Paix et réconciliation nationale : L’avant-projet de la Charte au crible !

0

L’équipe pluridisciplinaire de la Commission de rédaction de la Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale instituée par décret présidentiel, est à pied d’œuvre depuis la semaine dernière. Entre la rédaction de la mouture finale de l’avant-projet et la mise en place du planning des rencontres avec les forces vives de la Nation, cette Commission dirigée par Ousmane Issoufi Maïga a effectué un pas de géant en rencontrant les forces vives de la nation et les institutions de la République, la semaine dernière, du 17 au 21 février 2025 au CICB de Bamako. Ce fut de longues heures de conciliabules et d’apports positifs de tous les acteurs rencontrés. Le chef de l’Etat Assimi Goïta, Général d’Armée, au nom du peuple et de la devise respectée, ne demandait pas mieux, en maintenant intelligemment le fil du dialogue subtil, mené de main de maître par un maître d’ouvrage rompu aux affaires de l’État, un communicateur hors pair à la communication facile atypique et bien singulière pour mériter le sobriquet de «Pinochet».

Contexte et justification

On aurait pu abréger les 72 articles de l’Avant-projet de Charte nationale pour la Paix et la Réconciliation nationale à ces cinq valeurs qui définissent notre code d’honneur. Les voilà remises au goût du jour par l’avant-projet : «si ce n’est pas vrai, ne le dites pas» ; «si ce n’est pas juste, ne le faites pas» ; «s’il ne vous appartient pas, ne le prenez pas» ; «si vous ne pouvez pas, ne promettez pas» ; «si vous ne pouvez construire, ne détruisez pas». Dans cette voie, l’avant-projet considère notre honneur ou Dambé national comme étant «une valeur fondamentale de la société malienne. Le sens de l’honneur commande d’être digne, de ne pas avoir de comportement répréhensible au sein de la famille, de la communauté ou de la société. Il impose l’honnêteté, la sincérité, l’observance stricte des procédures établies et de règles de conduite». De la même manière, l’hospitalité ou jattiggiya (une tradition bien de chez nous) est considérée comme étant une «valeur sociétale essentielle [.] qui repose sur l’acceptation de l’autre. Cette capacité à accueillir et à accepter l’autre permet de partager l’avoir, le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. Elle permet de briser les frontières sociales et d’origine pour s’ouvrir au reste du monde, tout en protégeant le secret du terroir. Elle consolide la cohésion sociale et le vivre-ensemble». Un autre point cardinal de l’Avant-projet réside dans le patriotisme qui est considéré comme «un sentiment d’amour et de fierté qui anime chaque individu dans ses rapports à la patrie. La patrie est indivisible, incessible, inaliénable, non-affectable et non-dissoluble. Ces principes intangibles doivent être transmis à l’enfant dès le bas âge». De ces trois essences découle le fondement culturel qui insère l’Etat dans sa globalité et qui est la citoyenneté. Celle-ci se définit dans l’Avant-projet comme «l’appartenance à une nation et induit des droits et des devoirs. C’est une vertu nécessaire à la cohésion sociale, à la construction nationale, à la défense de l’intégrité territoriale et au rayonnement du pays. Elle est un pilier d’une nation solide qui exige de tous les citoyens une participation active à la vie en société».

Au plan qualitatif, la sémiologie du texte indique combien il est utile de s’imprégner de ces valeurs et des principes qui en dépendent. C’est dans le préambule qu’on s’en rend compte là où il est fait référence au «PEUPLE SOUVERAIN DU MALI », qui, «se fondant sur la Constitution du 22 juillet 2023 ; fier de son histoire et de sa culture millénaires ; considérant les différentes crises et les conflits liés aux contextes géopolitique, géostratégique, au changement climatique et à la mauvaise gouvernance qui ont affecté le tissu social, ébranlé les institutions de la République et entravé le développement global du pays», assume son héritage, son passé et son destin politique dans un contexte mondial imposant de se justifier dans tous les actes de déconstruction posés jalons vers un Mali Kura.

