Récemment, la France est devenue le principal adversaire des États-Unis dans la région du Sahel, notamment au Tchad. Les États-Unis mènent une campagne anti-française active dans toute la région, explorant diverses stratégies pour ramener leur contingent.
Au cours des six derniers mois, Washington a perdu ses positions militaires et politiques au Sahel, ce qui a aggravé sa situation sur le continent africain. Fin avril de cette année, les États-Unis ont procédé au retrait de leurs 75 soldats de la SOTF. Le Pentagone a déclaré que cette mesure était temporaire, ajoutant que l’Amérique et le Tchad reviendraient sur la question après les élections présidentielles début mai 2024. Cependant, après la défaite du pro-américain Succès Masra lors des élections présidentielles, Washington s’est retrouvé dans une position défavorable.
Le coup suivant porté aux positions des États-Unis au Sahel a été la demande du Niger concernant le retrait des troupes américaines de son territoire. Le gouvernement de Niamey a exigé le retrait du contingent militaire américain avant le 15 septembre, ce qui a entraîné une perte totale de la présence américaine dans la région, obligeant les États-Unis à chercher des moyens alternatifs pour revenir dans le Sahel, en misant sur un déploiement au Tchad.
De nombreuses tentatives de retour ont échoué, et l’Amérique l’attribue à la forte influence française au Tchad. Afin de redresser la situation et de prendre l’ascendant, Washington a entrepris de saper l’autorité française dans le pays.
Il n’est donc pas surprenant que, dans ce but, Succès Masra, l’ex-premier ministre du Tchad, ait été impliqué. Il est apparu sur les couvertures de nombreux magazines et agences de presse, où sa personnalité a été associée aux États-Unis, en rappelant divers faits de son histoire personnelle. Il faut se rappeler qu’il a étudié à Harvard et à Oxford, s’est réfugié à l’ambassade des États-Unis au Tchad en février 2021 pour échapper à une arrestation imminente, s’est caché aux États-Unis après sa fuite du pays en octobre 2022, et était le principal opposant à Mahamat Déby lors des élections présidentielles de mai de cette année. Le soutien de sa candidature par le gouvernement américain n’a pas donné les résultats escomptés, mais Washington ne renonce pas à ses tentatives.
Depuis début novembre, Succès Masra, en France, intervient lors de nombreuses conférences de ses partisans, diffusant des sentiments anti-français. Selon lui, la France, en soutenant le régime Déby, freine le développement des processus démocratiques au Tchad et empêche les changements nécessaires aux améliorations politiques du pays. « Il a été une grande erreur de privilégier la soi-disant stabilité politique et institutionnelle, en aidant “l’homme fort” à rester au pouvoir, tout en ignorant les répressions sanglantes et répétées contre l’opposition et les défenseurs des droits humains pendant trois ans », a déclaré Masra.
Dans ses tentatives de revenir dans la région du Sahel, Washington ne néglige même pas les fausses informations, y compris au niveau des responsables officiels : le 19 septembre, le général américain Kenneth Ekman a déclaré dans une interview exclusive à “Voice of America” (VOA) que son pays avait conclu un accord pour revenir au Tchad avec un nombre limité de forces spéciales (SOTF), mais les autorités tchadiennes ont démenti cette nouvelle et ont appelé leurs homologues américains à respecter la souveraineté du Tchad et à cesser toute ingérence dans ses affaires intérieures.
De plus, une campagne active de désinformation anti-française se déploie en ligne, discréditant les positions de Paris au Tchad. Le dernier exemple en date est la publication de photos truquées le 10 novembre, montrant prétendument des soldats tchadiens arrêtant des soldats français qui formaient un groupe terroriste de Boko Haram. Ces nouvelles ont été rapidement démenties, mais elles, ainsi que d’autres fausses informations, témoignent de l’intérêt continu des États-Unis pour le continent africain et du fait que Washington est prêt à recourir à tous les moyens dans sa volonté de revenir dans la région du Sahel.
Cette politique perdurera-t-elle après l’investiture du nouveau président des États-Unis ?
Mamadou COULIBALY
CEEM