Cherté des produits de grande consommation : La combinaison de multiples conflits armés et d’un environnement géopolitique agité entrave la baisse des prix

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Malgré une relative reprise économique au niveau mondial, les prix des produits de grande consommation n’ont pas encore amorcé la baisse tant souhaitée par les ménages. La Banque mondiale s’en penchée sur cette équation en rappelant que la combinaison de multiples conflits armés et d’un environnement géopolitique de plus en plus agité menace d’amplifier les incertitudes, d’entamer le moral des consommateurs et des entreprises et d’alimenter la volatilité des marchés financiers…

«Dans le temps, nos ménagères étaient armées de paniers pour aller faire des emplettes dans les marchés. Puis, progressivement, elles ont opté pour des sachets plastiques noirs. Et aujourd’hui, elles viennent presque les mains vides parce qu’elles ne peuvent acheter que très peu de choses avec ce qui leur est donné comme argent de la popote. La cherté de la vie est passée par là» ! Le constat est d’un chroniqueur de la presse malienne témoignant de toutes les difficultés qu’ont les Maliennes, les Bamakoises, notamment à s’approvisionner dans nos marchés. Ainsi, malgré une relative reprise économique au niveau mondial, les prix des produits de grande consommation n’ont pas encore amorcé la baisse tant souhaitée par les consommateurs.

En effet, selon la Banque mondiale, la croissance économique devrait être inférieure cette année et l’année prochaine de près d’un demi-point de pourcentage à la moyenne enregistrée au cours des cinq années qui ont précédé la pandémie du Covid-19. Et pourtant, a souligné l’institution financière de Bretton Woods, en 2024-2025 les prix moyens des produits de base devraient rester près de 40 % au-dessus des niveaux de 2015-2019. Ainsi, les prix de l’énergie et des denrées alimentaires devraient par exemple baisser, mais rester supérieurs d’environ 40 % et 30 % respectivement à leurs moyennes de 2015-2019. Par contre, les prix des métaux de base devraient augmenter légèrement cette année et l’année prochaine pour atteindre une moyenne d’environ 40 % supérieure à celle de 2015-2019. «Le monde semble être entré dans une nouvelle normalité qui se caractérise par une déconnexion entre la croissance mondiale et les prix des produits de base», a résumé la Banque mondiale.

Selon l’institution financière de Bretton Woods, quatre facteurs au moins expliquent cette tendance. Il y a d’abord l’offre mondiale du pétrole qui est restée limitée. Depuis début 2023, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et ses alliés de l’OPEP+ ont retiré du marché une part substantielle de l’offre mondiale afin d’augmenter et prolonger progressivement les réductions de production face à une demande jugée atone. Ainsi, en fin juin dernier, les membres de l’OPEP+ retenaient plus de 6 millions de barils de pétrole par jour, soit près de 7 % de la demande mondiale.

Cette situation, conjuguée à un surcroît d’attention portée à la rentabilité à court terme dans le secteur du pétrole de schiste aux Etats-Unis (qui freine l’ajustement de la production à la hausse des prix) favorise l’augmentation des cours du pétrole. Depuis le début de cette année (2024), le prix du baril de Brent (un type de pétrole brut utilisé comme standard dans la fixation du prix du brut et comme matière première pour les contrats à terme sur le pétrole) oscille entre 75 dollars et un peu plus de 90 dollars. Cette tendance devrait se poursuivre l’année prochaine avec une moyenne de 79 dollars le baril.

Les effets pervers du ralentissement de la croissance économique chinoise

Le second facteur est lié à la demande chinoise de matières premières qui, malgré le ralentissement de la croissance économique, résiste bien. Selon la BM, la faiblesse de la croissance mondiale reflète dans une large mesure le ralentissement de l’économie chinoise qui résulte en partie de la chute du secteur immobilier. Entre 2015 et 2019, la Chine a affiché une croissance moyenne de 6,7 % par an, contre 4,5 % environ en 2024-2025, selon les estimations. Si l’on ne tient pas compte de la période 2020-2022, qui a été fortement marquée par la pandémie et ses répercussions, il s’agit du rythme de croissance le plus lent que le pays ait connu depuis plusieurs décennies.