Cependant, bien que toujours confronté à plusieurs défis (économiques, financiers, climatiques, sécuritaires, institutionnels), le pays a plus à faire pour atténuer les maux liés à la «mauvaise gouvernance», qui a engendré ces conflits inter et intra-communautaires, ces décennies de rébellion et d’instabilités politiques et institutionnelles, ces trafics et crimes organisés transfrontaliers et le terrorisme international exporté.

Tout en rappelant que le Mali est indépendant depuis le 22 septembre 1960, et s’est engagé dans l’édification d’un État souverain avec comme devise «un Peuple, un But, une Foi», qui fonde les principes de l’unité et de l’indivisibilité du pays, l’avant-projet explique que «cette indépendance a suscité beaucoup d’espoir pour la construction d’un État-nation, riche de sa diversité socioculturelle et religieuse». Partant de cette donne, l’avant-projet insiste sur «les politiques culturelles et éducatives [.] qui ont favorisé le vivre-ensemble et le brassage des populations à travers l’enseignement de masse, les écoles nomades, le système d’internats, les semaines nationales de la jeunesse et des sports, les biennales artistiques, culturelles et sportives». En droite ligne de cette préoccupation, les rédacteurs de l’Avant-projet ont apprécié la longue tradition d’accord de paix, de dialogue et de consensus de la nation malienne et félicitent les Autorités en place qui ont pris d’importantes initiatives dans le cadre du processus de paix, notamment à travers la création d’un Ministère en charge de la Paix et de la Réconciliation nationale ; la mise en place de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) ; la Conférence d’Entente Nationale (CEN) ; la Charte pour la Paix, l’Unité et la Réconciliation nationale ; le Dialogue National Inclusif (DNI) ; la création de l’Autorité de Gestion des Réparations en faveur des Victimes des crises au Mali (AGRV) ; la création du Centre pour la Promotion de la Paix et de l’Unité au Mali ; l’institutionnalisation de la Semaine Nationale de la Réconciliation (SENARE) et la signature du Pacte de stabilité sociale et de croissance.

Programme des rencontres au CICB

Dans cette lancée, les différents ministères concernés par ces échanges avec les forces vives de la Nation ont été mobilisés du 17 au 21 février au CICB.  En commençant par les ministères de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, des Affaires religieuses, de la Culture, de l’hôtellerie et du tourisme qui ont ouvert le bal pour un nouveau départ le lundi 17 février 2025. À 10 heures, sous le leadership  du Président Ousmane Issoufi Maïga, la Commission a réuni les Autorités et légitimités traditionnelles, les Confessions religieuses et les Communicateurs traditionnels, sans oublier la Confrérie des Chasseurs. Dans l’après-midi, à 15 heures, ce fut au tour des organisations de Femmes, de Jeunes et des personnes vivant avec un handicap. Elles étaient pas les seules, puisqu’on comptait parmi elles les organisations intervenant dans le domaine de la gouvernance, des libertés, des droits humains et celles luttant contre la corruption, dont la Commission nationale des Droits de l’Homme. Cette seconde rencontre s’est déroulée sous les auspices du Ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, du Ministère de la Promotion de la Femme ; du  Ministère de la Jeunesse, des sports et de la construction citoyenne, du Ministère du Développement social et du Ministère de la Justice.

