Goonga Tan : Effondrement d’une mine : À qui la faute ?

0

Le désordre dans les mines illégales a tué au Mali une cinquantaine de bras valides. L’annonce a été faite par l’AMAP, recoupant plusieurs autres sources. ” Cinquante (50) personnes, dont 98?% de femmes, ont trouvé la mort dans l’effondrement d’une mine artisanale, survenu samedi, 15 février, vers 6 heures du matin, à Bilalikoto, dans le cercle de Kéniéba, région de Kayes (ouest du Mali) “, selon un bilan provisoire, recueilli par l’Agence malienne de Presse.

Le drame aurait été causé par la chute sur une mine illégale d’une machine Caterpillar (appartenant à des orpailleurs chinois, selon certaines sources locales). D’après les dernières informations recueillies auprès d’un habitant de Talato, la mine artisanale appartient elle-même à des Chinois.

Énième effondrement de mines

Plusieurs mines aurifères au Mali et en Afrique de l’Ouest sont exploitées illégalement et sont coutumières d’effondrements, de pollution des rivières et même des fleuves. La production aurifère rapporte certes, mais ses coûts humains et environnementaux restent mal maîtrisés. Pourtant, les associations écologistes et certains leaders communautaires ont tiré la sonnette d’alarme, en vain. Et ce, depuis belle lurette. L’on se rappelle le raffut d’un courageux chef de village, Nyagasso Sissoko de Bourdala près de Kéniéba. Qui, après s’être opposé sans succès dans son village aux actions néfastes des pelleteuses chinoises, s’est transporté à Bamako pour intervenir à l’Espace d’interpellation démocratique – EID – le 10 décembre 2021, en vain. Aucune oreille attentive n’a fait écho aux alertes relatives aux dangers d’introduction des pelleteuses au cœur de sa cité et sur les méfaits du cyanure et des polluants sur les eaux et l’environnement. Tous ses appels, appuyés par des images et des vidéos à faire dresser les cheveux sur la tête, ont semblé tomber dans les oreilles de sourds.

Alors, la faute à qui ?

Aujourd’hui, notre pays a payé le prix fort, celui des pertes en vie humaine et plusieurs de ses cours d’eau sont devenus insalubres pour les hommes et le bétail. La faute à une gestion calamiteuse qui cache mal les senteurs nauséeuses de la corruption qui gangrène le secteur. Ce dernier décompte macabre qui n’est qu’un bilan provisoire est loin de la réalité. Les images des vidéastes qui inondent les réseaux sociaux mettent en lumière l’insouciance des autorités locales, de celles de la tutelle et la désinvolture des acteurs. Un ingrédient explosif qui ne tardera pas à révéler d’autres désastres si l’on ne revient pas aux décisions vigoureuses prises dès les premières heures de l’indépendance. Et celles rigoureuses prônées par le pouvoir kaki qui lui a succédé. Jadis, le secteur était, en effet, réglementé, avec en point d’orgue l’interdiction de l’orpaillage traditionnel pendant la saison des pluies et de l’ouverture anarchique des mines. De nos jours, la chienlit de toute l’Afrique a fait des mines maliennes son gîte favori. La faute à une corruption endémique, dis-je, de l’administration chargée de la réglementation du secteur, si l’on en croit ses pourfendeurs, mais aussi des officiers municipaux et sécuritaires des zones minières. Avec comme conséquence l’ouverture des maisons closes, les méfaits du grand banditisme comme celui des coupeurs de route qui s’assimilent à s’y méprendre aux actions terroristes, calquant à dessein leurs méthodes sur celles des fous de Dieu.

C’est dire qu’il est temps de réagir et de prendre le taureau par les cornes. En fermant certaines mines mortifères et en poursuivant les mineurs illégaux responsables de nombreux crimes sur les plus jeunes parmi les bras valides de notre nation.

Le médecin après la mort

Les premières réactions de haut niveau interviennent alors que le mal est fait. Si elles ont été rapides, elles restent timorées et auraient pu être précédées par un deuil national, ou des drapeaux en berne pour illustrer l’ampleur du désastre.

Toutefois, les autorités de la transition rassurent : “Le président Assimi Goïta a instruit le gouvernement de ne pas traiter cet énième incident de trop comme un fait divers”, a déclaré le Premier ministre général Abdoulaye Maïga (GAM) dans une tirade relayée par la presse. Il s’agit de la première réaction d’envergure au Mali de ces dernières années, à ma connaissance. Mais, qui fait oublier difficilement les jérémiades habituelles des officiels face au désastre prévisible dans les mines traditionnelles d’or ou “placers” et dont la liste se rallonge d’année en année.

À ce propos, la déclamation, logée vraiment à la langue de bois, du ministre des Mines, ne rassure pas : “Il nous faut éviter les sites non sécurisés.” Dit-il. “Nous devons tous réfléchir et agir en nous imposant certaines règles de conduite qui nous mettront à l’abri de tels dommages”, ajoute le ministre Kéïta, dans des propos déjà usités, un signe d’impuissance.

Répercussions résiduelles

Les conséquences de ce mirage de l’or qui enrichirait le pauvre ont entraîné la disparition progressive de la main-d’œuvre dans les champs, mais aussi celle domestique et urbaine. En raison des départs massifs des jeunes des deux sexes vers ces eldorados des temps modernes. Grevant ainsi les maigres ressources des terres déjà appauvries et laissant dans le désarroi les citadins, notamment les salariés qui s’appuient sur cette main-d’œuvre de substitution devenue rare et coûteuse.

S’y ajoutent la dépravation des mœurs au contact d’autres cultures aux antipodes des nôtres ; la propagation des maladies de masse (sida, covid-19, Ebola, etc.) dans des localités enclavées et mal dotées en structures sanitaires.

Pire, ces zones sont devenues mortifères et accidentogènes, entraînant le pays vers le bas, si une riposte vigoureuse et urgente n’est pas mise en chantier.

Seidina Oumar Dicko

Commentaires via Facebook :

REPONDRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

Leave the field below empty!