Même si ses prérogatives ne lui confèrent aucun rôle de médiation, l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) voudra-t-elle cautionner un flop électoral ?
Lors de la rencontre, le lundi dernier avec les partis politiques et la société civile, les uns et les autres ont mis l’accent sur le caractère « participatif et inclusif », « hautement souhaitable » des prochaines élections.
Les représentants de la plateforme politique du 31 mars ont même, au nom d’une cinquantaine de formations politiques, déclaré qu’ils suspendent leur participation à ce cadre de concertations, jusqu’à la libération de leurs camarades politiques en détention.
En effet, ils sont désormais 12 responsables politiques en détention, globalement pour « tentative de déstabilisation des institutions et trouble à l’ordre public ». Et il n’est pas abusif de considérer ces hauts cadres politiques comme des détenus politiques, étant donné que presque tous ont été interpelés dans l’exercice de leurs activités politiques. Ce qui constitue une image quelque peu écornée du pouvoir de la Transition …
Etant donné que ces détenus sont pour la plupart des personnalités de la direction des partis politiques comme l’ADEMA-PASJ, le RPM, le PDES, l’ASMA-CFP, il va sans dire que leur situation doit préoccuper les acteurs électoraux. Car, les partis politiques sont les acteurs principaux des élections et sont appelés à jouer un rôle primordial dans l’animation de la vie politique nationale. Ce qui fait que demander que leur sort soit versé dans le débat politique ne serait pas surabondant ou superfétatoire ! Mais la question qui se pose est de savoir si l’AIGE peut s’impliquer, d’une manière ou d’une autre, pour faire libérer ces leaders politiques et non des moindres dans leurs états-majors respectifs? Rien n’est moins sûr ! Car, comment l’ADEMAA-PASJ, le PDES, par exemple, peuvent-il aller sereinement aux élections quand, pour le premier parti cité, le vice-président, Moustapha Dicko et son Secrétaire général, Yaya Sangaré, tous les deux anciens ministres sous IBK ; pour le second, le président, Moulaye Oumar Haïdara ; sont sous les verrous ? Avec ces ressources humaines de qualité de ces partis politiques en détention, la participation de ces partis aux prochaines compétitions électorales pourrait être négativement impactée. Car, chacun de ces cadres est censé jouer un rôle de mobilisation décisif dans leurs fiefs respectifs, tant lors de la précampagne que durant la campagne électorale. C’est donc cet aspect qui semble imposer à l’AIGE de ne pas rester indifférente à cette sollicitation.
Et c’est l’analyse qu’a dû faire le président de l’AIGE, Me Moustapha Cissé, qui a reconnu que l’AIGE ne peut pas s’immiscer dans une « affaire de justice », mais en tant que « Maliens et entre frères du même pays », l’on peut plaider pour un dénouement paisible à cette situation.
En plus de cette lecture de cette situation plutôt embarrassante, l’on comprend que l’AIGE souffrirait de devoir administrer son tout-premier rendez-vous électoral, menacé d’un éventuel boycott. Car, en choisissant de claquer la porte du cadre de concertations de l’AIGE avec les partis politiques, cette cinquantaine de partis pourrait, si sa logique est maintenue, finir par prôner la politique de la chaise vide. Ce qui ferait que les prochaines élections, du moins la présidentielle pourrait voir l’ADEMA-PASJ, le RPM, le PDES, l’ASMA et leurs alliés, dont l’UDD, la CODEM, le PS Yelen Kura et d’autres aller au boycott. Ce qui serait un gâchis et une situation regrettable. Alors que de nombreux acteurs politiques et observateurs avertis de la scène malienne estiment qu’il faut couronner la transition en cours par des élections inclusives, libres, crédibles et transparentes. Ce qui risque de ne pas être le cas. Ce qui sera aussi une fausse note à mettre au bilan de l’AIGE que l’Etat a consenti d’énormes sacrifices pour créer. D’où des attentes fortes sur un rôle de médiateur que l’AIGE devrait jouer, pour une paisible sortie de crise.
Boubou SIDIBE/maliweb.net