Baba Moulaye Haïdara, Président du PMTR : “Durant cette Transition, nous avons bénéficié du nouveau partenariat qui nous a permis d’avoir accès à des armes digne de ce nom”

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“J’aurais aimé voir la Cédéao à nos côtés quand nous étions en pleine guerre bien avant la France, la Minusma”

Dans une interview qu’il a nous a accordée, l’ancien ministre Baba Moulaye Haïdara, président du Parti malien du travail de la refondation (PMTR), dresse le bilan de 4 ans de la Transition, notamment dans les domaines politique, économique et sécuritaire. Tout en saluant les nombreuses actions menées sous le leadership du chef de l’Etat, le colonel Assimi Goïta, le leader du PMTR appelle à l’union sacrée des Maliens autour des autorités de la Transition pour faire face aux défis.

Aujourd’hui Mali : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Baba Moulaye Haïdara : Je suis Baba Moulaye Haïdara, ancien ministre et actuellement président du Parti malien du travail et de la refondation (PMTR), un parti né en janvier 2023 et qui a comme ligne de conduite politique, le soutien responsable et raisonnable à la Transition. Pour nous, rien ne vaut le Mali et on ne peut rien échanger contre le Mali. Ainsi, nous avons choisi d’accompagner la Transition tout en restant raisonnables et suffisamment responsables vis-à-vis des objectifs fixés par notre parti pour le devenir et l’avenir du Mali. Un soutien raisonnable signifie le respect des intérêts du Mali, le respect des objectifs que le parti s’est fixés, c’est-à-dire un Mali prospère qui ne pourra et ne saura se faire qu’à partir d’une Transition réussie.

Pour nous, il faut mettre de côté toute forme de passion politique et voir avec raison l’avenir de notre cher pays. Et cela ce n’est pas pour quelqu’un, ce n’est pas pour soutenir ou lutter contre un homme quelconque, mais c’est plutôt pour aider tous les Maliens dans la responsabilité de faire du Mali un pays prospère.

Et soutien responsable ?

Qui dit Transition parle d’une période compliquée, de turbulences. Encore que c’est une transition qui se passe en période de guerre. C’est vrai qu’un régime est parti le 18 août 2020 mais ce régime est parti pendant que nous étions déjà victimes d’un terrorisme sans précédent.

Le Mali a connu des rebellions et des rebellions mais cette fois-ci c’est une autre forme de rébellion. Donc un pays qui traverse une crise multidimensionnelle ne mérite pas que l’on en rajoute. Nous disons que nous voyons les choses en face avec les responsabilités, c’est-à-dire tout simplement que chaque fois que nous pensons que cela ne doit pas se faire comme  nous le voyons ou le percevons, nous approchons qui de droit pour parler, voir le mieux indiqué et dire notre point de vue.

Pour nous, notre point de vue n’est pas forcément le meilleur. Si des arguments sortent et qui nous prouvent qu’effectivement ce que nous disons n’est pas la bonne solution, nous n’avons aucune honte, aucun complexe à rallier cela. Responsable, ça veut dire que nous accompagnons les autorités de la Transition mais toujours tout en restant nous-mêmes.

Quel bilan tirez-vous des 4 ans de la Transition ?

Etre au devant dans ce pays, c’est accepter d’aller au feu. En réalité, une transition c’est comme un pont fragile. Il faut faire en sorte qu’il ne chute pas et en même temps reconstruire le pont et faire qu’il ait la force nécessaire pour supporter la traversée de tous. La Transition est arrivé comment ? D’abord avant que la Transition n’arrive, personne ne peut nier que le pays traversait une crise politique profonde. Des jours chauds, des mois difficiles avec les manifestations du M5-RFP et d’autres mouvements et les mécontentements.

