Le Colonel Abdoulaye Maïga à la tribune des Nations Unies : un rendez-vous manqué

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Le discours du colonel Abdoulaye Maïga, ministre d’État, porte-parole du gouvernement et ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation du Mali, à la 79e session ordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU, aurait pu être une opportunité de traiter des problèmes urgents auxquels le pays est confronté. Alors que le Mali, comme de nombreux autres pays du Sahel, fait face à des défis climatiques majeurs, à des catastrophes naturelles et à une situation économique de plus en plus critique, le ministre a choisi une voie qui semble s’éloigner des préoccupations immédiates de la population.

Dans son allocution, le colonel Maïga aurait pu lancer un appel à la mobilisation de trois milliards de FCFA nécessaires pour répondre aux urgences liées à l’hivernage, notamment les inondations récurrentes qui frappent le Mali. Cependant, cette question importante n’a occupé qu’une place marginale dans le discours, qui s’est largement concentré sur des questions de géopolitique régionale, notamment les relations tendues avec la France et d’autres partenaires internationaux.

L’Organisation des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a récemment communiqué des chiffres alarmants sur les dégâts causés par les inondations dans le pays. Des milliers de familles déplacées, des centaines de décès et des infrastructures détruites. Pourtant, cette crise aurait dû occuper une place centrale dans le discours du ministre.

Le Mali fait face aux conséquences dramatiques du dérèglement climatique, qui aggravent des situations déjà difficiles telles que l’appauvrissement des sols agricoles, la multiplication des périodes de sécheresse suivies d’inondations soudaines et dévastatrices. Ces réalités nécessitent une réponse concertée et urgente, à la fois au niveau national et international.

L’appel du gouvernement pour la mobilisation des fonds est certes une bonne initiative, mais il manque cruellement d’un plaidoyer fort pour attirer l’attention internationale et obtenir une assistance plus significative. L’occasion était belle pour le gouvernement malien de mobiliser non seulement les citoyens maliens, mais aussi la communauté internationale, face à des catastrophes qui risquent d’aggraver encore plus la situation humanitaire et socio-économique du pays.

Selon les derniers chiffres communiqués par OCHA, les inondations au Mali ont touché plus de 120 000 personnes, avec plus de 5000 foyers complètement détruits. Les infrastructures déjà précaires, notamment les routes, ont subi de lourds dégâts, isolant certaines zones rurales pendant des semaines. Ces crises climatiques révèlent une vulnérabilité profonde des pays du Sahel, dont le Mali est l’un des plus touchés.

Le changement climatique a multiplié les épisodes extrêmes alliant alternance de périodes de sécheresse dévastatrice et d’inondations soudaines. Les populations rurales, qui dépendent principalement de l’agriculture de subsistance, en sont les principales victimes.

Cette situation alimente à son tour une insécurité alimentaire, tandis que la pauvreté s’étend et que la résilience des communautés locales diminue. Au lieu de faire de ces crises une priorité nationale et internationale, le gouvernement semble se concentrer sur des enjeux diplomatiques, comme en témoigne sa tentative infructueuse de convoquer la France devant le Conseil de sécurité de l’ONU pour prouver l’implication de celle-ci dans le terrorisme au Sahel. Une démarche qui, jusqu’à présent, a montré peu de résultats concrets.

Un discours éloigné des réalités

Le discours du colonel Maïga semble se focaliser davantage sur des attaques diplomatiques envers des pays étrangers plutôt que sur les véritables problèmes qui affectent quotidiennement les maliens. À l’heure où le pays est frappé par une crise économique grave, où le coût des denrées de première nécessité explose, où les délestages électriques s’intensifient et où la menace d’une famine généralisée plane, le choix de concentrer l’attention sur des enjeux internationaux pourrait apparaître contre-productif. Encore pire, cette approche pourrait éloigner de précieux alliés régionaux.

Le Mali, en dénonçant la supposée implication de l’Algérie dans certaines crises internes, se trouve dans une position délicate vis-à-vis du Niger, qui cherche à renforcer ses liens avec Alger pour sécuriser ses propres intérêts nationaux. Le pays, déjà affaibli par des années de conflits, de terrorisme et d’insurrections, se trouve aujourd’hui à un point critique.

Les entreprises ferment les unes après les autres, le chômage augmente et les jeunes, sans perspectives d’avenir, sont de plus en plus tentés par l’exil ou, encore pire, par des groupes armés. Les infrastructures énergétiques sont défaillantes, aggravant les conditions de vie des populations urbaines et rurales.

Sur le plan politique, la transition, censée ramener la stabilité, semble piétiner. La réconciliation nationale paraît de plus en plus éloignée avec l’incarcération de plusieurs figures politiques. Un an après l’annonce du report de la fin de la transition, l’horizon politique du Mali reste trouble.

Le discours du colonel Abdoulaye Maïga aurait pu être un moment de rassemblement national autour des questions vitales pour l’avenir du Mali. Les enjeux climatiques, économiques et sociaux nécessitent des réponses urgentes et coordonnées.

Cependant, en s’engageant dans une rhétorique de confrontation diplomatique, le gouvernement semble avoir perdu l’opportunité de mobiliser la communauté internationale et de recentrer l’attention sur les problèmes réels des Maliens. Il est temps que les autorités fassent face aux défis pressants qui menacent de plonger le pays dans une crise encore plus profonde.

Cheick B. CISSE

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