20Si peu de Maliens n’aspiraient pas au changement en 2020, très peu également l’attendaient sous la forme d’un renversement du pouvoir par l’armée. Intervenu un certain mardi 18 août, le bouleversement pressenti sera ainsi diversement accueilli : avec délectation par ceux qui en étaient les vecteurs, indifférence ou réserve par d’autres – abstraction faite évidemment des inconditionnels du pouvoir déchu.
Les dérives du régime d’IBK étaient passées par-là, avec tant de désillusions et d’espoirs déçus qui sont autant de passifs légués à l’élite militaire, qui avait imposé huit années auparavant le même pouvoir politique qu’elle allait renverser. Les impairs d’IBK n’ont rien à envier, cependant, au fruit de moins en moins comestible des promesses miroitées comme alternatives aux incertitudes de la soudaine rupture. En atteste le décuplement en quatre ans d’un mal-être collectif dont la crise énergétique est un indicateur irréfragable, au regard de ses incidences incalculables sur le quotidien des Maliens ainsi que sur le tissu économique dans son ensemble. Elle se traduit, en clair, par le plongeon de millions de ménages dans les ténèbres d’une époque révolue, qui répand sur les activités industrielle et artisanale et n’épargne le secteur de l’emploi, ni les gagne-pains quotidiens. Les effets de la disette électrique sont tout aussi alarmants sur un secteur comme la santé où les coupures intempestives, en plus d’occasionner des victimes par dizaines dans les hôpitaux, pourchassent les cadavres jusque dans les morgues sans système de refroidissement.
Et ça n’est vraisemblablement pas demain la veille de la solution à une crise transversale, accentuée à la fois par ses causes structurelles et la persistance de la gabegie caractéristique de la gouvernance dans son ensemble. Et pour cause, le grand nettoyage annoncé par le «Mali Koura», à coups de promesses refondatrices, s’est révélé une énorme supercherie qui cache mal le triomphe d’une nouvelle forme de banditisme à col blanc et de raclage des deniers publics. Au détour de priorités dictées par la crise sécuritaire, d’aucuns se comblent de privilèges opulents et d’autres contraints à la résilience au prix de sevrage d’aides humanitaires et budgétaires qu’impose une certaine affirmation souverainiste.
Il en résulte une rampante crise socio-économique qu’implique l’insolvabilité alarmante du trésor public, des banques ainsi que d’établissements publics soumis à la corvée des levées de fonds sur les marchés régionaux. La régularité des salaires en est sauve à ce prix et conforte par ricochet la stabilité du front social, tandis que les pouvoirs publics n’ont cure de leur impuissance face à la dégradation des routes et des voiries urbaines ainsi qu’aux nombreuses prestations sociales.
L’affectation massive des ressources publiques aux secteurs de la sécurité et de la défense en est largement pour quelque chose, mais pour des gains en deçà des attentes et disproportionnés à la pompeuse montée en puissance de l’armée. Manifestement surfaite, elle est notamment contrariée par la persistance de l’hydre terroriste à laquelle les populations civiles continuent de payer plus de tribut en pertes de vies humaines et de biens matériels sans compter leurs cohortes inestimables déplacés internes qui envahissent les grandes villes à la recherche d’abri contre les atteintes de toutes provenances. Autant d’ingrédients constitutifs d’un explosif humanitaire aux relents de malaises communautaires propres à renchérir les clivages hérités des pouvoirs précédents.
En ont rajouté, par ailleurs, les innombrables frustrations et amertumes imputables aux contingences d’un pouvoir en quête constante d’assises populaires et sous le règne duquel les geôles maliennes n’ont jamais autant débordé d’acteurs publics sur fond de procédures mitigées. De même, les chemins de l’exil n’ont jamais enregistré autant de candidats parmi l’élite politique craintive du rouleau compresseur de la justice et de ses décisions préfabriquées. Pour combler les fractures et amertumes immanentes à cette tendance, on ne saurait malheureusement compter sur un Dialogue Inter-Maliens sur le point de déboucher sur une charte de la paix sans les protagonistes historiques et circonstanciels de la crise malienne.
Au bout de quatre années, en définitive, la Transition aura démultiplié à l’exponentielle les inconnues de l’équation multidimensionnelle pour laquelle elle portait les espoirs de solutions alternatives.
A KEÏTA