L’italo-française Emmanuelle Di Pasquale alias Manu Sissoko en exclusivité

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« Epouse du petit-fils de feue, la grande griotte Dèdè Kouyaté, j’ai fait des recherches au Mali sur la danse et la musique Khassonkées… Il est vital de créer des ponts entre les cultures…»

Votre Hebdo a partagé à baton rompu avec son invitée à votre attention, son parcours mais également son histoire, son amour pour la musique africaine, ses succès et ses perspectives qui constituent pour les fans et les nouvelles générations, des exemples remarquables dans le monde la musique, particulièrement de la world music.

Notre voie : Peut-on savoir qui vous êtes à l’état civil ?

Manu : Bonjour tout d’abord et merci pour votre intérêt !

Je m’appelle Emmanuelle Di Pasquale, née d’un papa d’origine italienne et d’une maman française.

Notre Voie : Comment est donc venu “Manu SISSOKO” ?

Manu : Le nom Sissoko est venu de mon mari, né au Mali, qui a grandi dans la grande famille de Dèdè Kouyaté et de son fils Siriman Sissoko.

Notre Voie : Qui est votre mari ?

Manu : Mon mari s’appelle Dramane Sissoko, petit-fils de feue la grande griotte Dèdè Kouyaté et fils de feu Siriman Sissoko qui a été arrangeur à l’ensemble instrumental du Mali. Il joue le djeli doundoun, instrument typique de chez les Khassonkés et il a toujours été mon guide dans la compréhension de la culture malienne. Voilà

Notre voie : Pouvez-vous nous parler de votre parcours artistique et de ce qui vous a inspirée à la connexion avec l’Afrique ?

Manu : Je suis arrivée en Afrique, au Mali plus précisément – pour faire mes recherches en ethnomusicologie sur la danse et la musique Khassonkées. J’étais très intéressée par le lien entre la danse et la musique en Afrique. J’ai donc décidé de faire mes recherches directement au village chez un peuple dont  j’aimais particulièrement la danse et le style, très fin et subtil.

Puis, j’ai décidé de devenir professionnelle car – en parallèle – je faisais beaucoup de danses africaines traditionnelles. J’ai eu envie de me former directement en Afrique dans un ballet afin d’être formée directement à la source – parmi des danseurs professionnels dont l’énergie et le savoir étaient sans précédent dans mon expérience. En Europe, il n’y avait pas encore le niveau pour pouvoir former les professionnels passionnés de danse traditionnelle. Par ailleurs en Afrique, il y avait les fêtes, les cérémonies, les cercles de danse dans lesquels j’ai pu observer puis m’exercer à explorer et créer les répertoires de danse, appris dans les ballets ou avec ma belle famille khassonkée.

Notre Voie : Comment votre expérience en Europe a-t-elle influencé votre travail

artistique avant et après votre connexion avec l’Afrique ?

Manu : On peut dire que c’est l’Afrique qui a influencé mon travail. Avant ma connexion à l’Afrique, je n’avais pas envie de devenir artiste. C’est la manière dont l’art est vécu en Afrique qui m’ a donné envie de faire ce métier. L’art est démocratique. La danse appartient à tout le monde. Chacun peut explorer son corps comme il le sent et c’est ça qui a été mon déclic. En Europe, on a l’impression que l’artiste appartient à une élite intouchable…

Notre Voie : Comment votre style et votre approche artistique ont-ils évolué depuis que vous avez commencé à explorer les repertoires africains ?

Manu : J’essaie toujours de faire en sorte que mon art serve à tous et notamment aux femmes. La danse qui est mon premier outil permet aux femmes de s’exprimer et de se rassembler. Mon art développe la sonorité à l’image des fêtes de mariage où l’on voit les mamans, les grands mères ou les jeunes filles danser ensemble. Pour le chant, j’aime donner des conseils, j’aime parler de choses politiques sans jamais oublier qu’avec le chant, on peut rendre le politique poétique ! C’est un outil inégalable pour faire passer des messages sur le « mieux vivre ensemble » et pour donner l’espoir d’un monde de paix – à l’instar des anciennes chanteuses comme Coumba Sidibé ou Ramata Diakité etc…

Notre Voie : Pouvez-vous nous décrire un projet ou une œuvre en particulier qui illustre cette transition dans votre art ?

Manu : Par exemple, la chanson « Marabali » qui plait beaucoup aux Maliens. J’y raconte que notre monde actuel ne compte plus les mal éduqués. Ceux qui ne pensent pas à demain, ceux qui s’insultent sur les réseaux sociaux etc… Je les conseille humblement de changer d’attitude car, la mort n’épargne personne et que les regrets taperont à leur porte…

Notre Voie : Quels sont les défis que vous avez rencontrés en intégrant des éléments africains dans votre musique ?

