L’Afrique de l’Ouest s’inquiète du rapprochement de la France avec le Nigeria

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Les relations entre le Nigeria et la France ont été renforcées par le voyage du président Bola Tinubu à Paris en novembre, un déplacement mal perçu dans la région où les voisins essaient de rompre leurs liens avec l’ex-puissance coloniale.

 Par Abdulwasiu Hassan

La France, qui a longtemps régné en maître sur une grande partie de l’Afrique, apprend à ses dépens que le continent n’est plus disposé à se laisser dicter sa conduite.

Les relations diplomatiques de la nation européenne avec l’Afrique subsaharienne ont atteint leur point le plus bas, avec des pays comme le Sénégal et le Tchad qui ont forcé la fermeture des bases françaises sur leur territoire ou qui ont rompu les liens militaires après que le Niger, le Mali et le Burkina Faso ont décidé qu’ils ne voulaient plus rien avoir à faire avec leur ancien colonisateur.

Des milliers de manifestants ont crié à l’unisson « Le Tchad pour nous, la France dehors ! » lors d’une marche organisée le 6 décembre dans la capitale tchadienne, N’Djamena, et dans la ville d’Abéché. La semaine précédente, le gouvernement a déclaré qu’il mettrait fin à un accord de coopération en matière de défense avec la France afin d’affirmer sa « pleine souveraineté » et de redéfinir ses partenariats stratégiques en fonction des priorités nationales.

Au milieu de la vague de sentiments anti-français qui déferle sur le Sahel, la France a essayé de s’appuyer sur le pays le plus peuplé d’Afrique, le Nigeria, à la grande consternation d’une grande partie des citoyens et des observateurs qui considèrent que l’épanouissement d’une relation avec l’ancien colonisateur comporte de nombreux risques.

Le président nigérian Bola Tinubu est l’actuel chef du bloc régional ouest-africain, la CEDEAO, et les observateurs estiment que l’initiative de la France de renforcer ses relations avec le Nigeria est une tentative de l’ex-puissance coloniale de maintenir une certaine influence dans la région.

Le président Bola Ahmed Tinubu, qui a effectué un voyage de trois jours en France au cours de la dernière semaine de novembre, a été encensé à Paris. Son homologue français, Emmanuel Macron, a dirigé la réception d’État avec une bonne dose de diplomatie sur les médias sociaux que certains ont considérée comme étant à la limite du désespoir.

Macron a été stagiaire à l’ambassade de France à Lagos, au Nigeria, en 2002, lorsque Bola Tinubu était gouverneur de cet État. Toutefois, l’accueil réservé à Tinubu et les accords bilatéraux signés pendant son séjour en France suggèrent que la camaraderie n’était pas seulement une réactivation des liens avec Lagos.

L’amitié nouvellement forgée entre le Nigeria et la France, que beaucoup sur le continent considèrent encore comme un agresseur opportuniste, suscite l’indignation.

Selon le Dr Aminu Hayatu, chercheur en sciences politiques à l’université Bayero de Kano, il s’agit d’un parcours du combattant pour la puissance ouest-africaine.

« La France est confrontée à une situation difficile en Afrique, car elle tente de se repositionner, ce qui, dans le contexte moderne, signifie une réorientation de stratégies pour tirer parti d’un système mondial en pleine évolution. La France n’est pas la seule concernée, d’autres puissances occidentales font de même », explique-t-il à TRT Afrika.

Le Niger, le Mali et le Burkina Faso ont formé une alliance pour lutter contre le terrorisme et affirmer leur souveraineté. Photo : Reuters
« Si le Nigeria peut avoir accès à la technologie française, il ne faut pas négliger le risque de voir l’opportunisme de la France entrer en jeu », ajoute-t-il.

Des appréhensions à foison

Le protocole d’accord signé en marge de la visite du président Tinubu mentionne que les deux pays « collaboreront en matière de recherche, de formation et d’échanges d’étudiants franco-nigérians pour le transfert de connaissances et de compétences ». L’accord prévoit également une coopération dans l’exploitation des ressources minérales du Nigeria.

Les Nigérians, qui connaissent les tourments coloniaux du passé et l’influence postcoloniale écrasante de la France dans certaines régions d’Afrique, se méfient de tout accord avec la puissance européenne.

Peu après l’annonce de l’accord, de nombreux Nigérians ont exprimé leur indignation et leur crainte de voir la France s’emparer du secteur minier du pays, comme elle l’a fait dans plusieurs autres pays de la région.

Le gouvernement nigérian a été contraint de publier une déclaration tentant de minimiser les risques redoutés. « Les Français ne s’emparent pas du secteur minier du Nigeria », a tempéré Sunday Dare, conseiller spécial du président Tinubu pour les médias et la communication publique.

Toutefois, l’appréhension est palpable au Nigeria, en particulier dans la partie nord du pays qui borde le Niger, l’un des États africains qui portent encore les blessures du colonialisme français et de ses conséquences.

La mise en garde du Sahel

Le sentiment général des citoyens du Mali, du Burkina Faso et du Niger est que la présence continue de la France, même après l’indépendance, a aggravé leurs problèmes de sécurité au lieu de les atténuer.

L’histoire du Nigeria avec la France est peut-être différente, mais l’idée pesante de ce qui s’est passé dans le voisinage pendant plusieurs décennies pèse lourdement sur l’espace public. Contrairement aux pays qui ont rompu leurs liens avec la France, le Nigeria a été colonisé par la Grande-Bretagne et non par la France.

« Toutes les relations ont une histoire et des paramètres différents. Les relations que ces pays (Mali, Burkina Faso et Niger) entretenaient avec la France sont très différentes de celles du Nigeria », affirme Abdulaziz Abdulaziz, assistant spécial du président Tinubu, à TRT Afrika.

« Le fait que ces voisins aient des problèmes avec la France n’est pas une raison suffisante pour que nous ayons un problème avec elle. Ce n’est pas comme ça que ça marche », insiste-t-il.

Certains analystes estiment que le Nigeria ne devrait pas prendre sa relation avec la France au pied de la lettre et que cette relation aura forcément un effet d’entraînement au-delà du pays.

« Si d’autres pays de la région perçoivent la proximité croissante du Nigeria avec la France comme une menace pour eux, cela pourrait entraîner une augmentation des tensions et de la concurrence dans la région », suggère Hayatu.

Les analystes estiment également que même si la France place certains espoirs dans le Nigeria, le sentiment anti-français croissant et la vague de mouvements panafricanistes dans la région signifient que le terrain reste difficile pour l’ancien colonisateur.

Source: https://trtafrika.com/fr

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