Le retour annoncé avant l’heure, heureusement avorté, de l’imam Mahmoud Dicko à Bamako, n’a pas donné lieu au pugilat que l’on redoutait. La raison a prévalu sur les velléités d’en découdre. Ce retour prévu le vendredi 14 février 2025, en provenance d’Algérie et reporté, n’a cependant pas manqué de générer une mobilisation générale des forces de sécurité du district de Bamako. Et de mettre la capitale en émoi.
Face aux affrontements prévisibles entre les soutiens de Mahmoud Dicko et ceux de la transition, apprend-on, le directeur régional de la Police nationale du district de Bamako a donné des instructions pour prévenir tout débordement. Il s’est sûrement inspiré de Wilson Churchill pour qui : “l’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combattre”.
Selon cet ordre de service du directeur régional de la Police nationale du district de Bamako, des activités subversives seraient imputables à l’imam Mahmoud Dicko. Au nombre de celles-ci, une série de rencontres auxquelles il a pris part durant son séjour d’un an environ à l’étranger. Aussi, cette arrivée serait “très mal perçue par la population [une partie] qui y voit une tentative de déstabilisation des autorités de la transition”. Le directeur régional de la Police de Bamako dixit…
Controverses et supputations
Rappelons que ce sont les proches de l’imam Mahmoud Dicko qui ont allumé le premier feu en annonçant l’imminence d’un retour controversé du guide religieux, précisant même la date symbolique du vendredi 14 février. Or, cette date, à fort potentiel de mobilisation, des fidèles musulmans, préfigure des activités d’effervescence autour des prières et des prêches du jour saint. Un jour utilisé aussi par le passé par l’imam Dicko, à l’image de l’imam Khomeiny d’Iran, pour “ameuter ses troupes”.
Tous les ingrédients étaient réunis pour faire de ce retour un événement politique, là où il devrait faire l’objet de consensus et de discrétion qui siéent au moment.
Il faut dire effectivement que le lieu de sa “retraite” dans un pays (l’Algérie) aux attitudes inamicales, loin de sa mosquée, ajoute du discrédit aux raisons premières qui ont prévalu lors de ce séjour de l’imam hors du pays.
Une tentative de retour plus virtuelle que réelle
S’agissant de l’imam et de ses ouailles, l’on peut imaginer que leurs effets de manche et de déclaration visaient à tâter avant tout le terrain. Et probablement, à obtenir une réponse des autorités par rapport à son retour à Bamako sans difficultés. Cependant, personne n’était dupe au Mali, ce retour sans consensus était à risque. Ce qui expliquerait les conseils avisés de certains leaders religieux parmi ses “amis”. Ces derniers lui enjoignaient de renoncer en effet à son retour dans l’immédiat et de permettre une implication des associations islamiques et surtout du Haut conseil islamique qu’on n’a pas entendu. Mais dont l’entregent pourrait permettre un retour plus apaisé et civilisé d’un homme dont j’ai l’outrecuidance de croire que sa réputation est sûrement surfaite de nos jours.
Je suis effectivement convaincu que Mahmoud Dicko, en dehors de ses turpitudes hors du pays, est loin de l’image effrayante d’un épouvantail ou d’un revanchard. Ce n’est qu’un revenant ! Comprenons, un homme idyllique, à l’immense savoir qu’il doit mettre à profit pour distiller sa parole de sagesse dans sa mosquée.
Tel est pris qui croyait prendre
Rappelons que d’autres griefs existent bel et bien entre la transition et Dicko, comme l’attitude des prédicateurs jugés radicaux ou subversifs, plus ou moins proches de l’imam, c’est selon… À cet égard, il y a ce cas d’un proche de l’imam Mahmoud Dicko, qui aurait été enlevé par des individus non identifiés. Celui-ci préside le comité d’accueil de Mahmoud Dicko. Il y a aussi les cas des prêcheurs dont les sermons ont été jugés politiques et dont certains sont mis en dépôt à la maison d’arrêt de Bamako.
Les frontières de la laïcité ont été franchies
Par ailleurs, des déclarations subversives ont été imputées à l’imam Mahmoud Dicko depuis sa retraite en Algérie et au cours d’un forum en Arabie saoudite. Au sujet de la nécessité de la tenue des élections au Mali, de l’application de la charia, etc., qui ne sont pas de nature à rassurer les autorités de la transition.
S’y ajoute un retour en grande fanfare avec effets d’annonce de ses partisans en vue d’une mobilisation pour l’accueil de l’imam. Une posture qui en dit long sur la réaction conséquente des sécurocrates du régime.
Le mutisme inquiétant des autorités
En outre, la clameur du camp de l’imam a laissé place à toutes sortes de supputations en raison du mutisme des autorités qui l’a accompagné.
Cette attitude de marbre des autorités, depuis l’annonce du retour de l’imam durant plusieurs jours, a laissé place à un confidentiel du directeur régional de la Police du district de Bamako. C’est un ordre de service, dans le jargon sécuritaire qui veut dire “une décision prévue par la loi et qui est exécutoire”, signé le 13 février à la veille de l’arrivée annoncée et jugée probable de Mahmoud Dicko par les autorités.
Tôt le 14 février, l’opinion découvre, grâce à cet ordre de service “confidentiel” qui a pourtant fuité stratégiquement et abondamment sur les réseaux sociaux, la mise en place d’un vrai dispositif de dissuasion (assimilable à un plan de guerre). Le directeur régional de la Police du district de Bamako “édicte” en effet la mobilisation générale de toutes les forces sécuritaires de la capitale.
Toutes ces forces ayant pour mission, entre autres, de “sécuriser les personnes et les biens ; d’interpeller les fauteurs de troubles ; de secourir les personnes dans le besoin, etc.”. Non sans recommander particulièrement d’agir avec “la plus grande prudence, fermeté et courtoisie”. Cela dit, un second round est à prévoir, même si tout indique qu’il sera dans un délai raisonnable et se fera après consultations, conciliabules et concessions de part et d’autre.
Seidina O DICKO