Il y avait vraiment une situation qui n’était pas acceptée par tous. C’est ce qui a abouti à la situation qui est arrivée, c’est-à-dire au départ du régime qui était démocratiquement mis en place. Et ceci parce que le peuple s’est levé en grande partie pour dire non. La Transition est arrivée dans les conditions très difficiles. Et ça suppose que les autorités de cette Transition n’auront pas la tâche facile et simple. Et voilà pourquoi vous avez compris que la première année de la transition a été une période très  turbulente.  Cette première année on a connu tous  les difficultés du monde avec la Cédéao, avec la communauté internationale de façon générale et vous avez vu qu’on a vécu l’embargo économique, politique et au même moment on était obligé de faire face à l’insécurité grandissante dans le pays.

La première année était très turbulente et elle a fini par secouer les autorités de la Transition qui ont initié la rectification de la Transition, qui a vu le départ du premier président de la Transition Bah N’Daw et son gouvernement. Il y a eu un nouveau changement politique. Et après ce changement politique, le vice-président de la Transition qui est l’actuel président de la Transition S. E. Assimi Goïta est arrivé au pouvoir et désormais n’est plus vice-président mais président de la Transition et il a nommé Dr. Choguel Kokalla Maïga comme Premier ministre.

Cela fait trois ans que nous sommes dans cette deuxième partie, sinon c’est une nouvelle forme de la transition. Ce que je dire, sur le plan sécuritaire, aujourd’hui tout le monde reconnait que notre armée a retrouvé une force psychologique. Elle a été restaurée psychologiquement et moralement. Et l’armée et son peuple se sont réconciliés, se sont mis ensemble. Beaucoup de gens pensent que la montée en puissance de l’armée c’est seulement parce qu’il y a eu de nouvelles armes. Non !

D’abord la réconciliation avec son peuple, la retrouvaille de la confiance au sein même de l’armée, ça c’est extrêmement important. Et cela est à l’actif de la Transition, à l’actif du premier militaire, à l’actif du chef suprême des armées. Mieux, durant cette période, nous avons bénéficié du nouveau partenariat qui nous a permis d’avoir accès à des armes dignes de ce nom auxquelles on n’avait pas accès à un autre moment. Ces armes nous ont permis avec la retrouvaille de la confiance au sein des troupes d’affronter le terrorisme et toutes les formes d’attaque du pays avec un autre état d’esprit.

J’avoue très honnêtement que la montée en puissance s’explique aussi par la reprise de Ber, la reprise de Kidal et d’autres localités et endroits. Elle est la diminution également de tout ce qu’il y avait comme attaque sur les grandes voies principales. Je ne vous dis pas que nous sommes aujourd’hui cent pour cent sécurisés, cela n’existe jamais, mais nous sommes à un niveau que personne ne rêvait d’avoir en si peu de temps. Je suis de Tombouctou, je sais tout ce qui se passe. Donc la reprise de Kidal, de Ber, la sécurisation de tronçons routiers, la sécurisation du déplacement des hommes et des femmes et leurs biens, je ne dis pas que ça été à cent pour cent mais aujourd’hui tout le monde sait très bien qu’il y a une accalmie qui mérite d’être flattée.

Je profite du micro pour rendre un hommage à nos Forces armées et de sécurité pour notre défense de façon générale par rapport à ceux qui s’est passé à Tinzawaten.

Tinzawaten à mon avis ça été la plus grande lâcheté du siècle, parce que nous sommes chez nous, nous voulons tout simplement vivre en paix chez nous, sécuriser notre population et du dehors des gens trouvent le moyen de nous attaquer ou d’aider ceux-là qui nous empêchent d’être tranquille, c’est ceux-là que nous sommes en train de combattre.

Aujourd’hui tout le monde a compris. Je pense que qu’il faudrait qu’on continue à travailler et à nous battre dans ce sens. La vérité comme on le dit est têtue, donc elle finira par se savoir par le monde entier. Je crois que la libération de l’Afrique, l’indépendance totale de l’Afrique sur le plan politique et sur tous les autres plans, si je ne m’abuse, va démarrer du Mali.

En plus de ce volet, quelles autres actions peut-on mettre selon vous à l’actif de la Transition ?

