Aux résultats incertains, la campagne électorale s’achève sous un climat de tensions extrêmes, au Sénégal, du moins entre les différents leaders politiques.
Au cours d’un meeting organisé le 12 novembre, le Premier ministre et chef du parti au pouvoir Pastef, Ousmane Sonko, a tenté de calmer un feu qu’il a longtemps contribué à attiser. Il est vrai que ses partisans et lui-même n’ont guère été épargnés par les agressions verbales ou physiques. Le convoi de ses partisans en campagne aurait été attaqué par des jets de pierres à plusieurs reprises, notamment à Dakar, Saint-Louis et Koungueul. Toutefois, les débordements sont somme toute limités, au regard de la tension exprimée par les politiciens en campagne.
Ousmane Sonko a même suscité un débat important sur le rôle de l’État, et donc des fonds publics, dans la vie politique d’un pays démocratique.
Voici quelques jours, le Premier ministre avait ainsi appelé à « venger » ses militants agressés, attribuant les attaques à la coalition rivale, dirigée par Barthélémy Dias, le maire de Dakar. Le Sénégal, symbole africain de la stabilité politique et de l’alternance apaisée, serait-il en train de sombrer dans la violence ?
« Que chacune des agressions subies par Pastef de leur part depuis le début de la campagne, que chaque patriote qu’ils ont agressé et blessé soit proportionnellement vengé. Nous exercerons notre droit légitime à la riposte », a écrit Ousmane Sonko sur son compte Facebook.
Les oppositions ont fermement condamné ces attaques verbales du Premier ministre. Barthélémy Dias a dénoncé un « appel au meurtre assumé par l’actuel Premier ministre sénégalais », affirmant que ses partisans avaient eux-mêmes été victimes de « multiples attaques ». Sa coalition, Samm Sa Kaddu, accuse Ousmane Sonko de vouloir « museler la démocratie en instaurant un climat de terreur ».
Voilà qui justifie, en tout cas, l’envoi de troupes supplémentaires pour sécuriser le scrutin du 17 novembre, y compris à Dakar. Les observateurs redoutent un vote serré, sujet à contestations et susceptible d’entraîner de nouveaux affrontements dans les rues.
« Il y va de la stabilité et de l’avenir de notre pays. Toutes les parties doivent s’engager à respecter les résultats des urnes et à régler d’éventuels différends par les voies légales. La violence n’a pas sa place dans notre démocratie », a réagi Alioune Tine, figure respectée de la société civile sénégalaise.
L’impossible dialogue
« La tyrannie et le despotisme de la majorité risquent de constituer des menaces d’instabilité. Après ces élections législatives, on devrait faire un travail collectif d’introspection pour renforcer les institutions démocratiques et le vivre-ensemble », écrit sur son compte Twitter l’expert auprès des Nations unies.
Appel au calme, donc, le 12 novembre, Ousmane Sonko appelant ses militants à « continuer la campagne dans le calme et la paix pendant les quatre jours qui restent ». « N’attaquez personne, ne frappez personne, ne provoquez personne. Désactivez tout mais qu’on reste vigilant. »
La campagne électorale, courant octobre, s’était pourtant passée dans un calme relatif, chacun exprimant, de son côté et sans grand débat d’idées, ses priorités pour le Sénégal en matière de développement économique, d’éducation, d’emplois pour les jeunes, etc. Elle a été le théâtre du retour « virtuel » mais remarqué de l’ancien président Macky Sall, qui accuse son successeur d’« immobilisme ».
En revanche, Ousmane Sonko a suscité un débat important et légitime sur le rôle de l’État, et donc des fonds publics, dans la vie politique d’un pays démocratique. Il a assuré que son parti ne toucherait aucun denier public à l’occasion de cette campagne électorale. Il a également promis d’abroger la loi d’amnistie que Macky Sall a fait voter peu avant les élections présidentielles. Promesse qu’il sera difficile de tenir, pour des raisons juridiques : une loi rétroactive suppose la reprise de poursuites juridiques, voire de réincarcérations d’activistes politiques, y compris… d’Ousmane Sonko lui-même !
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Encadré
Le point de vue de l’IRIS
« L’enjeu principal est la capacité du Pastef à réaliser son projet de transformation, qui repose sur une véritable rupture avec le passé. Au cœur de cette rupture, on retrouve la notion de souveraineté. Ce concept ne se limite pas à l’intérieur du pays : il a des répercussions internationales, notamment en ce qui concerne la volonté du gouvernement de renégocier des contrats avec plusieurs partenaires occidentaux, tels que l’Union européenne ou la France, dans la lignée de ce qu’il nomme le panafricanisme de gauche. L’obtention d’une majorité forte, capable de leur donner les moyens d’agir, aurait donc des répercussions non seulement sur la politique intérieure du Sénégal, où l’on pourra rapidement observer les nouvelles orientations prises par le gouvernement, mais aussi sur la scène internationale. »
El Hadj Souleymane Gassama, chercheur associé à l’IRIS.
@NA
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Des tensions au moment d’élections ?
Tout fait normal. Le problème est lorsque ces tensions sont instrumentalisées amplifiées par des politiques populistes qui sont au pouvoir et que se retrouvent confrontés la dure réalité du monde. ALors ils en rajouent pour détourner l’attention du peuple sur son incapacité gouverner. Ousmane sONKO EST EN TRAIN D’ORGANISER LA CHIENLIT AU sÉNÉGAL
Sans doute y a-t-il tension. Mais c’est le propre de ka démocratie. Dans notre pays, rien ne peut se présenter de cette façon : il n’y a pas d’élections. Et sans doute pour un bout de temps.