26 mars 1991 ! Il y a 33 ans, le Lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré a mis fin à 23 ans de règne, sans partage du général Moussa Traoré, en parachevant la lutte engagée des mois durant par les forces vives de la nation exigeant l’ouverture démocratique. Les manifestations organisées à cette fin ont été si violemment reprimées, que les 18 et 19 janvier et surtout les 21, 22, 23, 24, 25 et 26 mars ont été qualifiés de ‘’folles journées’’ et de ‘’journées de braises’’.
Après 15 mois d’une transition instaurée suite à une Conférence nationale souveraine, les autorités d’alors, soutenues par l’ensemble des forces politiques et sociales, ont adopté les textes fondateurs de la IIIè République. Et le 8 juin 1992, ATT a effectivement transmis le pouvoir au Président démocratiquement élu, Alpha Oumar Konaré.
En 33 ans de pratique démocratique, le Mali a connu une alternance pacifique mais aussi, et surtout, trois coups d’Etat militaires ! Le pays vit sa troisième transition après celles de 1991 et 2012 sur fond de crise multidimensionnelle et de réelles menaces sur son intégrité territoriale.
33 ans après les évènements de mars 1991, force est de reconnaître qu’il y a de sérieux problèmes. La confusion est telle que nombreux sont les Maliens, de l’intérieur comme de l’extérieur, à se demander où va leur pays. De l’espoir suscité par la perspective de s’épanouir dans un espace de liberté élargi, les Maliens craignent de voir les acquis remis en cause, menacés de disparition sous les bottes.
En vérité, l’option de la démocratie n’est pas le problème, puisque c’est un choix exprimé et pleinement assumé par les Maliens. Mais le vrai problème, c’est plutôt sa pratique. C’est la mauvaise gouvernance de la démocratie, la mauvaise gouvernance tout court. La corruption, le clientélisme, le pillage, le bradage des ressources publiques, la politisation de l’administration publique, la marginalisation des cadres compétents et intègres ont été érigés en mode de gestion par une élite prête à toutes les compromissions pour son seul profit. Lui faudrait-il s’allier avec le diable pour ce faire, au grand dam des populations auprès desquelles ils cherchent pourtant le pouvoir, au nom et dans l’intérêt desquelles ils sont censés l’exercer.
Le mensonge, la tricherie, la corruption, la promotion des contre-valeurs par des acteurs politiques sont à l’origine du dégoût et de la méfiance de la population vis-à-vis des institutions de la République. «La “démocratie” a fini par faire pire que la dictature, surtout au niveau de la qualité des ressources humaines. Elle a injecté sur la scène politique toutes sortes de gens, parfois de véritables voyous. Les éléments les plus sains ont fini par être, presque tous, marginalisés au profit d’une génération spontanée de politiciens sans foi ni loi», écrivait Pr Issa N’Diaye dans sa tribune publiée en mai 2014.
En clair, le meilleur des régimes politiques – jusqu’à preuve du contraire – a été malmené, dévoyé par de mauvais acteurs au Mali. Ils ont joui, usé, abusé de leur prérogative et fait le lit de la situation préoccupante qui prévaut actuellement. Plus que jamais, les populations sont perplexes et s’interrogent : jusqu’où iront les menaces sur les libertés acquises il y a 33 ans ? Comment les préserver ? Pourquoi la société civile n’a jamais constitué une alternative crédible pendant que la démocratie dérivait au bord du Djoliba ? Pourquoi ceux qui encouragent la démocratie sur le continent condamnent des pratiques et ferment les yeux sur d’autres ?
Chiaka Doumbia