Souleymane Cissé est décédé, ce mercredi 19 février à Bamako. L’information s’est répandue en fin d’après-midi à Bamako. Une nouvelle qui a surpris plus d’un quand on sait que le cinéaste a animé, quelques jours plus tôt, une conférence de presse.
« Le Mali va apporter quelque chose à l’humanité, je dis bien à l’humanité. Donc, créons nos savants, créons nos hommes de culture. Faisons avancer le monde, faisons avancer le Mali », a plaidé Souleymane Cissé, à la conférence de presse, quelques heures avant sa mort.
Souleymane Cissé a fait ses adieux au monde, à 72h de l’ouverture du FESPACO dont il était membre du jury. Le réalisateur malien est double détenteur de l’Étalon de Yennenga, grand prix du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou. En 1987, le réalisateur malien a remporté le Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes pour son film « Yeelen (La Lumière) ».
Autre distinction, le mercredi 17 mai 2023 à Cannes, Souleymane Cissé devient le deuxième africain à recevoir le Carrosse d’Or. Une récompense décernée par la Société des Réalisatrices et Réalisateurs de films (SRF) pour l’ensemble de ses œuvres.
Devant la presse ce mercredi, Souleymane Cissé a présenté deux nouvelles distinctions qui lui ont été décernées. Il s’agit du Prix de l’« Icône culturelle » décerné par le festival du film africain de la Silicon Valley ( SVAFF). Aussi, à Banjul, le 15 février dernier, un prix honorifique saluant son rôle pour le cinéma africain lui a été décerné par la Mission médicale Sunu Reew.
Les échanges avec la presse ce mercredi matin sonne désormais comme un adieu au cinéma, au Mali et au monde entier. Dors en paix !
Mamadou TOGOLA/maliweb.net
Paix à l’âme de Mr Cissé, une fierté nationale, les jeunes générations s’inspireront de vos œuvres . Tu n’as pas vécu inutile
Ma be sa nga i togo te sala, Cisseke i togo te sa! Merci pour tout ce que tu as fait pour le Mali et pour l’Afrique, repose en paix grand savant!
Paix à son âme. Que la terre lui soit légère.
Nos condoléances à la famille du grand cinéaste malien Souleymane Cissé !
Quand a débuté au Mali il y a quelques années le combat contre l’occupation militaire française et pour la souveraineté nationale, c’est dans l’œuvre de Souleymane Cissé que j’ai le plus puisé de matière pour mener avec d’autres Maliens ce combat.
Le film de Souleymane Cissé le plus connu est “Yeelen” sorti en salle en 1987. A propos de ce film, dans la revue “Cinergie” d’avril 1988, le cinéaste malien disait la chose suivante :
« Traiter de la culture africaine, c’est faire en tout état de cause œuvre politique. C’est pour ça que je crois que de tous mes films, c’est celui qui va le plus loin politiquement. Yeelen c’est vraiment l’aboutissement de tout ce que j’ai fait depuis le départ […] Il est clair que les gestes, les dialogues y sont d’autant plus profonds que l’ont y retrouve la tragédie profonde de l’Afrique. »
J’ai vu le film Yeelen plusieurs dizaines de fois. C’est effectivement un film très politique, pour qui sait bien regarder. Les deux figures antagonistes du film, Soma le père et Nianankoro le fils, pourraient être regardées au fond comme la France coloniale et le Mali décolonisé qui accède à la liberté. Le Mali, c’est Nianankoro qui se lance dans une quête initiatique l’amenant à s’opposer à son père Soma qui lui-même recherche son fils pour le détruire afin de préserver les pouvoirs du komo.
Toutes les actions de la France et de ses amis Occidentaux et de l’Algérie de soutiens militaires, matériels et médiatiques aux terroristes en Afrique pour détruite le Mali afin de préserver leurs hégémonie peuvent être lues à la lumière de l’œuvre culturelle de notre compatriote Souleymane Cissé.
Moi, tous les jours, quand je fais une recherche sur le Mali sur internet et que je vois que ce qui est servi au public malien et non malien ce sont des contenus misérables de propagande pondus à Paris par des Français qui ne connaissent rien ni des langues, de la culture, ni de la politique, ni de l’économie du Mali, je pense tout de suite aux paroles de Souleymane Cissé qui n’ont pas pris une ride. La France, pour reprendre les paroles d’une scène du film “Yeelen”, c’est l’un des pays en Afrique depuis des siècles “qui ne mettent leur pouvoir qu’au service du mal et de l’injustice”, exactement comme Soma le père.
