Dans une interview qu’il nous a accordée, Modibo Hamadoun Bocoum évoque du programme Schindel-Emploi Sahel, ces différents volets et surtout son importance pour la promotion de l’emploi jeunes, la lutte contre la pauvreté et le développement d’une manière générale des trois pays du Sahel qui sont en substance les zones d’intervention de ce projet programme monté depuis 2018 par des consultants internationaux dont lui-même.
Aujourd’hui-Mali : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs
Modibo Hamadoun Bocoum : Je m’appelle Modibo Hamadoun Bocoum. Je suis consultant international, agro économiste. Au plan institutionnel, je suis le président de l’ONG Groupe Pivot emploi au Sahel, initiateur du programme Schindel-Emploi au Sahel, proposé depuis 2018 au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Les ministères et directions respectifs des trois pays nous connaissent parfaitement. Je suis aussi membre de PEG Groupe, un ensemble de sociétés basées à Genève et qui a ses ramifications en Europe et en Asie. Je fais partie du consortium Dafees à Turin en Italie, c’est une grande organisation d’experts internationaux qui développe l’agro business en Italie, qui s’intéresse aussi à la qualité des produits agroalimentaires et autres. Pour rappel, l’Italie est le premier pays agricole du monde.
Je suis aussi membre de Green Stone qui développe l’agriculture hors sol à travers l’Europe et l’Asie.
Présentement, je suis de retour au bercail pour apporter ma contribution à la construction nationale à travers le secteur privé et je sens que l’Afrique est en train de “se réveiller au Mali” à travers un changement de paradigme politique et économique.
Vous étiez où avant votre retour au bercail ?
J’étais à cheval entre Genève et Turin pour des raisons professionnelles parce que je suis expert maison aussi avec Dafees à Turin en Italie.
Dans votre présentation vous avez parlé du programme Schindel-Emploi Sahel. Est-ce que vous pouvez nous expliquer davantage ?
Le programme Schindel-Emploi Sahel est une initiative de notre groupe d’experts. Nous sommes tous des consultants internationaux, des chefs d’entreprise, des chefs de bureau d’études et autres. Nous avons initié le programme Schindel-Emploi Sahel pour apporter une réponse concrète à tout ce que les Etats européens et africains ont tenté de faire sans succès. C’est-à-dire retenir la jeunesse africaine qui va dans les océans et les déserts avec son fardeau de deuils récurrents. Nous avons des approches stratégiques visibles pour faire la promotion d’un certain nombre d’investissements dans l’agro business pour que les Africains surtout les jeunes du Sahel puissent avoir de l’auto-emploi.
Et Schindel, c’est trois volets principaux : le premier, qui est d’ailleurs le moteur de l’initiative, est de pouvoir faire la promotion d’une industrie de l’emploi des jeunes du Sahel. Et comment ? Par l’agriculture et par l’élevage. Nous avons identifié le marché arabe de la viande, car depuis 2016 l’Organisation de la conférence islamique à Djeddah avait invité tous les pays musulmans de la planète pour les faire participer au marché du business halal et nous nos produits carnés sont naturellement halals. Donc, les pays arabes ont besoin de la viande de nos pays et qui dit viande à l’export, parle d’animaux sains, bien alimentés.
Les trois pays que nous avons choisis depuis 2018 pour ce programme Schindel-Emploi Sahel sont : le Mali, le Burkina et le Niger. Pourquoi ? Parce que ce sont des berceaux connus d’élevage au Sahel et en Afrique de l’Ouest. En 2018, nous avons fait une estimation et ces trois pays qui compilent à peu près 500 000 carcasses de bovins en exportation de bétail sur pieds par an. Ce qui est un désastre économique. Nous avons donc choisi ces trois pays pour développer de l’élevage marchand avec les opérateurs économiques pour pouvoir exporter la viande sahélienne halal naturellement vers les marchés du Golfe.
Nous avons eu à discuter avec la Chambre du commerce de Dubaï, avec la Banque islamique de développement au double niveau de Djeddah et Dakar. Et nous avons discuté aussi avec des organisations chinoises spécialisées dans le commerce de la viande et nous avons des intentions d’achats. A travers ces intentions, on peut dire à chacun de ces trois pays de promouvoir 100 000 carcasses de “bovidés” à exporter. Comment les jeunes se retrouvent au cœur de ce programme ? Ils se retrouvent dans ce programme pour la simple raison que nous sommes au Sahel où le rétrécissement quantitatif et qualitatif des ressources est une réalité environnementale.
C’est partant de ce constat que nous avons identifié une herbe en Egypte qui s’appelle herbe à Eléphant, une graminée qui peut faire 300 à 400 tonnes par hectare et par an sous arrosage. Avec un tel rendement, nous avons dit que nous allons mettre les jeunes ruraux du Mali au travail avec des coopératives agricoles juvéniles sous le contrôle de la Fédération nationale des jeunes ruraux. Par exemple, si nous prenons un village, les jeunes s’organisent en coopérative agricole juvénile, les conseils du village leur donne ente 10 et 50 hectares selon leur nombre et nous faisons un projet public pour aménager ces espaces et produire ce fourrage à haut rendement et à qualité nutritive reconnue. Pour votre information, cette herbe est produite par les Chinois au niveau de Séribala et Dougabougou, ils vendent la tonne à 70 000 F CFA.
Donc l’herbe à Eléphant est déjà introduite au Mali ?
Evidemment, elle est là depuis quelques années, elle a été officiellement introduite par Hambarké Yarnangoré un éleveur de “souche” qui vit à Niono. Et nous, nous avons pris le côté scientifique pour voir comment la développer au Sahel. Je me suis rendu en Egypte où j’ai visité les champs des entreprises qui développent cette culture. J’ai discuté avec les structures étatiques, les privés qui évoluent dans le domaine. J’ai amassé et compilé un certain nombre d’informations utiles.
