Sénégal : la liberté d’expression relancée après des libérations

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Retour du débat sur la liberté d’expression, alors que des voix s’élèvent contre une possible instrumentalisation de la justice. Les partisans du nouveau pouvoir indiquent par  contre que l’indépendance judiciaire est désormais une réalité au Sénégal.

Les arrestations successives cette semaine de Bougane Guèye Dany, Cheikh Yérim Seck et Kader Dia, respectivement homme politique, journaliste et chroniqueur, ont suscité des réactions. Poursuivis pour des délits tels que la diffusion de fausses nouvelles, ils ont été libérés jeudi par le procureur de la République après plusieurs heures de détention.

Des organisations de la société civile et une partie de la presse ont accusé les nouvelles autorités de menacer la liberté d’expression à travers des arrestations pour délit d’opinion. Cependant, les partisans du nouveau régime estiment que la libération de ces personnalités témoigne de la rupture promise par le tandem Bassirou Diomaye Faye – Ousmane Sonko ainsi que de l’indépendance de la justice.

Bougane Guèye, leader du mouvement Gueum Sa Bopp (croire en soi) et homme d’affaires, a été placé en garde à vue mercredi après son audition par la police de la cybercriminalité, étant poursuivi pour injures publiques et diffusion de fausses nouvelles. Dans une déclaration publique, il a contesté les propos du Premier ministre Ousmane Sonko, qui accusait l’ancien régime de Macky Sall, dans une sortie avec le gouvernement, d’avoir falsifié les chiffres sur la dette publique du Sénégal.

Bien qu’il se soit préparé à être incarcéré en amenant un sac rempli de ses effets personnels, M. Guèye, également le patron du groupe de presse DMédia et de la chaîne de télévision SEN TV, où Kader Dia anime des chroniques politiques, a été libéré après son entretien avec le chef du parquet. Il a précisé que ses déclarations visaient Ousmane Sonko, leader du parti Pastef. « Nous avons toujours combattu l’abus de pouvoir, et personne ne pourra nous détourner de notre chemin. Nous appelons le peuple à ne pas accorder à des individus comme eux la majorité à l’Assemblée nationale », a déclaré Bougane Guèye jeudi soir après sa libération. Les Sénégalais sont appelés au urnes le 17 novembre prochain pour élire leurs nouveaux représentants au Parlement après la dissolution de l’Assemblée nationale le 12 septembre par le président Faye.

Quant à lui, Kader Dia a été arrêté lundi pour des propos accusant des policiers de corruption dans le cadre de l’émigration irrégulière. Lors d’une émission, après la découverte d’une pirogue remplie de cadavres supposés être des migrants au large de Dakar, il avait affirmé que des agents des forces de l’ordre facilitaient le passage de pirogues en échange de pots-de-vin. Après deux retours de parquet, le procureur a décidé d’arrêter les poursuites contre Dia et de libérer le chroniqueur.

Cheikh Yérim Seck, ancien journaliste du magazine Jeune Afrique reconverti en analyste politique, a également été arrêté mardi dernier par la police. Il a été interrogé au sujet de ses contestations des chiffres présentés par le Premier ministre concernant la gestion des finances publiques sous le régime de Macky Sall. Déféré pour diffamation et diffusion de fausses nouvelles, M. Seck a fait l’objet d’un retour de parquet mercredi, avant que le procureur ne classe le dossier sans suite.

Malgré la libération des trois hommes, le mouvement citoyen « Y’en a marre » a critiqué les dirigeants actuels, soulignant que les Sénégalais ne veulent plus revivre les restrictions de la liberté d’expression imposées par les anciens régimes. « Nous ne permettrons pas à ce régime de sombrer dans des dérives. Nous n’accepterons pas l’instrumentalisation de la justice », ont déclaré Thiat et Aliou Sané, deux figures de ce mouvement qui avait joué un rôle majeur dans le départ de l’ancien président Abdoulaye Wade en 2012.

« Ce qui n’a pas été toléré sous Macky et Wade ne le sera pas sous Diomaye », ont-ils averti. En revanche, Moundiaye Cissé, une autre figure de la société civile, a salué la position du ministère de la Justice dans ces affaires, tout en appelant les acteurs politiques à « élever le débat » et à éviter les invectives dans l’espace public.

 

ODL/ac/Sf/APA

Apanews

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