La Chine étant le plus gros consommateur mondial de métaux et d’énergie, on pouvait s’attendre à ce que la crise de l’immobilier réduise considérablement son appétit des matières premières. Ce n’est malheureusement pas le cas. Bien au contraire, la demande de produits de base industriels s’est montrée solide, soutenue par les investissements dans les infrastructures et par la priorité stratégique qu’accorde la Chine à l’accélération des capacités industrielles dans des secteurs clés, notamment l’électronique et les véhicules électriques. Ces facteurs compensent au moins en partie la faiblesse de la demande de matières premières émanant du secteur immobilier.

Tertio, le changement climatique stimule la demande de métaux et perturbe la production agricole. La lutte contre le changement climatique est un facteur d’une importance croissante pour les marchés des matières premières… Sur les marchés des produits agricoles, les évènements météorologiques liés aux dérèglements du climat se sont traduits récemment par une réduction de l’offre de cacao et de café faisant grimper les prix à des niveaux record. «Les pénuries dues aux maladies et aux catastrophes risquent de devenir de plus en plus fréquentes à mesure que les températures augmentent et évoluent», averti l’institution financière de Bretton Woods.

Et, enfin quarto, les prix des produits de base sont restés élevés et volatils en partie en raison des chocs géopolitiques survenus au cours des deux ans et demi qui viennent de s’écouler. Après une hausse rapide en 2021, ces prix ont bondi au début de 2022 lorsque l’invasion de l’Ukraine par la Russie a déstabilisé les marchés de l’énergie et des céréales. Ils ont atteint un sommet à la mi-2022, avant de chuter de manière substantielle. Cette baisse s’est toutefois interrompue à partir de la mi-2023 à la suite de la réduction de l’offre par les pays de l’OPEP+.

Les tensions géopolitiques constituent une menace majeure pour l’évolution des prix des produits de base

Puis, le déclenchement d’un nouveau conflit au Moyen-Orient (Israël-Palestine) a ravivé les inquiétudes géopolitiques, entraînant des fluctuations de prix en octobre dernier. En avril 2024, avec l’escalade des tensions au Moyen-Orient, le pétrole est repassé au-dessus de 90 dollars le baril, tandis que l’or, particulièrement réactif à la situation géopolitique, atteignait des sommets historiques.

Les tensions géopolitiques resteront une menace majeure tant pour l’évolution des prix des produits de base que pour les perspectives de la croissance mondiale, renforçant les risques de nouveaux chocs du côté de l’offre. Selon certains indicateurs, le nombre de conflits armés n’a jamais été aussi élevé depuis des décennies… Toute escalade d’un conflit qui entraverait sensiblement la fourniture d’énergie pourrait entraîner une flambée des prix des matières premières en général. L’inflation mondiale pourrait alors repartir à la hausse avec le risque de retarder l’assouplissement monétaire prudent que les banques centrales devaient mettre en œuvre dans les mois à venir.

Plus généralement, la combinaison de multiples conflits armés et d’un environnement géopolitique de plus en plus agité menace d’amplifier les incertitudes, d’entamer le moral des consommateurs et des entreprises et d’alimenter la volatilité des marchés financiers. Selon la Banque mondiale, l’histoire montre qu’un risque géopolitique accru est associé à un affaiblissement de l’investissement et à des risques importants de baisse de la croissance. Il est donc impératif que la communauté internationale trouve un moyen de désamorcer les tensions et redoubler d’efforts pour soutenir les pays vulnérables.

En attendant, la hausse des prix des produits de base fournit aux pays qui en exportent une occasion décisive de progresser. Nombre d’entre eux devraient en effet enregistrer une croissance plus rapide au cours des prochaines années qu’au cours de la période 2015-2019. Il leur faut donc saisir cette chance pour restructurer leur économie avec le souci d’une prospérité à long terme. Et dire que des pays africains comme le Mali, qui ne manquent pas d’atouts pour assumer la souveraineté alimentaire et exporter les excédents se sont condamnés à être des marchés judicieux pour l’occident et surtout l’Asie pour ce qui est des denrées alimentaires comme le riz. Ce qui est une double pénalité pour nos économies nationales ainsi privées de sources de croissance pour impulser leur émergence socio-économique !

Moussa Bolly

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