Oui grand-père, et ces mémoires qui partent. Ces mémoires, de mars 91, des luttes clandestines de la démocratie. Ces mémoires de luttes héroïques pour la démocratie et l’Etat de droit. Ces mémoires de grands sacrifices. Ces mémoires de don soi et de martyrs. S’asseoir et voir ces mémoires qui partent à jamais pour se perdre dans l’oubli.
Oui grand-père, je parle de ces mémoires de la lutte pour la démocratie. Ces mémoires d’avant-mars et l’après-mars. Ces partis politiques qui se font dissoudre. Ces droits à la liberté d’expression chèrement acquis au prix du sang des martyrs. Ces droits d’association, de syndicat et de politique pour lesquels les martyres gisent encore à Niaréla.
Oui grand-père, je parle de l’AEEM. Le cheval des combattants de la démocratie. Leur roulette. Le bouclier qui est tombé pour que la démocratie soit débout. Oui l’AEEM de Cabral, de Tiéblen Dramé et d’Oumar Mariko. L’AEEM, le grand martyr des tirs de Moussa Traoré. L’AEEM, la sentinelle. La gardienne du temple de la démocratie.
Après l’AEEM, c’est qui ? C’est quel parti politique. Le Sadi ou l’Adema-PASJ ? Ou c’est le Parena peut-être, le Cnid possible ? Quelle autre mémoire de la révolution démocratique tombera dans l’eau ? Quel syndicat ? L’UNTM ? Ou bien la Synergie ? Quel groupe de revendication ira encore à l’oubliette ? A qui le tour ?
Tous les paroliers, tous les leaders qui auraient défendu quelconque droit ont été réduits au silence. Soit en asile ou en prison. Et il ne reste que ceux qui ont décidé de se taire ou de parler avec finesse et délicatesse. Tous ceux qui auraient porté haut les murmures de la vie chère et de la panne nationale électrique, sont à Kénioroba, Bamako-coura, Bollé ou Koulikoro.
L’objectif serait-il notre crainte ? Une politique de nettoyage de toutes les mémoires de la démocratie. Les mouvements à la base et les acquis. Effacer le passé et comme un Alzheimer, faire oublier les raisons de la lutte démocratique, la dictature et de l’Etat de droit contre l’abus. Effacer les mouvements de cause et de consolidation.
Faire oublier le vote et l’élection. Faire oublier le boulevard des revendications. Faire oublier les marches de changement. Faire oublier les meetings et les conférences d’opinion. Faire oublier le passé et l’avenir. Faire oublier la démocratie et ses garde-fous. Faire oublier les partis politiques, les associations, les syndicats. Faire oublier de dire ‘’Non An tè i ko’’! A mardi prochain pour ma 241ème lettre. Inch’Allah !
Lettre de Koureichy
Tout n’est pas perdu, les griots sont encore autorisés et se sont même multipliés au Mali