Concernant toujours la pensée politique de Souleymane Cissé, qui a étudié en Russie à l’Institut des Hautes études supérieures de la cinématographie de Moscou, il y a un documentaire que je recommande vivement tourné par le réalisateur Rithy Panh en 1991 et consacré à notre compatriote (“Cinéma de notre temps – Souleymane Cissé”).
https://vk.com/video-136471876_456243208
Transcription des paroles de Souleymane Cissé traduites du bamanakan en français par l’équipe du réalisateur du documentaire, min. 4 à 9 :
– « C’était à la Maison des jeunes, en présence de tous. Nous avons vu Lumumba arrêté, les mains attachées dans le dos. Les militaires le poussent dans le camion, certains, à coups de crosse. Les images sont restées dans ma mémoire. Il faut dire que j’ai été si impressionné, si bouleversé que j’en ai pleuré. J’ai eu la conviction que le cinéma est d’une importance capitale et j’ai décidé d’en faire mon métier. »
– « Quel est le devoir des cinéastes africains ? Ceux qui sont venus nous filmer n’ont jamais montré les gens d’ici comme des êtres humains. Aucun ne peut dire qu’il a filmé des êtres humains, aucun ! Ils sont venus pour nous montrer comme des animaux à leur public. Ils nous ont vus avec leurs yeux. Ils nous ont filmés n’importe comment. On sait que la caméra peut filmer une image valorisante de l’homme, de n’importe quel homme. La caméra ne choisit pas, c’est une question d’éclairage, une question de regard. Le cinéma des Blancs montre que les Africains n’appartiennent pas à la communauté humaine. Ce sont des animaux. Les fauves, il les filment avec plus de respect ! Mieux qu’ils ne filment les êtres humains. La première tâches des cinéastes africains, c’est donc d’affirmer que les gens d’ici sont des êtres humains et de faire connaître celles de nos valeurs qui pourraient servir aux autres. Telle est notre première tâche. La génération qui nous suivra s’ouvrira sur d’autres aspects du cinéma. Notre devoir à nous est de faire comprendre que ces auteurs-là ont menti par leurs images. Ils n’ont jamais cru que les Africains prendraient un jour la parole. Je ne veux citer personne, mais c’étaient des menteurs. »
Transcription des paroles de Souleymane Cissé traduites du bamanakan en français par l’équipe du réalisateur du documentaire, min. 42 et suivantes :
– « Tarkowski [Andreï, grand cinéaste russe] a dit que le monde va vers le mal, nous sommes donc condamnés à faire le bien.
Les intellectuels devraient, dans leur travail, tendre vers la perfection et le beau.
C’est ce que dit Tarkowski. »
– « Le monde pris comme un tout est une merveille, ce qu’il contient est beau.
Même si cela comporte le beau et le moins beau, le bien et le mal.
Du point de vue de l’image, tout ce qui existe recèle de la beauté.
Il n’y a pas de laideur dans l’humain.
Tout ce qui vit est beau si l’on sait en capter la beauté. »
– « Le soleil, notre perception du soleil est sans limites.
Cette lumière du levant, du couchant symbolise la naissance et la mort.
C’est une lumière paisible et sereine qui ne te touche pas pour te faire du mal, mais pour t’embellir et te donner du charme et de la grâce.
C’est pour cela que je mets la lumière du soleil dans mes films.
Pour les Bamana, le destin de chacun est tracé, ce chemin, nul ne peut le modifier pour toi.
Ils disent donc que nul ne peut ”te voler ton soleil”. »
– « Si je me retire dans la brousse, pour y trouver le calme nécessaire à la méditation et l’organisation de mon travail, c’est avant tout pour m’éloigner, prendre le recul indispensable qui permet de mieux discerner les choses.
Il y a des moments qui exigent la solitude. ”Seul avec Dieu” disent les Bamana.
C’est une façon de libérer l’esprit.
Pour toutes ces raisons, je pars m’isoler en brousse, pour mieux me concentrer.
Souvent les idées qui m’y viennent sont bonnes.
La brousse m’inspire beaucoup, c’est pourquoi j’y vais avant d’entreprendre tout nouveau travail.
J’y fait des séjours qui durent 15 jours, 1 mois, 2 mois, 3 mois… »
Transcription des paroles de Souleymane Cissé traduites du bamanakan en français par l’équipe du réalisateur du documentaire, min. 46 et suivantes :
– « Dans la vie, les Bamana appellent ”damu” l’impression positive que l’on retire de la vue d’un être ou d’une chose et qui demeure longtemps dans le cœur et dans l’esprit.
”Damu”, c’est peut-être ça la grâce.
Il y a un ”damu” de l’âme, un ”damu” des choses, un ”damu” de l’homme.
Le ”damu” de l’homme, c’est quoi ? Quand tu vois l’être humain vivre, tu observes tout ce qu’il est, tout ce qui l’entoure. Pour exprimer tout cela, tu peux faire découvrir des aspects inattendus et l’étonner lui-même.
Quand tu regardes l’être humain, quand tu sais le comprendre, tu dois le montrer avec ”damu”.
Il y a des êtres mauvais, malgré tout. Il ne faut pas les rejeter, mais chercher à les comprendre, leur apporter ce qui est possible, pour essayer de montrer leur ”damu”. »
Paix à son âme.
Dors en Paix.
Pour l’éternité.
N‘gonifo Toumani Koné, Paix à son âme, nous a appris la vérité: ‘Tounouya tè soyé’.
Lui Toumani fut terrassé par cette même mort.
Comme Souleymane Cissé , Toumani Koné est toujours le meileur dans son domaine.
Les chansons de Toumani comme les films de Souleymane les rendront ‘immertels’.
Ils ont fait quelque chose de grand pour la culture Malienne.
Comme beaucoup d’autres.