pour M. Touré, plus d’une dizaine de marchés, frôlant la dizaine de milliards ont été attribués, pour les besoins de la cause comme le corroborent les numéros d’immatriculation au Registre du commerce et du crédit mobilier des deux nouvelles sociétés, fraichement créées la même année, soit en 2017 notamment les sociétés : Solution Informatique SARL, immatriculé sous le numéro RCCM MA.BKO.2017 B.312700, représentée par Boubacar Diakité et Centre malien pour le commerce (Cemac) SARL immatriculée au RCCM sous le numéro MA.BKO. 2017. B.3127, représentée par Cheick O. O. Koné. Il ajoutera que les décideurs de la Canam d’alors avaient certainement des raisons particulières d’attribuer ces marchés à Cemac SARL et Solution Informatique, deux sociétés créées de toutes pièces pour les besoins de la cause, certainement. Ce faisant, la Canam aurait fait dépenser plus de 10 milliards FCFA au contribuable malien alors même que leur fournisseur avait promis de leur livrer gratuitement les cartes. Et au conférencier de poursuivre qu’il devient donc clair que sur les plans sécuritaire et même budgétaire, la confection de carte Amo en couplage avec la carte d’identité sécurisée était plus que bénéfique et répondait techniquement aux besoins de sécurité avec l’actualité du terrorisme et la volonté de sécuriser et assainir l’accès aux pièces d’état civil maliens. Par ailleurs, dira-t-il, le motif ayant servi à l’annulation du marché attribué à la société Cissé Technologies en 2018 est manifestement erroné à partir du moment où le prix accepté de 6000 F CFA a été fixé par le Gouvernement lui-même. A travers ces agissements incohérents, selon lui, son organisation soupçonne des faits déguisés de corruption, de délit d’initié et même de blanchiment, favorisés par un fractionnement grossier permettant d’attribuer des marchés à des sociétés nouvellement créées pour capter ces “opportunités” et qui a abouti à mettre en sécurité la base de données des maliens occasionnant une impossibilité d’accès à ces données.
Boubacar Païtao