Nous sommes venus faire des tests au Mali, au Burkina et envoyer des documents au Niger à un certain Hassane Oumarou un cadre de la direction nationale de l’élevage du Niger et tous les tests ont été concluants. L’IER du Mali a fait un test, il y a deux ans et demi, qui a été aussi concluant.
Nous sommes partis sur la base de 200 à 400 tonnes par hectare. Prenez dix hectares par exemple et quand vous avez 300 tonnes à l’hectare cela fait 3000 tonnes. C’est un paquet de 210 millions de FCFA par an. Donc dans un village où les jeunes peuvent avoir même 100 millions FCFA ne parlons même pas de 210 millions FCFA par an, nous pouvons dire que ces jeunes sont des patrons et ne seront jamais tentés par l’aventure.
Comment vous allez mobiliser les ressources pour la matérialisation de ce programme ?
Avant de répondre à cette question, je vais évoquer le deuxième volet du Schindel-Emploi Sahel, parce que le premier volet que j’ai présenté se résume à l’emploi d’une manière générale. Le deuxième volet est féminin. Pour rappel, nous sommes au nombre de six experts qui ont travaillé sur ce document. C’est un de nos collègues canadien (paix à son âme) qui a proposé d’inclure le volet Gender (genre et développement rural). Pour ce faire, nous travaillons tous les jours avec la Fédération nationale des jeunes ruraux du Mali dont le président est Mamadou Sissoko et nous travaillons aussi avec la Fédération nationale des femmes rurales du Mali, présidée par Mme Niakaté Goundo Kamissoko. Et voici l’approche que nous proposons : nous voulons que les femmes travaillent par l’embouche s’agissant du même marché de viande halal. En plus du marché arabe, le marché ouest-africain est là s’y ajoute le marché bio. Pour soutenir ces dames, nous avons initié le programme “One woman one beef” ou une femme un bœuf en français.
Et le troisième volet ?
Le troisième volet, c’est Schindel secteur privé. Nous voulons que les acteurs du secteur privé reprennent en charge les questions de développement de nos pays, ils peuvent le faire, c’est une question de volonté, d’approche et de management.
Et que serait l’apport du Schindel pour le secteur privé ?
L’apport du Schindel, c’est d’abord d’organiser le secteur privé avec des appuis de confort de l’Etat, de mettre les privés en relations avec des fonds internationaux.
Les trois pays du Sahel traversent une crise, est-ce que vous pensez qu’on pourra mettre en place dans l’immédiat ce vaste programme dans ces Etats ?
Je pense que Schindel pourrait être, entre autres, une solution de paix. Les jeunes que nous voyons en train de faire le jihadisme, du banditisme, du terrorisme, c’est parce qu’ils n’ont pas de travail.
Est-ce que vous avez un message pressant à lancer aux autorités de ces pays en transition ?
Je pense qu’ils sont en train de marcher sur nos pas, car depuis 2018, nous avons identifié ces trois pays comme zone d’intervention et nous avons discuté avec les autorités de chaque pays notamment les ministres de l’Elevage et de la Pêche, les ministres de l’Industrie, les ministres chargés de l’Investissement, ce, depuis 2018. Et avec le Covid-19 en 2020, il y a eu une période de rupture et immédiatement en 2021, le gouvernement du Mali a envoyé trois ministres pour lancer le programme Schindel-Emploi emploi dans la région de Kayes.
Je dis aux autorités de ces trois pays de prendre Schindel comme une offre mécanique pour promouvoir l’industrie de l’emploi des jeunes dans nos pays ; promouvoir un développement porté par le secteur privé ; promouvoir aussi l’autonomisation du “genre” en milieu rural, promouvoir un développement sûr de notre tissu industriel au niveau des trois pays et créer des grappes économiques AES dans un certain nombre de filières : agricole, pastorale, piscicole, etc.
Pour moi, Schindel est un instrument de valeur pour corriger beaucoup de choses. Parce que si nos jeunes ont de l’auto-emploi et gagnent suffisamment leur vie, si les femmes ont leur autonomisation sur place avec des richesses mêmes minimes mais renouvelables ; si le secteur privé peut avoir un réel programme d’investissement visible avec une destination connue c’est-à-dire une orientation stratégique nette de leurs investissements, Schindel-Emploi Sahel deviendrait alors un programme concret et innovant. En tout cas, il faut être sûr que Schindel est une solution extraordinaire innovante car quand vous regardez les pays européens, il n’y a aucun pays dont le développement est porté par les Etats, c’est seulement les ACP et l’Afrique surtout, où tout le développement se trouve sur le dos des Etats. Sinon partout dans les pays développés, c’est le secteur privé qui tire le développement.
Je prends le cas du secteur routier et des énergies renouvelables qui sont des opportunités d’investissements privés qui peuvent être portés par nos opérateurs économiques à travers le programme partenariat public privé (PPP).
Pour moi, il suffit que l’Etat mette en place un dispositif permettant aux privés de chercher des financements pour la construction des routes à péage. C’est pareil aussi pour le secteur énergétique.
Votre mot de la fin…
C’est de prier pour notre pays et pour le Sahel. Je suis sûr et certain que Schindel est une solution pour beaucoup d’autres axes prioritaires de développement économique et social de notre pays et des pays du Sahel globalement et pour l’Afrique.
Parce qu’il faut un changement de paradigme économique tout comme nous sommes entrés dans le changement de paradigme politique.
Et si les pays de l’AES acceptent que le secteur privé porte le développement et la croissance économique, que nos Etats acceptent aussi d’entrer dans la transition énergétique, l’Afrique s’éveillera au Sahel.
Propos recueillis par Kassoum Théra