A l’actif de la Transition, je mettrais le départ des forces armées françaises, les forces étrangères de façon générale et même le départ de la Minusma, des actes que je juge bien parce qu’ils ont  permis de nous prendre nous-mêmes en charge et de comprendre que personne ne viendra faire notre pays à notre place. Le partenariat  qu’on a avec la Russie n’est pas un nouveau partenariat, nous sommes avec les Russes depuis l’indépendance jusqu’à nos jours.

Vous avez combien de cadres, de docteurs, d’ingénieurs qui sont venus de l’Union soviétique de l’époque ? C’est un vieux partenariat que nous avons réchauffé en lui donnant cette fois-ci d’autres orientations. Pourquoi ? Parce que nous sommes en train de réorienter toute notre politique internationale. Il va de soi que cela joue aussi sur les partenaires. Que l’on sache avec quel partenaire on peut traiter telle ou telle question, avec quel partenaire on peut être rassuré.

Le monde est en train de se réorganiser, de se restructurer, nous n’allons pas être en reste  encore moins toute l’Afrique. Pour qui sait ce qui se passe en Ukraine, en Palestine avec Israël, pour qui sait ce qui se passe sur le plan diplomatique et international, j’ai comme l’impression que nous sommes en train d’aller sur un nouvel ordre diplomatique, un nouvel ordre politique  international. C’est pourquoi je dis qu’il faut que l’Afrique se réveille. Il ne faudrait pas qu’on continue de nous berner en nous disant que nous sommes le berceau de l’humanité. Nous sommes aussi le berceau de la richesse et il faut qu’on prenne et occupe notre place. Je crois que le Mali a choisi une bonne route. L’Afrique avec son milliard d’habitants, avec sa richesse jusqu’ici nous n’avons pas une siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unis.

On ne peut pas continuer toute la vie à être des étrangers dans un monde que nous nourrissons, un monde auquel on donne de l’énergie avec nos matières premières… Donc c’est à l’actif de la Transition que tout se passe ainsi. Je peux dire toujours sur le plan politique, la Transition a réussi quand même à nous emmener à la IVe République. Depuis le tout premier régime démocratiquement élu jusqu’à nos jours, il n’y a pas eu de mandat au cours duquel il n’y avait pas de tentative de revoir notre Constitution.

Aujourd’hui, la Constitution est effective. Elle a été votée à la majorité absolue de tous les Maliens. Nous avons une nouvelle Constitution, donc une nouvelle République. Un autre acquis, c’est que nous sommes sortis de la Cédéao. Je suis politique, c’est vrai, mais je suis aussi de ceux-là qui pensent qu’il fallait donner une leçon à la Cédéao.

Vous pensez donc que le Mali a bien fait de quitter la Cédéao ?

J’aurais aimé voir la Cédéao à nos côtés quand on était en pleine guerre avant même la France, avant la Minusma, avant toutes les forces étrangères, la Cédéao aurait pu se battre à nos côtés. Nous aurions compris en ce moment que la Cédéao nous donnes des orientations politiques que nous allions sûrement exploiter. Mais vous nous mettez de côté quand il s’agit de se battre et vous venez nous imposer les orientations qui vous sont instruites d’ailleurs ; cela ne peut pas marcher. Nous avons été abandonnés en pleine guerre par nos frères. Nous ne sommes pas contre les différents pays de la Cédéao, mais nous avons dit, nous le Mali, le Burkina Faso, le Niger, nous avons été frappés avec le même bâton alors faudrait-il qu’on trouve la solution à ce problème qui est commun.

Nous sommes à peu près 70 millions d’habitants, a peu prés trois millions de km2, sur la Cédéao  nous ne sommes pas que rien. Nous sommes de grands producteurs d’or, d’uranium, de pétrole.  Nous sommes également de grands producteurs de produits agricoles. Nous avons tout ce qu’il faut pour vivre. Nous sommes de vieux pays. Certains aiment parler de l’Empire du Mali, l’Empire du Ghana, l’Empire songhay mais tout ça c’est qui ? C’est encore tous ces pays. Nous allons nous prendre aujourd’hui en main, cela devient un problème pour certains parce que ça va gêner sur les plans politique, diplomatique et surtout économique.

