Dr. Djibril Soumare, professeur a la faculte d’histoire archéologie :, “Les Arabes et les Européens ont enlevé à l’Afrique ses bras valides”

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Mali Tribune : Quelle est la définition de la traite négrière ?

Djibril Soumaré : Avant d’aller directement à la traite négrière, il faut souligner que cette traite est issue d’un phénomène qui a eu une grave répercussion sur la l’Afrique. Ce phénomène n’est autre que l’esclavage. On ne peut pas évoquer la traite négrière sans parler de l’esclavage car la traite en est issue.

Sans l’esclavage, il n’y aurait pas eu de traite. L’esclavage, on peut le définir comme étant une exploitation de la force humaine de travail utilisée depuis longtemps dans les sociétés préindustrielles et en Afrique comme ailleurs.

Il a existé dans presque toutes nos sociétés ici au Mali. L’esclavage a existé au Mali depuis les temps immémoriaux. Maintenant quand on vient à la traite négrière issue de l’esclavage, elle ne peut être définie que comme étant le commerce des esclavages. L’humanité a connu deux traites. Celle des Arabes et celle de l’atlantique.

Mali Tribune : Combien de temps a duré la traite négrière ?

M S. : La traite arabe a plus duré que la traite européenne. C’était à partir du VIIe jusqu’au XIVe siècle. Si nous faisons le calcul, la pratique a pratiquement duré pendant 12 à 13 siècles. La deuxième forme de la traite, c’est-à-dire la traite atlantique ou européenne, elle s’étend du XVIe au XIXe siècle.

Mali Tribune : Pourquoi la traite arabe a duré plus que la traite européenne ?

M S. : Parce qu’il y avait un souci de main d’œuvre chez les Arabes. Ils avaient surtout besoin de la main d’œuvre servile. Il faut d’abord dire que les Arabes ont fait une première incursion en Egypte. On peut donc dire que la traite négrière même est née avec les Arabes. Cette traite arabe a été très cruelle surtout pour les filles car elles étaient les plus exportées par rapport aux hommes et faisaient tout le voyage à pied dans le Sahara.

 

Mali Tribune : Quel est le nombre exact de personnes victimes de la traite négrière au Mali ?

  1. S. : Certains historiens nous parlent de milliers. C’est difficile de donner le nombre exact parce que notre histoire n’a pas été écrite. On parle de milliers. Et certains historiens se sont b basé sur cette estimation pour dire qu’il y a eu 15 millions d’esclavages exportés pour toute l’Afrique. Il y avait tellement d’esclavages exportés qu’on disait même que Kankou Moussa lors de son pèlerinage à la Mecque en 1925 avait amené plus 12 000 jeunes filles esclavages pour amoindrir les frais de son voyage parce que la plupart de ces filles n’ont plus revu le Soudan.

Mali Tribune : Quelles sont les conséquences de cette traitre aujourd’hui ?

DS. : Pour le continent, c’est vraiment un manque car l’Afrique a perdu pratiquement ses bras valides de l’époque. Donc l’Afrique a été sevrée de ses bras les plus valides. C’est donc une conséquence indéniable car on n’amenait pas les vieillards ni les malades mais les plus solides. Et nous ressentons aujourd’hui les conséquences de cela. Ensuite il y a eu le traumatisme lié à cette traite.

MOUVEMENT POUR LA SAUVEGARDE DES DROITS DE L’HOMME

L’association dénonce des nouvelles formes de l’esclave

Bien qu’il n’y ait pas d’organisation ou d’association défendant spécifiquement la cause des victimes de la traite négrière, il existe quand même des associations qui sont spécialisées dans la lutte pour les droits de l’Homme. Parmi lesquelles, le Mouvement pour la sauvegarde des droits de l’Homme dont le coordinateur s’est entretenu avec nous. Il a dénoncé les nouvelles formes de l’esclave malgré l’abolition de la pratique depuis des siècles.

Le Mouvement pour la sauvegarde des droits de l’Homme est une organisation indépendante de la société civile à but non lucratif créée officiellement en décembre 2019. Il intervient partout où les droits de l’Homme sont bafoués, assure la veille citoyenne et n’hésite pas à prendre position quand il s’agit de restaurer la dignité humaine. En son sein, le MSDH a une panoplie d’objectifs à atteindre.

En effet, l’organisation lutte pour réduire au minimum la violation des droits de l’Homme sur toute l’étendue du territoire malien. Elle lutte contre l’esclavage sous toutes ses formes ; formule des recommandations sur toutes les questions relatives aux droits de l’Homme dans le cadre réglementaire, législatif et judiciaire ; veuille avec attention toutes décisions ou actions du gouvernement susceptibles de porter atteinte au respect des droits de l’Homme ; informe et dénonce tout acte d’injustice en mobilisant l’opinion publique.

Pour l’atteinte de ces objectifs, le mouvement mène des actions qui sont dans les intérêts des personnes dont les droits sont bafoués ou menacés. Le MSDH travaille également avec d’autres organisations de la société civile, des organisations internationales et des gouvernements pour promouvoir les droits humains au Mali. Il est reconnu comme l’une des principales organisations de défense de droits humains au Mali et est respectée pour son travail de plaidoyer et de sensibilisation.

Boubacar N’Djim, la coordination du Mouvement pour la sauvegarde des droits de l’Homme rappelle que “la Journée mondiale pour l’abolition de l’esclavage vise à sensibiliser l’opinion publique à la persistance de l’esclavage moderne sous différentes formes, tels que le travail forcé, l’esclavage sexuel…”

Pour lui, la journée commémorative est une occasion de réfléchir à l’importance de l’abolition de l’esclavage. A l’en croire, c’est dans ce cadre que le MSDH inscrit sa démarche en organisant chaque année des activités de sensibilisation pour les victimes et les décideurs en vue d’adopter une loi qui les protègera.

MICRO-TROTTOIR

L’aversion des Maliens

 Dans ce micro-trottoir réalisé dans le cadre de la commémoration de la Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition, des citoyens maliens donnent leur point de vue sur la question. Bien que les faits soient lointains, certains en gardent toujours des souvenirs frais et une aversion inoubliable.

 Issouf Ouattara (pharmacien) :

“La traite négrière c’est l’exploitation d’un puissant peuple sur un autre afin de s’accaparer de sa richesse. Je condamne fermement cette pratique”.

Noumousso Sangaré (étudiante en santé) :

“C’est l’échange d’esclave et d’argent entre les pays européens, américains et africains. En conséquence, l’Afrique a été appauvrie”.

Baba Naco (opérateur économique) :

“La traite négrière désigne le commerce d’esclaves noirs déportés de l’Afrique vers l’Europe. Ceci a fait naitre un circuit commercial appelé commerce triangulaire entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. Cette traite a appauvri l’Afrique et a, en revanche, développé l’économie européenne”.

Aminata Traoré (ménagère) :

“A l’école, il nous a été enseigné que ce sont les Blancs qui vendaient nos aïeux en échange de pacotilles. La pratique a affaibli l’économie africaine et enrichi celle des Blancs. L’Afrique n’avait plus de bras valides pour développer le continent”.

Dossier réalisé par

Fatty Maïga

 

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1 commentaire

  1. Souvenons-nous aussi que les Arabo-Berbères ont detruit l’Empire du Ghana de Kanghe Makan Cisse avec ses consequences humaines ainsi que l’empire Songhai d’Ali-Ber avec ses graves consequences humaines. Apprenons de tous ces événements historiques malheureux afin de faire en sorte qu’ils se repetent jamais plus.

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