Les conseils du président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, et le ballet de médiateurs dans la crise politique au Sénégal dont notre compatriote Ousmane Yara, ont convaincu le président sénégalais Macky Sall d’organiser rapidement le scrutin présidentiel et en même temps de pacifier l’arène politique sénégalaise par la libération et la réhabilitation de détenus politiques dont l’opposant sénégalais Ousmane Sonko et son lieutenant du parti Pastef dissous, Bassirou Diomaye Faye dont la candidature a été validée par le Conseil constitutionnel pendant qu’il était en détention.
Incarcéré depuis juillet 2023, le leader de l’opposition sénégalaise, Ousmane Sonko, retrouve la plénitude de ses droits civiques. En d’autres termes, il redevient électeur et éligible. Cela fait suite à la décision de l’Etat du Sénégal de désister de son pourvoi en cassation contre l’ordonnance numéro 01 du 14 décembre 2023 rendue par le président du tribunal d’instance hors classe de Dakar et qui visait la réhabilitation du maire de Ziguinchor (sud du Sénégal) sur les listes électorales. Ainsi, dans une note adressée au président de la chambre administrative de la Cour suprême, l’agent judiciaire de l’Etat, Yoro Moussa Diallo, confirme le désistement de l’Etat du Sénégal. Ce qui permet donc à Ousmane Sonko d’être électeur.
Mais pour être éligible, il fallait plus puisque d’autres dossiers judiciaires disqualifiaient la candidature d’Ousmane Sonko. Il s’agit, d’abord, de sa condamnation par contumace pour “corruption de la jeunesse”. Une peine prononcée par la chambre criminelle de Dakar, en juin 2023, dans l’affaire de la tristement célèbre Adji Sarr, une ex-employée d’un salon de massage qui accusait l’opposant sénégalais de viols et menaces de mort. Pour Ousmane Sonko, cette décision avait comme principale conséquence politique la perte de son éligibilité en général et particulièrement son droit de se présenter à la présidentielle de 2024 finalement fixée au 24 mars, après deux tentatives de report de plusieurs mois tentés par Macky. Le Président sénégalais s’est heurté au véto du Conseil constitutionnel du Sénégal.
Rappelons aussi qu’en juillet 2023, soit un mois après sa condamnation par contumace, Ousmane Sonko était arrêté pour “vol de téléphone portable”. Il lui était reproché d’avoir subtilisé le téléphone d’une femme gendarme pour l’utiliser comme moyen de communication avec ses troupes. Suite à l’exploitation des données du téléphone, signalait-on, le procureur de la République du Tribunal hors classe de Dakar avait alourdi le dossier judiciaire du leader de Pastef en le chargeant avec plusieurs chefs d’inculpation criminels : “Appel à l’insurrection”, “association de malfaiteurs”, “atteinte à la sûreté de l’Etat”, “association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste”, “complot contre l’autorité de l’Etat”, “actes visant à compromettre la sécurité publique et à créer des troubles politiques graves” et “vol”. Des faits commis entre mars 2021 et juin 2023. En prison, Ousmane Sonko avait fait acte de non acquiescement à son jugement par contumace contre Adji Sarr. Mais les avocats de l’Etat et l’ex-ministre de la Justice soutenaient que le leader du parti appelé Pastef – et maire de Ziguinchor au sud du Sénégal- était arrêté pour d’autres incriminations qui ne remettaient pas en cause sa condamnation par contumace et la perte de son éligibilité.
Après un pourvoi en cassation de l’Agent judiciaire de l’Etat, la Cour suprême avait cassé le jugement rendu par le tribunal de Ziguinchor qui ordonnait la réinscription de Sonko sur les listes électorales. Le dossier fut ensuite refilé au tribunal d’instance hors classe de Dakar qui a statué. Dans son ordonnance, le juge Ousmane Racine Thione a argumenté “qu’il n’est pas discuté que le sieur (Ousmane) Sonko est arrêté et détenu” et “que même à supposer comme le prétend l’Etat du Sénégal, qu’il s’agit d’une arrestation pour autre cause, dès lors que le contumax fait connaître de façon expresse lors de son arrestation son état de contumax et déclare qu’il n’acquiesce pas au jugement, l’article 307 du Code pénal doit trouver application”.
A tout ceci il faut ajouter l’inéligibilité de Sonko née de sa condamnation pour diffamation sur plainte de l’ancien ministre Mame Mbaye Niang. Le leader de Pastef l’avait accusé de détournement de plusieurs milliards, mais n’avait pu en rapporter les preuves devant la justice. Et c’est ce dossier contre le ministre Mame Mbaye Niang que le Conseil constitutionnel va évoquer, notamment avec la condamnation définitive de Sonko par la Cour suprême, pour rejeter sa candidature à la présidentielle en cours. Le leader de l’opposition sénégalaise et maire de Ziguinchor est détenu à la maison d’arrêt du Cap Manuel de Dakar où a eu lieu un ballet de médiateurs faisant la navette entre cette prison et le palais présidentiel. C’est le cas de notre concitoyen, l’homme d’affaires Ousmane Yara, cité parmi les négociateurs.
Signalons que l’Assemblée nationale du Sénégal a adopté, le mercredi 6 mars 2024, une loi d’amnistie effaçant les infractions criminelles et correctionnelles commises dans le cadre des manifestations politiques qui ont eu lieu entre mars 2021 et février 2024. Le projet de loi déposé sur la table des députés le 06 mars dernier, à l’initiative de Macky Sall qui l’avait annoncé à l’ouverture du Dialogue national suite à sa décision de report de la Présidentielle, précisait en son article 2 : “L’amnistie entraîne sans qu’elle ne puisse jamais donner lieu à restitution, la remise totale de toutes les peines principales, accessoires et complémentaires, ainsi que la disparition de toutes les déchéances, exclusions, incapacités et privations de droits attachés à la peine”. Cette disposition de la Loi d’Amnistie permet à Sonko d’être de nouveau éligible, mais, pour préserver les droits des tiers comme ceux du ministre Mame Mbaye Niang, l’art 3 de cette loi d’Amnistie stipule que “l’amnistie ne préjudice pas aux droits des tiers”. Une façon de donner à Mame Mbaye Niang la possibilité de continuer de réclamer les 200 millions de francs de dommages et intérêts à lui alloués par la justice.
Hier, au moment où nous mettions sous presse, nous apprenions que l’élargissement de Sonko de sa prison du Cap Manuel était imminent, le temps de terminer des formalités d’usage.
Amadou Diarra