Manu : Mon premier défi  a été de comprendre parfaitement le Bambara afin de primo : pouvoir intégrer le ballet de danseurs professionnels (la Troupe du District de Bamako) et de comprendre parfaitement quels étaient les choses importantes pour être considérée comme professionnelle et reconnue. Les informations se passent en Bambara, personne ne parle français dans ce milieu – et c’est tant mieux. Ça m’a permis de vraiment m’intégrer. Secundo: Comprendre les chants qui accompagnent les danses, comprendre le sens profond, les conseils et l’histoire. C’est pour moi essentiel.

Notre Voie : Comment percevez-vous la réception de votre musique en Afrique par rapport à celle d’Europe ?

Manu : Je sens que ma musique est vraiment très bien perçue en Afrique, surtout au Mali et dans les pays de culture mandingue. Aucune chanteuse française n’avait fait ça auparavant – c’est- à- dire  créer ses propres musiques d’inspiration mandingue-Wassolon tout en conservant une attache à la tradition. Les Maliens adorent ça. Ça met en valeur un patrimoine, une culture, une Histoire et un peuple. En Europe, parfois les gens ne comprennent pas mon engouement pour la culture malienne, mais ils sont touchés par les musiques, la voix, les arrangements – ce qui leur permet ensuite d’aller un peu plus loin et de découvrir le Mali d’une autre façon – comme un pays extrêmement riche, ouvert et accueillant.

Notre Voie : Quels artistes africains ou français vous ont particulièrement influencée ou inspirée dans votre carrière ?

Manu : J’ai depuis mon adolescence écouté les divas comme Amy Koïta, Kandia Kouyaté bien sûr mais également les grandes chanteuses du Wassolon comme Oumou Sangaré, Nahawa Doumbia, Coumba Sidibé ou Sali Sidibé. Les orchestres nationaux tels que le Rail Band ou le Super Djata Band ou encore le Super Biton. Ces grands orchestres ont pour moi marqué un tournant dans la musique africaine internationale, permettant à cette dernière de tourner partout dans le monde, mélangeant les instruments traditionnels et occidentaux, s’inspirant des rythmes traditionnels tout en y incorporant cuivres et autres. Ce sont mes sources d’inspiration. La complexe simplicité de ces orchestres m’émeut toujours.

Notre Voie : Quels sont vos projets futurs et comment envisagez-vous l’évolution de votre art dans les années à venir ?

Manu : Je ne sais pas encore… Les idées viennent au fur et à mesure. Pour l’instant, vivre le moment présent et faire vivre l’album « MéTisse » sur les différentes scènes d’Europe et d’Afrique est notre projet principal. Et bien sûr continuer à faire danser les gens du monde entier !

Notre Voie : En quoi pensez-vous que votre art peut contribuer à un dialogue interculturel entre l’Europe et l’Afrique ?

Manu : Il est vital de créer des ponts entre les cultures. On observe que le repli identitaire est de plus en plus commun dans chacun des pays du monde – et ce repli vient du fait que l’on ne communique plus. On n’arrive plus à voir en l’Autre, un autre Soi. C’est la peur de l’inconnu qui amène le racisme et tous ces mots en « isme ».  Je pense que l’Art a toujours pour vocation d’ouvrir les yeux aux gens, permettre de montrer que nous

sommes tous des hommes – et qu’il faut s’unir sur cette Terre.

Notre Voie :  Si vous avez un cri de Coeur, ça sera quoi?

Manu : J’aime cette phrase de Laurent Gounelle – que j’ai mis en introduction de mon site internet justement – car, elle résume bien ce que je représente : « Embrasse l’univers de ton prochain et il s’ouvrira à toi »

Notre Voie :  Avez- vous des appels?

Manu : Restons unis. Ne laissons pas la division nous couper les uns des autres. Il y a des bonnes et des mauvaises personnes dans chaque pays, chaque culture, à l’intérieur même de chaque être humain, il y a du bon et du mauvais. Faisons le choix de l’Amour. Ça peut paraître simpliste, mais c’est finalement ce choix là le plus difficile….

Merci infiniment pour votre intérêt !

Ala ka si ni kɛnɛya d’i an bɛɛ ma !

AMINA !

Réalisée par Fousseyni SISSOKO

Source  : NOTRE VOIE

Commentaires via Facebook :

1 commentaire

  1. Cette dame, contrairement à la très grande majorité des Français qui mettent les pieds au Mali, est respectueuse de la culture malienne !

    La moindre des choses quand un étranger vient au Mali, Français ou pas Français, c’est d’apprendre au moins une des langues nationales africaines du pays et de s’intéresser à la culture du pays d’accueil.

    C’est leur complexe de supériorité et leurs grandes gueules qui font détester les Français au Mali et en Afrique.

    Manu Sissoko n’a pas ces défauts. Elle parle bien le bamanakan et danse bien à la malienne. Elle respecte tellement la culture malienne qu’on dirait qu’elle n’est pas Française, mais originaire d’un autre pays d’Europe au passé non colonial.

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