Ensuite, la Commission de rédaction de l’avant projet de la charte nationale pour la Paix et la Réconciliation nationale s’est chargée d’accueillir à 15 heures, les Partis et regroupements politiques et les Associations à caractère politique. Sous la conduite du ministre chargé de l’Administration territoriale, les vérités longtemps tues ont été entendues sans dérives. Ce fut un mardi, le 18 février 2025 pour la stabilité politique tant convoitée par tous. Après trois tours d’horloge, passé midi, à 15 heures, le Ministère chargé de la Fonction Publique et du Travail, le Ministère chargé de l’Emploi et le Ministère de la Justice vont exercer leur accompagnement de la Commission en face des représentations syndicales. Au troisième jour, les échanges se sont poursuivis en deux phases. À 10 heures les Ministères du Commerce et de l’Industrie, des Mines, de la Justice et de la Culture  ont reçu, le mercredi 19 février dernier, les organisations socioprofessionnelles et le Conseil National du Patronat. Avant de passer le relais dans l’après midi au Ministère de l’Enseignement Supérieur, pour enregistrer la contribution des universitaires des universités du Mali. Une implication désirée et attendue à hauteur de souhait, autant que celle des Autorités Administratives Indépendantes et des Organisations de la presse.  Ces faîtières et parapublics ont bouclé la bouclé des rencontres finales du Dialogue Inter-Maliens, débouchant sur l’avant projet de charte nationale pour la Paix et la Réconciliation, conçu comme document référentiel de la nation du Mali Kura. Le jeudi 20 février a donc marqué la fin de ces journées de rencontres citoyennes initiées par la Commission de rédaction. À cette cause, les Ministères de la Communication et de l’économie numérique, de l’Administration territoriale, des Affaires religieuses et de la Culture ont assuré la permanence du présidium du jour.

Bien fondé de la Charte

Après ce large tour d’horizon sur la profonde crise que connaît le pays à partir de 2012, la longue traversée du désert et son lot de rébellions et d’invasion terroristes, il revenait à l’ensemble des acteurs de la vie sociale, politique, institutionnelle, économique, culturelle, religieuse et environnementale de songer au RESETTING DE LA RÉPUBLIQUE DU MALI entamé avec la Rectification du 24 mai 2021, consolidé avec les Assises nationales de la Refondation de 2022, puis activé avec le projet de texte constitutionnel, la campagne référendaire et le scrutin du Référendum du 18 juin 2023 et la promulgation de la Constitution de la IVème République le 22 juillet 2023. Pour sa sécurisation et son verrouillage, le CINSERE et l’AIGE ont joué leur partition avec l’adoption de la loi électorale et la matérialisation des réformes de fond liées aux dispositions transitoires aménagées dans la nouvelle Constitution. Successivement, avec la reprise de Kidal la «citadelle imprenable » en novembre 2023 et la dénonciation intemporelle de l’accord extra tempora d’Alger, c’est notre intégrité territoriale, jadis menacée qui devenait la seconde source de satisfaction vis-à-vis de la Transition malienne hormis la journée nationale de la souveraineté retrouvée du 14 janvier 2022. Toutes choses restant égales par ailleurs, petit à petit, toutes les localités qui étaient hors contrôle des services de l’État central sont en train de revenir dans le giron gouvernemental, même si certaines parties du territoire sont encore en butte aux éléments radicalisés des groupes armés terroristes. C’est ainsi que, pour refonder l’État et recoudre le tissu social, dans son discours à la nation le 31 décembre 2023, le Président de la Transition, Général d’Armée Assimi Goïta, a jeté les bases d’un nouveau CONTRAT SOCIAL entre tous les compatriotes Maliens exclusivement et sans exclure aucune Malienne ni aucun Malien, de l’intérieur comme de l’extérieur. C’est ce qui valide, par Décret, au président Ousmane Issoufi Maïga et son équipe de se voir confier la lourde tâche de réfléchir contre les maux de notre société et de leur trouver des solutions consacrées et pérennes autour du concept du «Maya» ou «humanitude». Ils se sont ainsi engagés à piloter le DIM ou dialogue inter-Maliens dans un esprit de concorde et de tolérance et ont mené le processus jusqu’à son terme avec des concertations nationales organisées tambour battant. Le point d’orgue de cette grande messe s’est passé au CICB le 10 mai 2024, après trois mois d’intenses activités préparatoires de cette fusion nationale.

