ZOOM AFRIQUE : Pourquoi les Etats-Unis souffrent d’un “déficit de crédibilité” en Afrique

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BEIJING/NAIROBI, 10 octobre (Xinhua) — En août, l’armée américaine a fermé sa dernière base militaire au Niger, qui a jugé “illégal” son accord de coopération militaire avec les Etats-Unis. En mai, l’Ethiopie a qualifié de “conseil non sollicité” le discours de l’ambassadeur américain sur ses affaires intérieures… le mécontentement et la méfiance des pays africains à l’égard des Etats-Unis vont bien au-delà de cas isolés.

La perte de crédibilité de Washington se manifeste par une diminution de la perception positive du leadership américain sur le continent. Selon le dernier sondage Gallup sur la perception du leadership global, le taux médian d’approbation des Etats-Unis en Afrique, indicateur du soft-power du pays, est passé de 59% en 2022 à 56% en 2023. Parmi les quatre grand pays interrogés, les Etats-Unis sont les seuls à ne pas avoir vu leur image s’améliorer en Afrique en 2023.

Malgré le rôle de premier plan joué par les Etats-Unis dans les affaires africaines, le déficit de crédibilité de Washington sur le continent persiste et même risque de s’accentuer dans certains cas.

PROMESSES NON-TENUES

Depuis le premier sommet Etats-Unis-Afrique sous l’administration Obama en 2014, les pays africains nourrissaient de grands espoirs quant aux promesses d’investissements américains. Pourtant, au lieu d’augmenter, les échanges commerciaux entre les Etats-Unis et l’Afrique ont considérablement diminué depuis lors.

Selon le Bureau du recensement des Etats-Unis, le commerce entre le pays et l’Afrique, qui s’élevait à 113 milliards de dollars en 2010, s’est contracté à 67,4 milliards en 2023. Selon “Statista”, une plateforme mondiale de données et d’intelligence économique, après un pic en 2014, soit 69 milliards de dollars, les investissements directs étrangers (IDE) en Afrique en provenance des Etats-Unis ont chuté à 44,81 milliards de dollars en 2020 avant d’atteindre 56,29 milliards en 2023.

En 2018, l’administration Trump avait lancé le programme “Prospective Afrique”, qui visait à stimuler la croissance africaine via le commerce et l’investissement. Cependant, M. Trump, qui n’a jamais visité le continent pendant son mandat, a réduit le budget de l’Agence américaine pour le développement international (USAID).

En outre, l’aide américaine, souvent conditionnée aux soi-disants droits de l’homme, est pleine d’incertitude.

“Alors que la réponse dirigée par les Etats-Unis au changement climatique, au financement du développement et à la compétition des grandes puissances semble continuer à favoriser le Nord mondial (…), cette promesse excessive et ce manque de résultats n’ont fait que renforcer la réputation bien établie selon laquelle Washington est un partenaire intrinsèquement peu fiable, voire hypocrite”, a déclaré Cameron Hudson, Senior Fellow du programme Afrique au CSIS (Center for Strategic and International Studies), dans un rapport du CSIS.

ARROGANCE ET DECONNEXION DES REALITES AFRICAINES

Un épisode marquant du sommet Etats-Unis-Afrique de 2022 a été largement relayé : plus de 50 dirigeants africains ont été transportés en bus vers le lieu de la rencontre. Le président kényan, William Ruto, qui s’est indigné de cette réception peu protocolaire, a dénoncé l’incorrection consistant à “nous entasser dans des bus comme des écoliers”.

“Le sommet Etats-Unis-Afrique (sera) un échec si les Américains ne traitent pas les Africains sur un pied d’égalité”, selon Arikana Chihombori-Quao, ancienne représentante de l’Union africaine aux Etats-Unis, “historiquement, les Etats-Unis ont considéré l’Afrique comme leur ‘arrière-cour’ et ont pratiqué une discrimination raciale à l’encontre des Africains”.

Outre l’arrogance affichée, l’approche américaine envers l’Afrique est caractérisée par une déconnexion profonde d’avec les réalités africaines.

Selon le politologue bissau-guinéen Seco Cassama, les Etats-Unis ignorent complètement la réalité africaine : “ses traditions, ses civilisations imposent toujours leurs intérêts au-dessus de ceux des Africains”. M. Cassama a affirmé que l’initiative américaine est souvent une imposition qui ne respecte pas la réalité africaine.

Prenons comme exemple la présence militaire des Etats-Unis au Niger. Selon l’analyse de données d’Olayinka Ajala, maître de conférences en politique et relations internationales à l’Université de Leeds Beckett au Royaume-Uni, en dépit de l’opération américaine qui a débuté en 2013, les activités terroristes et les décès n’ont cessé d’augmenter depuis 2014. En fait, le nombre d’attaques a augmenté de manière significative depuis 2018, lorsque les Etats-Unis ont ouvert la base aérienne 201 à Agadez, mettant en avant l’inefficacité des stratégies américaines, qui ne tiennent pas compte des réalités locales ni des sentiments des populations.

INGERENCE ET IMPOSITION

En septembre, trois citoyens américains impliqués dans une tentative de coup d’Etat en République démocratique du Congo ont été condamnés à mort par un tribunal militaire congolais. Un autre cas d’ingérence des Etats-Unis dans les affaires intérieures africaines.

En mars 2023, lors de la visite de la vice-présidente américaine Kamala Harris en Afrique, Fred M’membe, président du Parti socialiste de Zambie, a accusé les Etats-Unis d’avoir orchestré des coups d’Etat, renversé plusieurs gouvernements et assassiné des dirigeants africains. “Aujourd’hui, un tel pays vient nous enseigner ce qu’est la démocratie”.

Selon Ibrahima Diao, universitaire sénégalais sur les relations internationales, “dans la plupart de leurs projets d’infrastructure dans les pays en développement, les Etats-Unis imposent leurs valeurs démocratiques”.

L’ingérence politique, un grand obstacle dans les relations entre les Etats-Unis et l’Afrique, se manifeste par des moyens économiques. L’AGOA (Africa Growth and Opportunity Act), en tant que politique préférentielle unilatérale, est la pierre angulaire des échanges économiques des Etats-Unis avec l’Afrique. Les pays bénéficiaires doivent répondre à de nombreuses normes non économiques, telles que les réformes démocratiques, l’Etat de droit et la protection des droits de l’homme.

Si un pays perd son éligibilité, il n’a recours à aucune procédure de règlement des différends. L’AGOA est ainsi devenue un outil important de l’intervention des Etats-Unis dans les affaires des pays africains.

Le 1er janvier 2022, les Etats-Unis ont annulé les privilèges de l’Ethiopie dans le cadre de l’AGOA. En octobre 2023, les Etats-Unis ont soudainement annoncé que, en raison de problèmes liés aux droits de l’homme et à la démocratie, le Gabon, le Niger, l’Ouganda et la République centrafricaine seraient exclus de l’AGOA à partir du 1er janvier 2024.

Les Etats-Unis utilisent leur statut de superpuissance et leur pouvoir économique pour intimider d’autres pays, dans un étalage d’autorité et d’arrogance qui offense l’Afrique, pointe le journal Herald du Zimbabwe, pays depuis longtemps sous le coup de sanctions américaines. Fin

Source: https://www.aa.com.tr/fr

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