Tout le monde a vu le Liptako Gourma de nom mais chaque fois que le Liptako Gourma a voulu faire un bon pas on trouve que cela devient un obstacle. Mais pourquoi l’AES devient un problème ? Moi je salue le départ de notre pays de la Cédéao, la création de l’AES. Nous n’avons aucunement l’intention de travailler à la dislocation des rassemblements ou des regroupements régionaux en Afrique. La réunion de l’Afrique, l’union africaine est une réalité à laquelle on ne fera pas défaut, on se battra pour cela.

Des analystes et certains de nos compatriotes pensent que la situation économique du Mali est à l’orange pour ne pas dire au rouge. Est-ce que ce n’est pas inquiétant pour le pays ?

Moi je ne dirais pas que nous sommes zone orange ou en rouge sur le plan économique, nous sommes en difficultés et nous allons nous en sortir parce que nous avons les moyens intellectuels, matériels et nous avons les richesses qu’il faut. Mais ce qui est clair, c’est sur la base du partenariat honnête, sincère et crédible que nous allons restaurer toute la situation que certains pensent déjà déplorable. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec orange mais je suis d’accord que nous avons des problèmes et nous sommes faits pour les gérer et nous allons continuer de les gérer et in shaa Allah. Nous trouverons des solutions.

Pour trouver des solutions à ces problèmes, certains acteurs politiques et observateurs estiment qu’il est urgent qu’on aille aux élections. Est-ce que vous partagez cette vision au sein de votre formation politique ?

Même les autorités du jour souhaitent qu’on aille aux élections. Moi je ne me fais aucun souci que pour les autorités, tout comme pour tout le monde, les élections sont obligatoires, on va aller aux élections. On ne fait pas les élections pour les faire, on ne fait pas les élections n’importe comment ou parce qu’on peut les faire. Il faut réunir les conditions. J’avoue qu’à cette réunion de l’Aige au CICB, les informations que nous avons eues nous prouvent à suffisance que nous sommes plus proches de l’organisation de l’élection que de sa non organisation. Par rapport à cela, moi je crois que les autorités et la classe politique parlent le même langage : allons-y aux élections ! Mais celui qui a la main dans la gestion des affaires de l’Etat a des informations que tout le monde n’a pas.

Tout le monde sait également ce qui est arrivé en 2018, c’est vrai qu’il ya eu beaucoup de problèmes, mais les élections législatives de l’époque sont une des causes qui ont conduit rapidement à la chute du régime. J’étais quand même de ce régime-là. Donc, il faut organiser des élections acceptables au moins pour la majorité. Je peux vous donner l’assurance que l’information que nous avons reçue de cette réunion, je crois que beaucoup de gens vont être agréablement surpris.

Avez-vous des conseils à l’endroit des autorités pour la bonne suite de la Transition ?

Le premier conseil que j’ai à l’endroit des autorités c’est que, déjà elles font de leur mieux mais j’aimerai qu’elles fassent encore plus et restent à l’écoute du peuple, rassembler le peuple, éviter la division au sein de la population, éviter les discours clivants, éviter d’indexer X ou Y comme ennemis du Mali. Tous les Maliens sont fils de ce pays et quand on est appelé à gérer, à être au-dessus, à diriger, on est appelé à avoir le dos large, on est appelé quelques fois à ne pas écouter. Il faut plutôt voir ceux qui peuvent nous rassembler.

En réalité, c’est l’union de tous les Maliens qui fera la force du Mali. On parle de l’Union africaine, de la Cédéao, tout ça c’est se rassembler, être plus forts, mais l’unité d’abord, c’est le Mali. Il faudrait que nous Maliens on se rassemble.

Les discours clivants, il faut les éviter. Certaines autorités tiennent certains propos qu’il faut éviter. Tous, nous n’avons qu’un seul intérêt qui est le Mali. Donc, j’appelle au rassemblement, à l’union nationale, l’union sacrée autour de notre pays, qu’on se donne la main au sein de notre nation pour qu’on soit une seule force derrière notre armée.

          Réalisé par Kassoum Théra

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