Dans cet esprit, afin de trouver des solutions idoines et pérennes aux problèmes du pays, le Chef de l’État trouvera nécessaire de prolonger puis de proroger le mandat du comité de pilotage devenu entre temps la Commission de l’avant projet, ensuite Commission de rédaction de l’avant-projet de ladite charte. Par Décret N°2024-0384/PT-RM du 28 juin 2024, la Commission est instituée et ses membres aussi, nommés par Décret N°2024-0385/PT-RM du 28 Juin 2024. Pour ainsi dire, sans ce trait de génie qu’a eu le Général d’Armée Assimi Goïta, trente ans de démocratie vendagée n’auront pas pu être sauvés du naufrage institutionnel apparu entre 2012 et 2021. Les précieux efforts consentis par les militaires pour s’auto-propulser au devant de la scène sont aujourd’hui couronnés de succès avec la recomposition de la classe politique et le renforcement de la cohésion sociale aux niveaux sectoriels et informels. Même si l’insécurité persiste elle est devenue résiduelles, de sorte qu’elle ne peut empêcher à l’État de déployer ses services centraux déconcentrés dans plusieurs localités jadis sous emprise djihadiste. De tous ces éléments, les rédacteurs de l’avant projet de charte ont tenu compte par rapport à l’appréciation finale qu’auront de son contenu les institutions et organisations internationales, régionales et sous-régionales censées apporter leur contribution dans cette (re) co-construction de la démocratie selon nos vues et la vision éclairée du Général d’Armée Assimi Goïta

Mais il ne faut jamais perdre de vue, que pour stabiliser le pays, durant une décennie entière, les rivalités entre les puissances étrangères ont coïncidé avec la recrudescence des attaques de nos localités et de leurs populations par des groupes armés terroristes, coalisés aux mouvements et regroupements de la rébellion nordiste.

Malgré tout, «à partir de mai 2021, les autorités de la Transition ont adopté une nouvelle approche endogène du processus de paix basée sur les valeurs sociétales et la culture malienne. Elles ont en outre opéré un changement de paradigme à travers des réformes politiques et institutionnelles ainsi que la diversification des partenaires stratégiques. Le résultat obtenu, entre autres, est le renforcement des capacités des Forces armées et de sécurité et le recouvrement de l’intégrité du territoire national», dit le rapport sur l’avant projet de la charte nationale pour la Paix et la Réconciliation. Autre résultat obtenu, c’est que «l’action publique est désormais guidée par trois principes : le respect de la souveraineté de l’État, les choix souverains du Peuple et la défense de ses intérêts entamé l’autorité de l’État sur une bonne partie du territoire national et fragilisé l’architecture de défense et de sécurité».

Il était donc important pour les administrateurs du droit que ce texte d’avant projet de charte s’inscrive dans une démarche appropriée de formalisation, de validation et d’application de son contenu à généraliser, et permettre la cohésion sociale et le vivre-ensemble.

Dans le souci d’impliquer l’ensemble des Maliens dans la recherche d’une paix durable, Son Excellence le Général d’Armée Assimi GOÏTA, Président de la Transition, Chef de l’Etat, a opté pour l’appropriation nationale du processus de paix et de réconciliation. Il a initié le Dialogue inter-maliens pour la Paix et la Réconciliation nationale qui s’est déroulé, sans ingérences extérieure, de février à mai 2024, sur l’ensemble du territoire national ainsi que dans les ambassades et consulats du Mali.

Tirant les enseignements de toutes les rébellions au Mali, de 1963 à 2012 et des accords subséquents et prenant en compte les acquis de ces accords, le Dialogue inter-maliens pour la Paix et la Réconciliation nationale a recommandé la rédaction d’une Charte pour la paix, la sécurité, la cohésion sociale et le vivre-ensemble. Ainsi, aux termes de l’article 2 du Décret N°2024-0384/PT-RM du 28 juin 2024, «la Commission de rédaction de l’avant-projet de la Charte nationale pour la Paix et la Réconciliation nationale est chargée d’élaborer l’avant-projet de texte de la charte devant constituer le document de référence pour toutes initiatives, actions et activités qui concourent à la sécurité, à la paix, à la réconciliation nationale, à la cohésion sociale et au vivre-ensemble au Mali». Prions, en ce mois béni de Ramadan, que les Maliennes et Maliens comprennent, comme les acteurs politiques, l’esprit dans lequel cette charte est élaborée, pour que tous y adhèrent, sincèrement, pour son bien fondé pérenne.

KhalyMoustapha LEYE

Commentaires via Facebook :

REPONDRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

Leave the field below empty!