Elle n’était pas seulement leur mère, mais aussi leur meilleure amie et confidente, leur sœur, leur grand-mère. Entre elle et ses enfants (et même les amis et collaborateurs de ceux-ci), ils se vouaient un amour incommensurable, indestructible car à toute épreuve. Malheureusement, la «Reine mère» a choisi le jour de la tabaski au Mali (lundi 17 juin 2024) pour s’effacer discrètement après avoir courageusement défié le mal qui l’a rongeait. A presque 70 ans (22 septembre 1954-17 juin 2024), Ténin Aoua Thiero s’en est allée laissant inconsolables Sista Mam, Queen Mamy… et tous ceux qui l’ont côtoyé.
Native de Macina, selon Mohamed Soumaré (consultant sportif), Ténin Aoua Thiero a effectué ses études fondamentales à Ségou en se révélant comme une élève brillante avec des qualités sportives indéniables. C’est dans la Cité des balanzans qu’elle s’est notamment illustrée lors des compétitions interscolaires. Sa taille lui permet de rapidement s’imposer dans basket-ball.
En 1970, elle est orientée au lycée des Jeunes filles (Lycée Ba Aminata Diallo) après l’obtention du Diplômes d’études fondamentales (DEF). Ses qualités physiques et techniques n’échappent pas à son professeur d’éducation physique (le regretté Abdoulaye Fané) qui la recommande à feu Amadou Daouda Sall, alors entraîneur du Stade malien de Bamako. «Dès les premiers entraînements, elle convainc l’encadrement technique des Blancs et ne tarde pas à se faire une place de titulaire. La même année, elle est sélectionnée en Équipe nationale à la faveur du tournoi de la Zone 2», a rappelé Mohamed Soumaré dans son hommage. Et d’ajouter, «elle gardera longtemps, au travers de la gorge, ce match contre le Sénégal au cours duquel elle avait prématurément quitté le plancher en compagnie de sa coéquipière Penda Ndiaye pour avoir injustement écopé de 5 fautes personnelles. Elles ont toutes les deux passé la nuit à pleurer».
En 1974, Ténin Aoua a réalisé la meilleure saison de sa carrière sportive avec le titre de champion régional. Le public et la presse se souviennent notamment du match qui a opposé le Stade Malien aux secouristes et au cours duquel la talentueuse joueuse a marqué plus de 60 points. La même année (1997), son baccalauréat en poche, elle obtient une bourse d’études pour l’ex Union des Républiques socialistes soviétique (ex-URSS) ou a été orientée à la prestigieuse université de Lomonossov. Ce qui lui donne peu de place pour le sport. Elle se contente de jouer quelques matchs de compétitions inter universitaires, malgré l’insistance de plusieurs équipes souhaitant l’enrôler. Les études sont restées la priorité de la studieuse étudiante qui n’a jamais oublié pourquoi une bourse lui avait été accordée.
N’empêche que, en 1977, Aoua est de nouveau sélectionnée en Équipe nationale alors qu’elle est en vacances à Bamako. Malgré le manque de compétition, elle arrive tant bien que mal à tirer son épingle du jeu. Trois ans plus tard, elle revient définitivement au pays et met fin à sa carrière sportive pour des raisons personnelles. Elle est recrutée à la Fonction publique pour être affectée à l’Institut national de biologie humaine (INBH), qui deviendra l’Institut national de recherche en santé publique (INRSP) puis l’Institut national de santé Publique (INSP) dont elle a été la cheville ouvrière durant les crises sanitaires liées à Ebola et au Covid-19.
Faisant preuve d’une compétence inouïe, Mme Sangaré Ténin Aoua Thiero, franchit allègrement les échelons en occupant plusieurs postes avant le fauteuil de directrice adjointe. C’est à ce poste qu’elle fait valoir ses droits à la retraite, il y a quelques années. Malgré un emploi du temps surchargé, elle participait aux activités de son club de cœur, le Stade malien de Bamako (en siégeant en un moment au comité des sages), et aussi de l’association des Anciens basketteurs du Mali. Très active dans le mouvement démocratique, elle s’est vite retirée de la vie politique car dépitée par la tournure de la gouvernance du pays.
C’est donc ce jour de tabaski que le Tout-puissant a choisi de rappeler à lui notre «Grande sœur, amie et confidente». Une grande douleur pour tous ceux qui l’ont côtoyé et apprécié. Elle est surtout incommensurable pour Chaka, son inséparable époux, et ses enfants car son décès crée un immense vide dans leur vie. Mais que faire face à la volonté de Dieu ? Juste accepter le coup du sort et l’affronter avec la foi en espérant que le temps va atténuer la douleur.
Depuis l’annonce de sa disparition pour toujours, c’est un déluge d’hommages qui ne cesse de lui être rendu. Selon de nombreux témoignages, l’illustre disparue fut «une femme exceptionnelle, une mère, un pilier, une force tranquille qui a marqué des vies de son empreinte indélébile». Affectueusement connue sous le nom de Sista Tayat, Aoua Thiero «a illuminé nos existences de sa bienveillance, de sa sagesse et de son amour inconditionnel. En tant que ses enfants, nous avons été bénis de recevoir son soutien inébranlable, sa guidance et sa tendresse maternelle…», a témoigné Soukeyna Diop, très proche de la famille.
Et en matière de témoignages, celui des enfants retient toujours l’attention par leur charge émotionnelle. «Maman, mon être de lumière, ma meilleure amie, ma confidente, mon pilier…. Ce n’est qu’un au revoir», espère Aminata Sangaré Kouadio dite Queen Mamy inconsolable. Pour son aînée Sista Mam (Traoré Mariam Sangaré, l’icône du reggae féminin au Mali), Ténin Aoua Thiero a été une «maman lumière, humble, patriote, brave et honnête, véridique, belle et intelligente, douce et féroce» qui a merveilleusement bien «accompli sa mission terrestre» !
Celle qu’on a surnommé «Sista Tayat» a non seulement inculqué les valeurs qui font de ces enfants des références, mais aussi et surtout la passion de la musique, le reggae notamment. Elle a ainsi toujours été d’un soutien inestimable et inconditionnel à «Mali Festi Reggae», un festival lancé et pérennisé par Sista Mam contre vents et marées. Comme le dit si bien Soukeyna, «ce festival, qu’elle a chéri et porté avec passion, restera un héritage précieux, une source d’inspiration pour nous tous». Et sans doute que cet esprit bienveillant va continuer à «veiller sur nous, à nous guider dans les moments de doute et à nous inspirer la persévérance» face aux défis et aux obstacles naturels ou volontairement dressés sur notre parcours pour nous empêcher d’avancer.
«», disait souvent notre regrettée Sira Diop. Malgré notre la déchirure physique et sentimentale, d’une telle séparation, nous acceptons la volonté divine. Et cela assurés que les enseignements de cette Grande Dame, de cette «belle âme» resteront aussi gravés dans les cœurs pour l’éternité. Et le meilleur hommage que nous puissions lui rendre, c’est de nous engager à perpétuer «son héritage de générosité, de compassion et d’unité».
Va en paix Ténin Aoua Thiero, Sista Tayat, Reine mère. Qu’Allah SWT t’accorde le Firdaws comme demeure éternelle au paradis ! Amen !
Moussa Bolly